Tunisiens Libres: الغرب المتحضر يدّعم أكلة لحوم البشر

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dimanche 9 février 2014

الغرب المتحضر يدّعم أكلة لحوم البشر


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Quand la CIA aidait les fous de Dieu

Par , publié le 

Les islamistes seraient-ils une telle menace si l'Amérique ne les avait pas choyés pendant si longtemps? Durant les années 80, Washington s'est servi d'eux face à l'URSS. Une politique aveugle qui a enfanté un monstre. Lequel a déclaré la guerre sainte à ses anciens protecteurs.

Malgré les menottes qui leur entravent les mains derrière le dos, les quatre prévenus sont entrés dans la salle d'audience portant un petit tapis de prière. Tout à l'heure, quand le juge de la cour fédérale de Manhattan décrétera une pause dans leur procès, les quatre islamistes, premiers inculpés à comparaître pour leur rôle dans l'attentat du World Trade Center, pourront ainsi présenter dans les règles leurs respects à leur seul Dieu et maître: Allah. En attendant, armés d'une impassibilité confinant à l'arrogance, ils ne broncheront pas quand ils verront plusieurs membres du jury pleurer en découvrant des photos des six morts, victimes de l'épouvantable explosion du 26 février 1993, à New York. Rien n'importe à ces quatre fous de Dieu, au regard de leur mission suprême. "Aujourd'hui, proclamait, il y a peu, l'un de leurs alliés spirituels, le Tunisien Rachid Ghanucci, la guerre contre l'Amérique est une priorité pour l'islam." 
Drôle de guerre, en l'occurrence, déclarée par des hommes qui, il y a quelques années, devaient tout, justement, à l'Amérique. C'était au temps de la guerre froide. Obnubilés par l' "empire du mal" et leur volonté de déstabiliser celui-ci, les Américains passèrent à l'action. Ils allaient le faire en Afghanistan, envahi par l'Armée rouge. Leur bras armé: les islamistes, accourus de partout pour "purifier leur âme" lors de cette croisade contre les communistes, ennemis de Dieu. Financés, armés, conseillés par l'Amérique, ils boutèrent l'adversaire hors de cette terre d'islam. Avant de se retourner contre leur bienfaiteur imprudent. 
C'est un chapitre extraordinaire de l'histoire contemporaine, une version moderne de Frankenstein. "Nous avons créé un monstre, dit un Américain qui eut à connaître de cette politique aux effets tragiquement pervers. Nous devons aujourd'hui en payer le prix." Prix estimé par certains à 55 millions de dollars, somme inscrite au budget 1993 de la CIA pour le rachat, au marché noir, de plusieurs dizaines de missiles Stinger, donnés aux rebelles afghans lors de la guerre contre l'Armée rouge. Et qui ont disparu. Or c'est une arme terrible: elle n'a besoin que de deux tireurs et peut abattre un avion ou un hélicoptère à cinq kilomètres de distance. Il y en a aujourd'hui plus de 200 disséminés dans la nature, non utilisés pendant la guerre afghane et qui sont donc sur le marché. Craignant qu'ils ne servent à des terroristes islamistes pour abattre des avions de ligne occidentaux, des agents de la CIA ont été envoyés un peu partout pour les récupérer. On rapporte qu'ils sont prêts à les payer six fois leur prix d'origine. "Au point qu'on peut aussi se demander si les Américains ne cherchent pas surtout à acheter le silence de leurs anciens protégés, s'interroge Olivier Roy, spécialiste de la région, qui conseilla les autorités françaises au moment de la guerre en Afghanistan. Car les Américains ont beaucoup à cacher." 
ATTISER LES BRAISES
Les prémices de l'histoire remontent à 1979, dans les bureaux d'une poignée d'opérateurs désoeuvrés de la Central Intelligence Agency. Jimmy Carter est à la Maison-Blanche, et la CIA est en pleine dépression, harcelée par le Congrès pour diverses turpitudes passées. Des milliers d'employés ont été licenciés, d'autres "placardisés". Quelques-uns, cependant, continuent à faire du zèle sans en référer à leur "boss". L'un d'eux, ancien haut responsable d'un département de l'agence, monte ainsi, dans le plus grand secret, une opération modeste mais extraordinaire, et jamais révélée jusqu'ici. Objectif: attiser les braises du feu nationaliste, et donc anticommuniste, qui couve dans les Républiques musulmanes d'Union soviétique. Sous l'autorité du seul Zbigniew Brzezinski, "le Polonais", patron du Conseil national de sécurité, des réseaux de propagande islamo-nationaliste sont mis sur pied par un tout petit groupe de la CIA, au Tadjikistan, en Ouzbékistan, au Turkménistan. On introduit, clandestinement mais en masse, des exemplaires du Coran et de la littérature, interdite par Moscou, sur les héros de guerres anciennes contre les Russes. On fournit même des armes. Déjà, quelques opérationnels américains s'élèvent contre le fait qu'on aide exclusivement les musulmans. "Mais on considérait que ces derniers étaient ceux qui pouvaient faire le plus de dégâts", dit un connaisseur de cette époque. Le décor est planté. Voilà le processus en place. 
Survient l'invasion de l'Afghanistan, le 27 décembre 1979. Brzezinski, toujours lui, enrage. "Il faut saigner les Soviétiques", proclame-t-il en guise de réaction. Le 15 janvier 1981, quand Stansfield Turner, patron de la CIA, reçoit Ronald Reagan, George Bush et son remplaçant désigné, William Casey, il informe les nouveaux dirigeants de l'Amérique des opérations clandestines en cours: en collaboration avec le Pakistan, des réseaux d'aide aux rebelles afghans ont été constitués. La nouvelle administration va les renforcer. Une officine s'installe à Francfort. La CIA contacte des immigrés afghans un peu partout en Europe, recrute les plus motivés, les infiltre dans des compagnies de fret international qui font du commerce avec le Pakistan, base arrière des rebelles. L'argent et les armes affluent. Du Maroc à l'Indonésie, tout ce que l'islam compte de fondamentalistes est encouragé par diverses agences américaines à aller faire le djihad en Afghanistan. A New York même, un centre de recrutement est ouvert, à Brooklyn, en 1982, par un Egyptien, Mustafa Shalabi, ami d'Abdullah Ezzam, un Palestinien fondateur de la Légion islamique à Peshawar, quartier général, au Pakistan, du djihad afghan. L'Al-Kifah Center, à Brooklyn, sera, dit-on, financé par les Américains, qui toléreront longtemps, en tout cas, que ses "volontaires pour l'Afghanistan" s'entraînent à tirer au High Rock Shooting Range de Naugatuck, dans le Connecticut. Et l'Al-Kifah Center de Brooklyn fera des petits à travers les Etats-Unis, où 17 centres semblables ouvriront. Or c'est ce même Shalabi qui sera le "sponsor" du cheikh Abdel Rahman, inspirateur présumé de l'attentat du World Trade Center, lors de l'entrée de ce dernier en Amérique. Et c'est dans ces centres-là que se recruteront la plupart des soldats du djihad antiaméricain aujourd'hui. Mais on y reviendra. 
Pour le moment, nous sommes en 1984, et William Casey préside à l'escalade américaine. Sans trop s'interroger sur les moyens ni sur ceux à qui ils sont fournis. Washington ne voulant pas être officiellement mêlé de trop près aux opérations, ce sont les services pakistanais qui ont la haute main sur la ventilation de l'aide aux rebelles. Et le Pakistan, pays islamique, traverse à ce moment-là une phase intégriste. Parmi les 7 groupes qui composent la résistance, Islamabad a donc choisi le plus déchaîné des fondamentalistes: Gulbudin Hekmatyar, recruté comme agent pakistanais alors qu'il était étudiant à Kaboul, en 1976. Trafiquant d'armes, de drogue, extraordinairement ambitieux, aussi soucieux de défaire les 6 autres groupes de résistants que l'Armée rouge (il reste d'ailleurs actuellement le principal obstacle au rétablissement de la paix à Kaboul), il sera pourtant le préféré des Pakistanais, et donc de William Casey. "Un jour, je me suis fait éjecter de son bureau par William Casey parce que je me permettais de poser des questions sur la sagesse de nos choix en Afghanistan, raconteVincent Cannistraro, un ancien de la CIA. Mais Casey et quelques autres croyaient à 110% ce que leur disaient les Pakistanais: que Hekmatyar était le meilleur chef militaire, et donc qu'il porterait les coups les plus rudes aux Soviétiques." Ce qui sera toujours l'objectif américain. Amplifiant l'opération de 1979, William Casey ira même jusqu'à suggérer aux moudjahidine de porter la guerre sur le territoire de l'Union soviétique. Mais, cette fois, on ne se contentera pas de distribuer le Coran. En 1985, des moudjahidine patronnés par Washington mèneront de véritables raids contre des installations militaires, des dépôts et des usines sur le territoire de l'URSS. Se rendant compte qu'il s'agissait là d'une escalade risquée pour la paix mondiale, Ronald Reagan mit fin assez rapidement à de pareilles expéditions. Mais, pour le reste, tout continua. 
Hekmatyar sera donc le chouchou entretenu par Washington, où l'on fermera les yeux sur tout. Voilà donc la CIA couvrant d'incroyables trafics d'héroïne. Car les camions fournis par l'agence et utilisés pour les transports d'armes du Pakistan en Afghanistan ne revenaient jamais à vide. On dit que les militaires pakistanais contrôlent aujourd'hui une bonne partie du marché de l'héroïne aux Etats-Unis eux-mêmes. "Evidemment, tout le monde était complice, reconnaît un opérationnel des services occidentaux. La CIA, mais aussi la DEA, chargée de la lutte contre les trafics de drogue." 
"FAIRE MAL" À MOSCOU
Cependant, le principal effet pervers de cette politique est ailleurs, dans la naissance, assistée par les Américains, du monstre islamiste. Car ils sont aux premières loges pour voir monter cette vague, qu'ils encouragent néanmoins. "Au début des années 80, précise Yusef Bodansky, animateur d'un centre de recherche du Parti républicain au Congrès sur le terrorisme et la guerre non conventionnelle, il y avait de 3 000 à 3 500 Arabes combattant en Afghanistan. Au milieu des années 80, il y en avait 16 000 auprès du seul Hekmatyar." Et c'est dans ce vivier, qui se constitue avec l'active complicité de Washington, que va naître, croître et embellir la menace islamiste. Outre la volonté de "faire mal" à Moscou, un autre concept stratégique se profile en effet derrière cette assistance. On envisage, chez les Américains, d'encourager un fondamentalisme sunnite et conservateur, allié de l'Occident, pour neutraliser l'intégrisme chiite, celui des amis de Téhéran. Les fous d'Allah afghans, et ceux qui les rejoignent, sont sunnites. Selon ce concept, on peut donc compter sur eux. Grave erreur, sur laquelle l'administration américaine fut pourtant alertée à temps par des gens comme Cannistraro ou le "congressman" républicain deFloride Bill McCollum. Hekmatyar aurait en effet, dès juin 1987, passé un accord avec Téhéran: en échange d'une aide accrue des Iraniens à son mouvement, il aurait profité de ses liens avec les services américains pour infiltrer en Occident, surtout aux Etats-Unis et au Canada, des agents qui pourraient servir plus tard. "Mais on était myope à Washington, dit McCollum. L'obsession, c'était l'Union soviétique." 
Dans le feu de l'action, l'Amérique se retrouve donc à entretenir des relations complices avec des soldats d'Allah, qui, après avoir réglé leur compte aux athées de Moscou, n'auront bientôt plus qu'une envie: en découdre avec les Occidentaux. Mais, au nom des services rendus dans le combat commun contre l'URSS, il faut se montrer reconnaissant. Avec le Tunisien Rachid Ghanucci, par exemple, qui aura souvent servi d'intermédiaire efficace entre les factions afghanes antisoviétiques lorsque celles-ci commençaient à s'entre-déchirer. En 1991, un sous-secrétaire d'Etat de George Bush prononcera même un vibrant plaidoyer au Congrès en sa faveur. Selon Bodansky, pourtant, Ghanucci était devenu, avec le Soudanais El-Turabi et le cheikh égyptien Abdel Rahman, l'un des principaux responsables des réseaux clandestins islamistes en Occident. Le cas de l'Egyptien Rahman est, lui aussi, mystérieux et fascinant. Selon une version de l'histoire, il n'a pu se retrouver aux Etats-Unis qu'avec la complicité d'agents des services américains, à qui Hekmatyar l'aurait présenté au Pakistan, en 1988. Le fait que ce soit un agent de la CIA posant comme employé consulaire à l'ambassade des Etats-Unis à Khartoum qui lui ait délivré son visa d'entrée aux Etats-Unis en 1991 plaide plutôt en faveur de cette thèse, réfutée par les hiérarques de l'agence. Ceux-ci affirment qu'un agent irano-soudanais infiltré dans l'ambassade aurait abusé l'homme de la CIA. 
En tout cas, l'Amérique, aujourd'hui, se réveille. Car, au fur et à mesure que progresse l'enquête sur l'attentat du World Trade Center et sur les réseaux islamistes implantés en Amérique, l'héritage afghan se fait de plus en plus lourd à assumer. L'immense majorité des inculpés de cette affaire est constituée d'anciens "afghans". La maison de New York où habitait Tarig el-Hassan, un Soudanais arrêté l'été dernier, quelques jours avant que son réseau tente de faire sauter deux tunnels, les Nations unies et le bâtiment new-yorkais du FBI, avait servi pendant longtemps de centre de transit pour les volontaires américains d'Afghanistan. Et puis, un mois avant l'attentat de Wall Street, une mystérieuse fusillade devant l'entrée de la CIA, dans la banlieue de Washington, avait déjà secoué le pays. Ce matin-là, 25 janvier, un homme armé d'un fusil AK-47 tua deux employés de l'agence, en blessa trois, avant de s'enfuir dans une camionnette qui l'attendait. On retrouva bien la trace du tueur, un immigré pakistanais de 28 ans, Mir Amail Kansi; d'abord dans les registres d'une société de courrier rapide en rapport avec la CIA, société pour laquelle Kansi travaillait depuis son arrivée aux Etats-Unis, deux ans plus tôt; ensuite, sur les sentiers tortueux de la région frontalière entre le Pakistan et l'Afghanistan, où il alla se réfugier une fois son forfait accompli. Là encore, les explications de cet événement diffèrent. Selon Bodansky, Kansi serait un terroriste au service de l'Iran, recruté par Téhéran en 1987, alors qu'il servait auprès des moudjahidine afghans. Il aurait été activé par les Iraniens au début de l'année, à la suite d'une visite non fructueuse d'une délégation iranienne venue à Washington tenter un rapprochement avec l'administration Clinton. Selon d'autres, Kansi avait des comptes à régler avec la CIA, datant de son engagement auprès des Afghans et de promesses non tenues par Washington. Mais, quelle que soit la vérité, l'Amérique découvrit alors que les feux mal éteints de l'Afghanistan allaient la hanter encore longtemps. 
"ALLAH EST LE PLUS GRAND"
Peu de temps avant son arrestation, le cheikh Rahman fut interrogé par le magazine "New Yorker" sur l'ingratitude des islamistes à l'égard de la CIA et de Washington, qui firent exister la rébellion afghane. "Avec ou sans les milliards de la CIA, rien n'aurait été possible sans Allah, répondit-il dans un grand éclat de rire. Sans Allah, les Etats-Unis n'auraient jamais réussi à défaire l'URSS. Allah est le plus grand." C'est pour prouver cela que Rahman et ses complices se sont maintenant retournés contre leurs anciens maîtres. En utilisant la bienveillance et la protection anciennes de ces derniers. Selon les experts, les fondamentalistes islamistes disposent aujourd'hui de plusieurs centaines d'agents dormants aux Etats-Unis, prêts à frapper. 
Pourtant, les officiels américains qui mirent en place ou appliquèrent la politique afghane de Washington ne regrettent rien. "C'est l'un des plus grands succès de l'administration républicaine", affirme sèchement Robert Gates, ancien directeur de la CIA. Jack Blum, lui, dresse un autre bilan. A présent avocat pour un grand cabinet de Washington, il fut le chef de l'équipe d'enquêteurs chargés par une commission du Congrès, il y a quelques années, de décortiquer les circuits de financement de la drogue et du terrorisme. Il fut, notamment, à l'origine de bon nombre de trouvailles sur le scandale de la BCCI, cette banque - d'origine pakistanaise, précisément - qui se mit au service de divers trafiquants et agences de renseignement, dont la CIA. Blum s'intéressa donc tout particulièrement à l'Afghanistan et à la politique américaine là-bas. "Au bout de dix ans d'engagement dans la région, d'aveuglement, mais aussi de complicité active, nous avons réussi deux choses, dit-il: nous avons fait de la région l'un des principaux centres internationaux du trafic de drogue et le noyau central du terrorisme mondial. Vous appelez cela un succès?" 



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