Tunisiens Libres: Quand la CIA finançait les Frères musulmans

Home

Home

http://tunisienslibres.blogspot.com/2016/03/blog-post_25.html

samedi 25 juillet 2015

Quand la CIA finançait les Frères musulmans


Quand la CIA finançait les Frères musulmans



Les services secrets américains ont longtemps soutenu la confrérie, née en 1928 en Égypte.

DE NOTRE CORRESPONDANT À GENÈVE, IAN HAMEL
Publié le 06/12/2011 à 12:44 - Modifié le 06/12/2011 à 13:17 | Le Point.fr

 Saïd Ramadan, mort à Genève en 1995, gendre du fondateur des Frères musulmans et père de Hani et Tariq Ramadan.


Le fonds E 4320, conservé aux archives fédérales à Berne, 
concerne Saïd Ramadan, le gendre d'Hassan el-Banna, fondateur des Frères musulmans égyptiens. 

Poursuivi par le régime nassérien, réfugié en Suisse en 1959, Saïd Ramadan a créé le Centre islamique de Genève, le premier institut de ce genre en Europe. 

Il est par ailleurs l'un des fondateurs de la Ligue islamique mondiale inspirée par les Saoudiens. 

Une note confidentielle des services secrets suisses datant du 17 août 1966 évoque la "sympathie" de la BUPO, la police fédérale sur la protection de l'État, pour Saïd Ramadan. 

Elle ajoute : "Il est très certainement en excellents termes avec les Anglais et les Américains." 

Un autre document, daté du 5 juillet 1967, se montre encore plus précis. Saïd Ramadan est présenté comme un "agent d'information des Anglais et des Américains. 

De plus, je crois savoir qu'il a rendu des services - sur le plan d'informations - à la BUPO." Toujours est-il qu'une réunion, présidée par le chef du service du Ministère public fédéral, du 3 juillet 1967, décide d'accorder un permis de séjour à Saïd Ramadan, alors que ce dernier aurait dû être expulsé le 31 janvier 1967. 

Les raisons de cette tolérance ? La possibilité "que les amis de Saïd Ramadan prennent le pouvoir dans les mois à venir dans l'un ou l'autre État aujourd'hui qualifié de progressiste ou socialiste".

Saïd Ramadan et le président américain

Ces documents déclassés vont dans le même sens que l'ouvrage publié en septembre dernier par le journaliste américain Ian Johnson, lauréat du prix Pulitzer, Une mosquée à Munich. 

(Une mosquée à Munich

Les nazis, la CIA et la montée des frères musulmans en Occident
Lorsque la nouvelle se répandit que les pirates de l’air du 11 septembre avaient vécu en Europe, le journaliste Ian Johnson se demanda comment des partisans d’un islam radical avaient pu s’implanter en Occident.

 La plupart des explications avancées jusqu’ici font état du soutien des États-Unis aux combattants islamistes d’Afghanistan, vingt ans plus tôt. Ian Johnson, lui, s’est penché sur le début de la Guerre froide en racontant l’histoire méconnue de musulmans soviétiques passés dans le camp allemand pendant la Seconde Guerre mondiale. 

En devenant de par la volonté des agents nazis un outil de propagande antisoviétique, ils établirent à leur insu un lien ténu, dont nul n’aurait alors imaginé les conséquences, entre l’islam politique et l’Occident. 

Pendant que les agents des services de renseignement ouest-allemands et américains luttaient en vue de s’assurer le contrôle de cette communauté musulmane influente mais impénétrable – dont le combat clandestin s’organisait depuis la paisible mosquée de Munich – l’islam radical installa sa première tête de pont en Occident. 

En s’appuyant sur un nombre impressionnant de sources (dont certaines accessibles depuis peu seulement aux chercheurs), Une Mosquée à Munich s’attache à un érudit nazi ayant pris la tête d’un réseau d’espions dans l’après-guerre, à des dirigeants musulmans du monde entier, dont certains, membres des Frères Musulmans, et à des agents de la CIA naïfs résolus à employer une nouvelle arme contre le communisme : l’islam. Une Mosquée à Munich – une analyse d’une lucidité rare de l’espionnage en temps de Guerre froide, doublée d’un récit révélateur de la rencontre désastreuse entre l’Occident et l’islam radical – s’avère aussi captivant qu’indispensable si l’on souhaite comprendre les erreurs encore commises vis-à-vis des islamistes aujourd’hui. )

Les nazis, la CIA et la montée des Frères musulmans en Occident (*), on découvre que les Allemands, pendant la Seconde Guerre mondiale, ont utilisé les Tchétchènes, les Kazakhs, les Ouzbeks, les musulmans vivant en URSS contre les communistes athées. 

Les Américains ont ensuite pris le relais, soutenant les islamistes contre le bloc communiste et ses satellites. 

En juillet 1953, une délégation de musulmans est invitée aux États-Unis, et reçue à la Maison-Blanche, parmi eux Saïd Ramadan.

Le 28 octobre dernier, dans un article intitulé "Le rôle mobilisateur de Saïd Ramadan", le site francophone Oumma.com montre la photo du président Dwight Eisenhower entouré des membres de la délégation. Saïd Ramadan est à sa droite.

 Le président américain estime que, dans ses relations avec les dirigeants arabes, "notre foi en Dieu devrait nous donner un objectif commun : la lutte contre le communisme et son athéisme", relève Ian Johnson. Quelques années plus tard, Saïd Ramadan, réfugié en Europe, traite avec Bob Dreher, un agent de la CIA installé à Munich.

(Le rôle mobilisateur de Said Ramadan

Said Ramadan, père de Tariq Ramadan, le philosophe suisse, la cible privilégiée de l’intelligentsia française. Depuis Amman, où il était en poste en tant que diplomate, Saïd Ramadan, le successeur d’Hassan Al-Banna, organisera sa contre attaque. Bénéficiant d’un sauf conduit jordanien pour faciliter ses déplacements, il entreprend sa guerre d’usure contre le régime nassérien, encouragé en sous-main par les services occidentaux. Une collaboration est alors scellée officiellement lors d’une rencontre avec le président américain Dwight Eisenhower, en 1953, au paroxysme de la guerre froide soviéto-américaine.

La rencontre Eisenhower-Ramadan s’inscrivait dans le contexte d’efforts soutenus du gouvernement américain pour rallier les musulmans contre le communisme soviétique. L’Islam était considéré alors comme un contrepoids à l’athéisme soviétique dans le tiers monde. Les États-Unis considèrent les Frères musulmans comme des alliés potentiels contre Nasser et l’établissement de régimes communistes ou socialistes au Moyen-Orient.

Alliée potentielle des Etats-Unis et de l’Arabie saoudite, l’organisation des Frères musulmans est dissoute en 1954, au lendemain de la rencontre Saïd Ramadan-Dwight Eisenhower. Vingt mille de ses membres sont incarcérés, dont le numéro deux actuel d’Al-Qaïda, Aymane Al-Zawahiri. Le propre père de Tariq Ramadan, l’universitaire égypto-suisse, optera finalement pour la Suisse pour mener sa campagne de mobilisation anti-nassérienne avec l’aide des fonds saoudiens.)

Une thèse sur la charia

Saïd Ramadan vient d'obtenir en 1959 un doctorat en droit de l'université de Cologne pour sa thèse La charia, le droit islamique, son envergure et son équité. Il brûle d'envie d'étendre son influence à l'Europe entière. 

"Installé à Genève, il considérait Munich, à une journée de route de son domicile, comme l'endroit idéal où établir une sorte de base avancée", lit-on dans Une mosquée à Munich. 

La CIA finançait-elle directement Saïd Ramadan et les Frères musulmans en Europe ?

Ian Johnson reste prudent, dans la mesure où une partie des archives de l'agence de renseignements ne peut être consultée. 

"Tout indique que Dreher et l'Amcomlib eurent recours aux moyens financiers et politiques à leur disposition pour donner un coup de pouce au principal représentant des Frères musulmans en Europe", écrit-il. 

L'Amcomlib, ou American Committee for Liberation from Bolshevism, était un faux nom des services américains.
Il roulait en Cadillac

René Naba, ancien responsable du monde arabo-musulman au service diplomatique de l'AFP, penche davantage pour une sous-traitance par la Jordanie et l'Arabie saoudite. 

Pour preuve, Saïd Ramadan, de nationalité égyptienne, voyageait à cette époque avec un passeport diplomatique jordanien. 

Apparemment, le gendre d'Hassan el-Banna ne manquait pas de subsides, Une mosquée à Munich raconte ainsi qu'il roulait en Cadillac...

Décédé en 1995 à Genève, Saïd Ramadan est notamment le père de l'islamologue Tariq Ramadan, et de Hani Ramadan, qui lui a succédé à la tête du Centre islamique de Genève.

 Interrogé sur les liens éventuels de son père avec les services secrets américains et européens, ce dernier n'a pas souhaité nous répondre.

(*) Ian Johnson, Une mosquée à Munich. Les nazis, la CIA et la montée des Frères musulmans en Occident, JC Lattès

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire