L'argent et le libéralisme
L’argent est fin et moyen des échanges, il est l’objet de nos désirs
personnels et le fruit de notre croyances collective dans sa valeur
d’équivalent général de toute valeur marchande. Toute valeur tend, par la
puissance de cette équivalence même et par la généralisation des échanges
marchands comme unique forme quantifiable de la réciprocité, à devenir telle.
Cette croyance institutionnalisée est soumise, en économie libérale à la loi de
l’offre et de la demande ; la quantité et la valeur relative de la monnaie
dépend donc de l’opinion collectivement produite par le jeu des échange et est
certifiée par les institutions monétaires (banques centrales) plus ou moins
dépendantes et/ou autonomes des institutions politiques.
Ainsi par la forme collective, anonyme et
abstraite de sa valeur, la monnaie transcende les désirs individuels et, comme
Dieu unifiant son peuple de fidèles, l’argent impose ses règles et ses enjeux à
tous les partenaires des échanges afin que chacun puisse espérer voir ses
désirs reconnus et ses efforts dans l’échange de biens et de services justement
récompensés. Mais, de ce fait, cette croyance, au contraire de la croyance
religieuse traditionnelle, brise la communauté fusionnelle car sa transcendance
est indéfiniment manipulable par les désirs multiples voire contradictoires de
chacun sans que cela n’entraîne, nécessairement, de violence autodestructrice :
la communauté solidaire laisse la place à la société individualiste plus ou
moins pacifiquement auto-régulée. Dieu n’est plus indispensable (sauf à titre
de référent purement symbolique : voir le dollar), pour préserver ici-bas le
jeu des échanges, la religion tend à devenir une assurance voire une thérapie
symbolique parmi d’autres ; bref, une affaire privée ou familiale en vue de la
préservation de son identité particulière individuelle et collective ; mais de
plus en plus difficilement sociale et/ou politique : les individus savent
qu’ils ont à vivre, à travailler et à échanger avec d’autres qui peuvent être
opposés à leurs croyances autres que monétaires et que celles-ci ne reposent
que sur des expériences subjectives et imaginaires sans contenu rationnel
objectivement universalisable ; la preuve de la véracité de leur croyance est
soit impossible soit immédiatement contestable par tel ou tel de leur proche.
L’argent comme valeur universelle
dominante car seule objectivable produit donc
- La possibilité de s’entendre sur des intérêts rationnellement mutualisés sur fond de réciprocité mesurable,
-Le reflux du religieux dans le sphère privée
- Le développement de l’égoïsme rationnel généralisé aux dépens des solidarité automatiques des sociétés communautaires traditionnelles plus ou moins fermés.
- La possibilité de s’entendre sur des intérêts rationnellement mutualisés sur fond de réciprocité mesurable,
-Le reflux du religieux dans le sphère privée
- Le développement de l’égoïsme rationnel généralisé aux dépens des solidarité automatiques des sociétés communautaires traditionnelles plus ou moins fermés.
Cette opposition entre Dieu et l’argent ne
va pas sans résistances et recherche de compromis problématiques à travers les
contradictions récurrentes entre existence privée et vie publique, entre
communautés particulières et sociétés globales en voie de mondialisation des
échanges économiques culturels et humains. Comprendre ces contradictions et les
stratégies des acteurs sociaux pour les traiter (bien ou mal) est aujourd’hui
une tache prioritaire pour qui veut participer positivement aux évolutions
brutales en cours et échapper `la tentation illusoire et mortelle d’un statut
quo miné par le risque de la violence identitaire et a fortiori du retour
fantasmatique et illusoire à la communauté liberticide perdue.
1) Argent et religion
Dans la société laïque, lorsque se
développent les rapports d’argent, tout peut devenir marchandise : les
biens extérieurs, les services, la force de travail donc le corps et l’esprit
indissociables : on peut comme on dit en Afrique " faire boutique avec son
cul ". Il est alors difficile, selon St Mathieu de servir à la foi Dieu (don de soi) et l’argent
(vente de soi ou de ses biens pour acheter ou louer les biens et les services,
et la personne des autres) ; cette contradiction égoïsme/solidarité est poussée
à son comble par les religions communautaristes : La solidarité
inconditionnelle exigée y considérée comme incompatible avec l’appât individuel
du gain. Inversement, l’argent et la loi du profit pour soi ne s’affirment que
par la destruction des relations symbolico-religieuses traditionnelles et ont
tôt fait de substituer à la religion la vague religiosité sentimentale dans
laquelle chacun peut y mettre ses propres rêveries et son désir, personnel dans
ses bricolages fantasmatiques, de consolation face à la mort et à la souffrance. Le syncrétisme
in/différencié met alors en cause l’unité et l’autorité de la religion en tant
que ciment social et fondement de l’autorité morale et politique, A chacun ses
intérêts économiques et spirituels ! Le Dieu pour tous n’est plus qu’une
abstraction qui n’engage pas vis-à-vis des autres et n’exige rien de soi sinon
ce que l’on se commande à soi-même pour soi-même (ne serait-ce que pour se
donner bonne conscience !). " L’ athéisme " comme refus de soumettre
la société et de se soumettre soi-même à la prétendue Vérité divine est permis,
voire, à travers le principe de la laïcité, revendiqué comme un fondement de la
vie politique et de l’éducation civique des individus/citoyens. Ainsi la
stratégie efficace de l’argent est, dans le meilleurs des cas, celle du
donnant/donnant qui se réclame de l’autonomie individuelle alors que la logique
plus ou moins (ir)rationnelle de la religion s’affirme (apparemment) dans la
valeur du don gratuit, l’allégeance personnelle au groupe et au supérieur
religieux et/ou politique et l’identification fusionnelle à la communauté et à
ses chefs. L’opposition entre les logiques et les stratégies devient proprement
déroutante et, dès lors que la tentation de l’absolu reste vivace (par l’effet
de la confusion psychologique illusoire sans cesse renaissante entre nos désir
et la réalité), cette opposition engendre angoisse personnelle et conflit
idéologiques collectifs. Mais l’affirmation du primat de l’individu qu’a rendu
possible la victoire de l’argent comme régulateur de la vie sociale (sinon
politique) a aussi permis le développement de la liberté individuelles et de la
démocratie modernes contre les sociétés religieuses traditionnelles, comme tous
les théoriciens moralistes du libéralisme nous le rappellent avec raison.
Or si cette ambivalence et cette
opposition sont mal vécues (croyances naïves dues à une éducation
traditionnelle peu philosophique, peur de l’autonomie et de la relative
solitude qui en est le prix...) la tentation est grande d’y échapper par
d’illusoires (irrationnels) compromis symboliques et pratiques.
La première stratégie est de constituer
une secte qui refuse la modernité jugée pervertie et pervertissante, en interne
sinon en externe, pour reconstituer la communauté sans rapport d’argent ; elle
exige de ses membres un dévouement ritualisé indéfectible, elle se protège
contre les influences extérieures par des pratiques ségrégatives violentes
contre les traîtres et ceux qui prétendraient changer les rapports en les
individualisant ; sous couvert de liberté religieuse, elle impose une idéologie
totalitaire et un contrôle incessant sur les comportements en utilisant la
menace de l’exclusion desidentifiante ; elle provoque l’angoisse de la
déréliction afin de s’assurer l’obéissance consentie des sectateurs qu’elle
prétend protéger contre les autres et surtout contre leur propre angoisse de
vivre et de mourir. (Amish)
Cette tentative n’a de chance de survivre que lorsqu’est maintenue une distance, un isolement politique et géographique dans un contexte relativement favorable à ces pratiques sectaires tel que celui créé par la conception multicommunautatrice Nord-américaine. Mais si le contexte extérieur reste dominé par les rapports d’argent et l’individualisme qu’ils engendrent nécessairement, la violence extrême, au moins symbolique, est la seule manière de faire fonctionner la secte sous le pouvoir quasi absolu d’un chef ou d’un groupe de prêtres charismatiques investis d’une puissance surhumaine.
Mais l’expérience de cette violence est et devient incompatible avec les fondements du droit de la société moderne et ses modes d’existence ; ces sectes, sans cesse menacées, sont alors tentées, soit par le terrorisme pour éradiquer le mal de ce monde absolument corrompu, soit par la mort collective présentée comme la coupure salvatrice radicale avec celui-ci, ou les deux.
Cette tentative n’a de chance de survivre que lorsqu’est maintenue une distance, un isolement politique et géographique dans un contexte relativement favorable à ces pratiques sectaires tel que celui créé par la conception multicommunautatrice Nord-américaine. Mais si le contexte extérieur reste dominé par les rapports d’argent et l’individualisme qu’ils engendrent nécessairement, la violence extrême, au moins symbolique, est la seule manière de faire fonctionner la secte sous le pouvoir quasi absolu d’un chef ou d’un groupe de prêtres charismatiques investis d’une puissance surhumaine.
Mais l’expérience de cette violence est et devient incompatible avec les fondements du droit de la société moderne et ses modes d’existence ; ces sectes, sans cesse menacées, sont alors tentées, soit par le terrorisme pour éradiquer le mal de ce monde absolument corrompu, soit par la mort collective présentée comme la coupure salvatrice radicale avec celui-ci, ou les deux.
Une deuxième tentative de pratique
sectaire est d’invertir l’argent d’un pouvoir religieux unifiant la communauté
pour un projet de conquête des positions de pouvoir dans la société civile en
vue de la réussite sociale de ses membres par le développement de leur
puissance individuelles d’être et d’agir, collectivement organisée sur un mode
idéologique totalitaire (scientologie). L’argent pompé par et sur les membres
inférieurs est l’expression même de la supériorité du groupe et de ses membres
; la religion n’est, en interne, qu’un adjuvant symbolique bricolé d’une
manière infantile pour abuser les naïfs, en externe une couverture de la
volonté dominatrice élitaire de ses chefs. Les membres doivent couper tous les
autre liens privées hors ceux autorisés et contrôlés par la secte en vue de son
intérêt de puissance et de la conversion de futurs adeptes qui s’opère par la
manipulation psychothérapeutique présentée comme la condition indispensable à
leur réussite individuelle dans un monde où les mieux psychologiquement armés
doivent l’emporté sur les autres. Elles exploitent pour cela les difficultés
psychoaffectives que l’individualisme compétitif provoque en se présentant
comme seule capable de produire le lien communautaire qui manque à la réussite
personnelle de ses futurs adeptes. Ce genre de sectes tentent de pénétrer
prioritairement les couches sociales disposant du pouvoir économique politique
et symbolique, mais n’hésitent pas à convertir la piétaille des défavorisés
pour l’utiliser comme main d’œuvre gratuite.
Mais cette tentative plus subtile car mieux adaptée au monde de l’argent que la précédente est elle-même victime de la puissance individualisante que celui-ci recèle : les chefs ne tardent pas à s’opposer entre eux pour bénéficier de la puissance économique et politique du groupe ; la secte explose en une variété de fractions, de sous sectes entredestructrices. (Processus accéléré par la mort naturelle ou non du gourou fondateur).
Mais cette tentative plus subtile car mieux adaptée au monde de l’argent que la précédente est elle-même victime de la puissance individualisante que celui-ci recèle : les chefs ne tardent pas à s’opposer entre eux pour bénéficier de la puissance économique et politique du groupe ; la secte explose en une variété de fractions, de sous sectes entredestructrices. (Processus accéléré par la mort naturelle ou non du gourou fondateur).
Une troisième tentative de compromis entre
l’argent et la religion moins extrême, plus courante et partant plus efficace
est d’autonomiser, quant à leurs règles de fonctionnement la vie familiale et
la vie économique extérieure. Celle-ci sera dominée par la recherche du profit
privé sans souci de solidarité publique alors que celle-là affirmera les valeurs
traditionnelles comme indispensable à la pérennité des liens familiaux. La
solidarité familiale définit comme une valeur fondamentale exige le maintien
prioritaire, le développement et la transmission du patrimoine économique et
culturel. Cela impose le strict respect des engagements matrimoniaux et donc la
fidélité sexuelle absolue soumise à une éthique autoritaire transcendante. Une
telle fidélité n’est, en effet, possible que si sont maintenus, à l’intérieur
de la vie familiale, les contraintes et les interdits religieux autoritaires
qui n’ont plus cour dans la société extérieure (contrôle du libre choix du
conjoint, criminalisation de l’adultère, de la contraception de l’avortement,
homophobie, etc..).
Le problème de cette stratégie est le suivant : comment utiliser l’égoïsme engendré par la loi du profit au service de la famille fusionnelle traditionnelle laquelle apparaît comme une condition de la réussite sociale et économique ? La réponse est liée nécessairement à la question de la sexualité car le plus grand danger à l’intérieur de la famille autoritaire traditionnelle n’est pas le liberté économique ( les échanges marchands y sont l’exception) ,mais l’autonomie sexuelle qui autoriserait chacun à revendiquer son droit à s’accoupler et à engendrer comme il l’entend sans soucis de la préservation du lien familial prioritaire. Le libéralisme économique ambiant ajouté au laxisme sexuel interne auraient alors tôt fait de détruire la famille traditionnelle. C’est pourquoi le puritanisme dans certains milieux est si porté et si porteur car la contradiction entre l’argent et la religion est déplacée au profit de celle entre la religion et le sexe ; celui-ci devient d’autant plus dangereux qu’il permet à l’égoïsme extérieur de pénétrer à l’intérieur de la famille : il est l’ennemi intime de toute solidarité familiale religieuse fusionnelle traditionnelle dans une société dominée par l’argent et qui a, de ce fait, perdu le sens de la communauté primitive. Cela est vrai dans les milieux populaires menacés par les contradictions économiques et dans certains milieux nantis qui entendent préserver, voire autojustifier leurs privilèges,
Le problème de cette stratégie est le suivant : comment utiliser l’égoïsme engendré par la loi du profit au service de la famille fusionnelle traditionnelle laquelle apparaît comme une condition de la réussite sociale et économique ? La réponse est liée nécessairement à la question de la sexualité car le plus grand danger à l’intérieur de la famille autoritaire traditionnelle n’est pas le liberté économique ( les échanges marchands y sont l’exception) ,mais l’autonomie sexuelle qui autoriserait chacun à revendiquer son droit à s’accoupler et à engendrer comme il l’entend sans soucis de la préservation du lien familial prioritaire. Le libéralisme économique ambiant ajouté au laxisme sexuel interne auraient alors tôt fait de détruire la famille traditionnelle. C’est pourquoi le puritanisme dans certains milieux est si porté et si porteur car la contradiction entre l’argent et la religion est déplacée au profit de celle entre la religion et le sexe ; celui-ci devient d’autant plus dangereux qu’il permet à l’égoïsme extérieur de pénétrer à l’intérieur de la famille : il est l’ennemi intime de toute solidarité familiale religieuse fusionnelle traditionnelle dans une société dominée par l’argent et qui a, de ce fait, perdu le sens de la communauté primitive. Cela est vrai dans les milieux populaires menacés par les contradictions économiques et dans certains milieux nantis qui entendent préserver, voire autojustifier leurs privilèges,
Or la loi de la société marchande
développée est de manipuler le désir sexuel des individus pour accroître la
demande à l’infini et pour cela elle doit, par la publicité, pénétrer au plus
intime des désirs sexuels en les individualisant c’est-à-dire en les soumettant
directement au désir narcissique individuel exacerbé par des représentations
érotiques individuelles efficaces de soi. La pub s’attaque en permanence et
dévalorise la famille traditionnelle (voire les institutions chargées de
l’éducation) jusqu’à prendre les enfant et les jeunes comme sa cible
privilégiée afin qu’ils exercent sur leurs parents et les adultes un chantage
affectif permanent à la modernité consommatrice de plaisirs narcissiques
marchants indéfiniment consommables. Dans ces conditions le modèle familial
traditionnel ne peut résister à la télévision commerciale, la musique
sensuelle, voire pulsionnelle, les copains, la mode et l’idéologie hédoniste
dominante de la consommation. Les parents qui voudraient maintenir les valeurs religieuses traditionnelles
sont vite " largués " à mois de transformer la famille en secte et le
père en gourou: : Noël est le fête des cadeaux exigés dans le réciprocité de la
reconnaissance et du plaisir partagé ; le sens et les signes religieux ne sont
qu’un décor dont l’archaïsme kitsch favorise le commerce en offrant une
légitimité de façade à la consommation des biens. La religion n’est plus qu’une
affaire privée à la disposition plus ou moins conformiste des individus
consommateurs de plaisirs et de reconnaissance narcissiques. La famille alors
change de fonction principale : de lieu de la transmission de valeurs pérennes
instituant une autorité transcendante indiscutable et modelant les
comportements et les choix individuels elle devient le regroupement plus ou
moins contraints de partenaires liés par contrat tacite et révisable dont
l’objectif est d’optimiser les échanges affectifs et sensuels de moins en moins
structurés et intellectualisés en vue d’une meilleure intégration sociale. Tout
se négocie : les conventions, les finalités, les rituels, les moyens. L’amour
des siens ne s’impose pas ; il est vécu comme le prolongement de l’amour de
soi. La famille est souvent perçue comme le dernier refuge plus ou moins
provisoire face aux difficultés et aux contrariétés de l’existence personnelle.
C’est ainsi que la religion traditionnelle
a, dans nos sociétés, laissée la place à de vagues et syncrétiques croyances,
laissées à la libre disposition des individus, dont la finalité est d’offrir un
exutoire au besoin de rêver sa vie ; la réalité de celle-ci se joue ailleurs :
dans la poursuite de l’intérêt et du bonheur personnels plus ou moins régulée
par le droit fondé sur la seule exigence de réciprocité à l’exclusion de tout
salut transcendant et par des conventions en évolution permanente.
L’argent, et l’économie de marché, responsables du développement de l’idée d’intérêt et de bonheur personnels individualisés, ont disqualifié la question du sens transcendant et par là unifié et unifiant de la vie ; et avec elle, le besoin religieux traditionnel. A vouloir le restaurer on serait nécessairement conduit à poursuivre un projet sectaire, totalitaire, liberticide et violent. L’éthique du bonheur doit alors remplacer la morale du devoir. Il convient d’essayer d’en formuler les orientations principales à partir d’une critique de(s) morale(s) autoritaires et sacrificielles.
L’argent, et l’économie de marché, responsables du développement de l’idée d’intérêt et de bonheur personnels individualisés, ont disqualifié la question du sens transcendant et par là unifié et unifiant de la vie ; et avec elle, le besoin religieux traditionnel. A vouloir le restaurer on serait nécessairement conduit à poursuivre un projet sectaire, totalitaire, liberticide et violent. L’éthique du bonheur doit alors remplacer la morale du devoir. Il convient d’essayer d’en formuler les orientations principales à partir d’une critique de(s) morale(s) autoritaires et sacrificielles.
2) Argent et éthique.
L’argent et les rapports qu’il rend
possible, voire nécessaire, sont sensés tout corrompre dès lors qu’ils
substituent l’intérêt égoïste au don de soi, le calcul au dévouement, la
quantité à la qualité, la relativité plurielle et mouvante des désirs
individuels à la permanence immuable des convictions collectives. Mais il
suffit de considérer la plupart des rapports non-marchands traditionnels pour
voir que ceux-ci, bien que plus chaleureux, sont aussi plus contraignants par
l’exigence de répondre aux devoirs vis-à-vis des autres qu’ils impliquent.
Ainsi, au nom de la liberté individuelle qu’ils recèlent, les rapports
commandés par le profit détruiraient toutes les autres valeurs solidaires.
Cette critique est juste du point de vue traditionnel et de la morale du devoir
et de l’allégeance mais elle perd en partie de sa pertinence dans une société
qui fait de l’autonomie de la personne son principe fondamental : on ne peut
pas vouloir à la fois la liberté individuelle et la soumission à des devoirs
transcendants à valeur collective et indiscutable. Remarquons d’ailleurs qu’une
morale du devoir contraignante, soit s’applique à un groupe particulier
fusionnel contre d’autres (esprit tribal), soit se veut universelle (humanisme
idéaliste rationalisé) mais sont alors inapplicables car la solidarité ne peut
être sans priorité ni sélection : nul n’a le pouvoir divin de sauver tous les
hommes ! La liberté des modernes est relativement universalisable sans
contradiction parce qu’elle fait droit à l’aspiration individuelle au bonheur
par et pour soi et donc à l’intérêt et au plaisir narcissique. par delà les
frontières et les clivages ; ce qui ne va pas sans conflits mais ce qui
exige des régulations conventionnelles ou légales pragmatiques, évolutives
selon des procédures démocratique mettant en jeu les opinions du moment (cf.
l’avortement, le PACS et le clonage humain). Nul n’a plus le droit au nom de
ses convictions absolues religieuse ou morales d’exiger que les autres s’y
soumettent, sauf à les convaincre pour un temps toujours limité que cela va,
pour la majorité d’entre eux, dans leur intérêt ou leur personnelle recherche
du bonheur. C’est cette loi de la démocratie : chacun pour soi et la majorité
pour tous que toute les idéologies transcendantalistes qu’elles soient religieuses
ou rationalistes républicaines ont du mal à accepter ; or elle est la seule
source aujourd’hui partageable de légitimité de l’autorité politique sauf à
revenir à l’Etat-église ou l’Etat-parti et à la société ethnique monolithique
et fusionnelle ou à la société bureaucratique totalitaire. Le libéralisme
politique et économique dans nos sociétés est irréversible, sauf par un retour
mythique en arrière dont les conséquences pour les droits individuels seraient
catastrophiques. Cela ne veut pas dire qu’il ne faille réduire et réguler ses
excès au profit de la mise en œuvre réelle et non seulement formelle du droit
universel à la recherche du bonheur qui est au fondement du libéralisme, nous y
reviendrons. Il y a bien ici un droit universel mais il est immanent à
l’expression des désirs humains dans l’espace public qu’il soit économique
(marché et état distributeur) ou politique (démocratie représentative) et donc
toujours problématique puisque son contenu de règles et de finalité
prioritaires n’est pas fixé par une quelconque autorité supérieure mais fait
toujours l’objet d’un dissensus organisé et favorisé en tant que condition même
de la démocratie.
Les convictions morales sont rationnellement indécidables pour la simple et bonne raison qu’on peut toujours préférer telle valeur prioritaires à telle autres par exemple la solidarité précontrainte à l’affirmation de son moi qu’implique l’idée de l’autonomie individuelle ou la sécurité du conformisme au besoin critique et au changement créateur de nouvelles valeurs. Les valeurs concrètes ne sont pas des connaissances mais des stratégies en vue du bonheur et de la conception ou vision que l’ont en a. A ce sujet, en l’absence de religion ou de philosophie obligatoire, toute tentative aujourd’hui de mettre d’accord les hommes et les femmes entre eux est une illusion dangereuse et vouée à l’échec. La seule chose qui puisse faire l’accord, en droit sinon en fait, c’est de reconnaître cette diversité et de l’organiser par la démocratie et le négociation.
Les convictions morales sont rationnellement indécidables pour la simple et bonne raison qu’on peut toujours préférer telle valeur prioritaires à telle autres par exemple la solidarité précontrainte à l’affirmation de son moi qu’implique l’idée de l’autonomie individuelle ou la sécurité du conformisme au besoin critique et au changement créateur de nouvelles valeurs. Les valeurs concrètes ne sont pas des connaissances mais des stratégies en vue du bonheur et de la conception ou vision que l’ont en a. A ce sujet, en l’absence de religion ou de philosophie obligatoire, toute tentative aujourd’hui de mettre d’accord les hommes et les femmes entre eux est une illusion dangereuse et vouée à l’échec. La seule chose qui puisse faire l’accord, en droit sinon en fait, c’est de reconnaître cette diversité et de l’organiser par la démocratie et le négociation.
Revenons après ce détour théorique dont
elle découle à la question du rapport de l’argent et de l’éthique pour en tirer
les conséquences, les limites ainsi que les régulations nécessaires dans une
société libérale qui n’est pas à l’abri de dérives autodestructrices
Les rapports d’argent exigent, pour que le jeu des échanges soit crédible et donc possible car jouable en vue de l’intérêt de chacun, que personne ne se sente escroqué ou violenté par son ou ses partenaires ce qui implique plusieurs règles du jeu qui sont :
1) Le renoncement au recours à la violence pour traiter des désaccord et des conflits d’intérêt au profit de la négociation et du marchandage.
2) le respect du droit à la propriété de chacun comme condition fondamentale de la liberté individuelle
3) La libre concurrence
4) Le respect des promesses et des contrats
5) La réciprocité des échanges de biens et de services par la juste rémunération monétaire de leur valeur d’échange.
6) Le crédit de confiance accordé a priori au partenaire du jeu marchant car très peu de transactions peuvent se traiter par un échange simultané ; l’un doit souvent anticipé le comportement correct de l’autre ; en particulier cela est par définition indispensable dans les prêts d’argent qui seuls permettent une circulation rapide et profitable du capital ; mais cette confiance à pour contrepartie l’exercice du droit pénal par l’état arbitre et juge et la contrainte par corps a posteriori que celui-ci peut faire appliquer sur sa personne en cas de manquement par le partenaire aux termes du contrat. Seuls certains commerces perçus, à tort ou raison, comme mal ou non protégés ou " protégeable " par l’état, font l’objet d’un comportement de défiance a priori : La location d’un logement par exemple, le transport public, les spectacles et les loisirs ou la prostitution où le client paie souvent d’avance. Mais pourquoi le spectacle et pas le restaurant ? L’analyse pourrait être intéressante en suivant mon hypothèse...
7) Enfin la règle de l’universalité du service rendu dès lors qu’il est interdit, pour que le commerce soit profitable et que la libre concurrence soit respectée, de faire des discrimination entre les clients et de refuser la vente à quiconque est solvable et tout client doit, sauf indices manifestes, donc, dans la plupart des cas, être supposé tel.
Les rapports d’argent exigent, pour que le jeu des échanges soit crédible et donc possible car jouable en vue de l’intérêt de chacun, que personne ne se sente escroqué ou violenté par son ou ses partenaires ce qui implique plusieurs règles du jeu qui sont :
1) Le renoncement au recours à la violence pour traiter des désaccord et des conflits d’intérêt au profit de la négociation et du marchandage.
2) le respect du droit à la propriété de chacun comme condition fondamentale de la liberté individuelle
3) La libre concurrence
4) Le respect des promesses et des contrats
5) La réciprocité des échanges de biens et de services par la juste rémunération monétaire de leur valeur d’échange.
6) Le crédit de confiance accordé a priori au partenaire du jeu marchant car très peu de transactions peuvent se traiter par un échange simultané ; l’un doit souvent anticipé le comportement correct de l’autre ; en particulier cela est par définition indispensable dans les prêts d’argent qui seuls permettent une circulation rapide et profitable du capital ; mais cette confiance à pour contrepartie l’exercice du droit pénal par l’état arbitre et juge et la contrainte par corps a posteriori que celui-ci peut faire appliquer sur sa personne en cas de manquement par le partenaire aux termes du contrat. Seuls certains commerces perçus, à tort ou raison, comme mal ou non protégés ou " protégeable " par l’état, font l’objet d’un comportement de défiance a priori : La location d’un logement par exemple, le transport public, les spectacles et les loisirs ou la prostitution où le client paie souvent d’avance. Mais pourquoi le spectacle et pas le restaurant ? L’analyse pourrait être intéressante en suivant mon hypothèse...
7) Enfin la règle de l’universalité du service rendu dès lors qu’il est interdit, pour que le commerce soit profitable et que la libre concurrence soit respectée, de faire des discrimination entre les clients et de refuser la vente à quiconque est solvable et tout client doit, sauf indices manifestes, donc, dans la plupart des cas, être supposé tel.
L’argent et son usage marchand
capitalistique impliquent donc nécessairement la définition des règles de
confiance réciproques entre les partenaires et acteurs du jeu économique ; ces
règles ne relève pas d’une morale du devoir qui mettrait en œuvre des valeurs
transcendant l’intérêt égoïste mais des normes de l’intérêt mutuel qu’il ne
faut pas confondre avec un quelconque intérêt commun : celui-ci ne pouvant être
que l’objet des décisions privées des individus. La liberté individuelle
elle-même, indissociable du droit de la propriété, n’est que la condition de
l’autonomisation et de l’universalisation rationnelle des relations économique
entre acteurs qui ne se connaissent pas nécessairement avant l’échange, ne se
reconnaissent pas forcément une identité collective ou des intérêts communs,
voire ne s’aiment pas ; cette éthique de l’intérêt mutuel est en droit
universelle, rationnelle et pragmatique ; elle tente de mettre sinon hors jeu,
du moins de dominer, les affections pathologiques communautaristes et
subjectives et en cela réalise paradoxalement la position kantienne du droit.
Mais ce n’est plus ici la Raison universelle qui fonde le droit, c’est
l’intérêt mutuel bien compris qui exige des règles de raison universelle.
Les relations monétaires sont donc éthiques en elles-mêmes car elles impliquent la mesure c'est-à-dire la raison comme régulateur des échanges de biens et de services; en cela:
- elles libèrent les acteurs de tout assujettissement statutaire illimité;
- elles pacifient le jeu des intérêts en substituant l'équivalence objectivement mesurable des valeurs échangées à l'arbitraire du désir subjectif et aux rapports de force; payer est le contraire de voler ou de contraindre (payer = pacifier);
- elles obligent chaque partenaire à respecter l'autre , dans son désir comme dans sa personne, en tant que partenaire volontaire de l'échange, sauf à rendre celui-ci impossible;
- elles égalisent les conditions en relativisant les positions car chacun peut être tour à tour vendeur et acheteur et est également libre de vendre et d'acheter, s'il en a les moyens, lesquels ne peuvent, par principe, pas lui être refusés;
- elles universalisent les échanges en refusant de distinguer entre les individus parrticipant aux échanges dès lors qu'ils sont solvables (interdiction du refus de vente).
Le bilan de la "domination libérale" des relations marchandes et de l'argent dans les échanges sociaux (à distinguer des échanges privés) est donc globalement positif quant aux progrès éthiques (autonomie individuelle et justice égalitaire) qu'elle a rendu tout à la fois possibles et nécessaires.
Les relations monétaires sont donc éthiques en elles-mêmes car elles impliquent la mesure c'est-à-dire la raison comme régulateur des échanges de biens et de services; en cela:
- elles libèrent les acteurs de tout assujettissement statutaire illimité;
- elles pacifient le jeu des intérêts en substituant l'équivalence objectivement mesurable des valeurs échangées à l'arbitraire du désir subjectif et aux rapports de force; payer est le contraire de voler ou de contraindre (payer = pacifier);
- elles obligent chaque partenaire à respecter l'autre , dans son désir comme dans sa personne, en tant que partenaire volontaire de l'échange, sauf à rendre celui-ci impossible;
- elles égalisent les conditions en relativisant les positions car chacun peut être tour à tour vendeur et acheteur et est également libre de vendre et d'acheter, s'il en a les moyens, lesquels ne peuvent, par principe, pas lui être refusés;
- elles universalisent les échanges en refusant de distinguer entre les individus parrticipant aux échanges dès lors qu'ils sont solvables (interdiction du refus de vente).
Le bilan de la "domination libérale" des relations marchandes et de l'argent dans les échanges sociaux (à distinguer des échanges privés) est donc globalement positif quant aux progrès éthiques (autonomie individuelle et justice égalitaire) qu'elle a rendu tout à la fois possibles et nécessaires.
Mais d'où vient alors la condamnation
morale de l’argent ?
De la remise en cause perçue comme perverse que les relations marchandes risquent de provoquer dans les domaines des relations non marchandes.
Si, en effet, la rationalité prescriptive et éthique des relations marchandes et monétaires est ajustée aux échanges entre partenaires individualisée et abstraits qui ne sont a priori rien les uns pour les autres et ne sont pas destinés à rester solidaires, elle n’épuise pas l’ensemble des désirs humains et des relations entre les hommes qu’ils génèrent : tout rapport humain d’échange n’est pas marchand et tout désir n’est pas désir de posséder un bien ou de jouir d’un service dont la valeur serait mesurée et quantifiable. Mon hypothèse est que le désir humain fondamental est celui de se reconnaître soi-même comme valeur dans les relations que chacun entretient avec les autres en tant qu’être conscient et jugeant; or la conscience et l’amour de soi ne peuvent s’affirmer seulement dans la compétition des intérêts et la juste rétribution du service rendu, mais aussi dans le sacrifice moral, l’amour de dieu et des hommes, la recherche du pouvoir, l’amour érotique etc.. ; ces différentes stratégies n’obéissent pas aux mêmes normes et conventions régulatrices que celles des relations marchandes et, lorsque que l'on confond les différent jeux du désir, elles peuvent même leurs être plus ou moins contradictoires . Un même individu peut parfaitement jouer au commerce d’argent entre 9 et 12 heures, au commerce amical et convivial entre 12 et 14, à la lutte pour le pouvoir l’après-midi et au commerce érotique le soir tout en restant cohérent avec les différents contextes de jeu et peut, en satisfaisant la souplesse multiforme de son désir, se reconnaître dans sa valeur, c’est à dire sa puissance d’agir sans se contredire. Mais s'il applique à un contexte de jeu les règles d'un autre contexte, ou s'il prétend que les mêmes règles morales doivent valoir pour toutes les relations humaines (impératifs absolus ou catégoriques), alors il se trouve dans l'impossibilité de jouer efficacement des jeux différents et se condamne à de l'échec (héroïque?) ou au cynisme qui prétend réduire toutes les relations humaines aux relations marchandes en s'interdisant d'autres relations (ou jeux) possibles ou en les détournant de leur sens.
De la remise en cause perçue comme perverse que les relations marchandes risquent de provoquer dans les domaines des relations non marchandes.
Si, en effet, la rationalité prescriptive et éthique des relations marchandes et monétaires est ajustée aux échanges entre partenaires individualisée et abstraits qui ne sont a priori rien les uns pour les autres et ne sont pas destinés à rester solidaires, elle n’épuise pas l’ensemble des désirs humains et des relations entre les hommes qu’ils génèrent : tout rapport humain d’échange n’est pas marchand et tout désir n’est pas désir de posséder un bien ou de jouir d’un service dont la valeur serait mesurée et quantifiable. Mon hypothèse est que le désir humain fondamental est celui de se reconnaître soi-même comme valeur dans les relations que chacun entretient avec les autres en tant qu’être conscient et jugeant; or la conscience et l’amour de soi ne peuvent s’affirmer seulement dans la compétition des intérêts et la juste rétribution du service rendu, mais aussi dans le sacrifice moral, l’amour de dieu et des hommes, la recherche du pouvoir, l’amour érotique etc.. ; ces différentes stratégies n’obéissent pas aux mêmes normes et conventions régulatrices que celles des relations marchandes et, lorsque que l'on confond les différent jeux du désir, elles peuvent même leurs être plus ou moins contradictoires . Un même individu peut parfaitement jouer au commerce d’argent entre 9 et 12 heures, au commerce amical et convivial entre 12 et 14, à la lutte pour le pouvoir l’après-midi et au commerce érotique le soir tout en restant cohérent avec les différents contextes de jeu et peut, en satisfaisant la souplesse multiforme de son désir, se reconnaître dans sa valeur, c’est à dire sa puissance d’agir sans se contredire. Mais s'il applique à un contexte de jeu les règles d'un autre contexte, ou s'il prétend que les mêmes règles morales doivent valoir pour toutes les relations humaines (impératifs absolus ou catégoriques), alors il se trouve dans l'impossibilité de jouer efficacement des jeux différents et se condamne à de l'échec (héroïque?) ou au cynisme qui prétend réduire toutes les relations humaines aux relations marchandes en s'interdisant d'autres relations (ou jeux) possibles ou en les détournant de leur sens.
La grande différence, en effet, entre les
jeux marchands monétaires et les jeux de pouvoir et d’amour c’est que les
seconds mettent les individus en position de se désirer les uns les autres
directement. Précisons les choses : lorsque les acteurs se rencontrent sur le
marché, chacun ne s’intéresse qu’à l’objet et au service rendu dont il cherche
à s’approprier la valeur d’usage et symbolique au moindre coût sans considérer
le désir de l’autre autrement que comme le moyen contraignant de parvenir à sa
fin ; dans les jeux de pouvoir, d’amitié et d’amour le désir de l’autre est à
la fois le moyen et la fin ; si un échange d’objet et de service s’opère cet
échange vise à satisfaire le désir que chacun à d’obtenir le désir de l’autre ;
le désir de l’autre est donc l’objet du désir en tant que l’autre est le sujet
plus ou moins conscient de son propre désir. Dans le pouvoir et l’amour, le
désir du sujet se fait désir du désir de l’autre dont il cherche à être l’objet
en tant que moyen et fin du désir de soi (amour de soi), fondement du désir
d’être heureux dans et par la relation-reconnaissance réciproque qu’ils
produisent. Le pouvoir réside bien en effet dans la rencontre entre le désir de
dominer de l’un et le désir d’être dominé de l’autre ; une domination qui
s’imposerait par le terreur ou la corruption monétaire seules serait illégitime
et forcément contestable donc instable; dès lors qu’elle nierait le désir du
dominé elle provoquerait une résistance qui dévaloriserait à terme la
reconnaissance que recherche celui qui prétend dominer. Par son désir de
pouvoir, en effet, le dominant cherche à obtenir la soumission consentie de
l’autre en tant que celle-ci exprime la supériorité universellement
reconnaissable du dominant, laquelle passe par l’acceptation désirée par le
dominé de son indiscutable infériorité. Le motif pour lequel le dominé se reconnaît
comme tel est qu’il voit dans sa domination non seulement le résultat instable
d’un rapport de force contraignant mais la réalisation de son désir d’être
protégé de la déréliction et valorisé par identification avec les buts du
dominant et le jugement positif d’un supérieur à son égard. Cette supériorité
est mise en scène dans l’imaginaire des individus par les rituels sociaux
collectifs associant les corps et les paroles; cette mise en scène la
représente en tant que supériorité objective voire quasi naturelle car prouvée
par la pratique sociale et politique auto-réalisatrice : si tout le monde y
croit, par l’effet d’une mise en scène collective frappante mettant en jeu des
symboles quasi religieux de valeurs présentées comme transcendantes, cela marche
objectivement (collectivement) et si cela marche objectivement tout le monde
croit que c’est vrai et indépassable ; chacun est alors distribué et établit sa
propre stratégie dans le cadre des rapports symboliques de pouvoir et de la
reconnaissance de soi; et cela, en fonction de sa position originaire sociale
objectivée symboliquement médiée par le conscience et l’expérience subjective
(fruit de son histoire personnelle depuis l’enfance) qu’il en a; ce double jeu
du social et de l'expérience consciente personnelle va produire le degrés de
soumission ou de révolte vis-à-vis des valeurs sociales et des régulations
symboliques et conventionnelles dominantes visant à assurer la domination des
dominants sur les dominés dans la conscience d’eux-mêmes qu’ils en ont, les uns
et les autres (jeux de rôles).
Or le rôle de l’argent quant à la question des relations du pouvoir est ambivalent : D’une part il est un instrument extrêmement puissant pour obtenir l’obéissance de qui en désire grâce au service ou au bien qu’il peut fournir en contrepartie ; et d’autre part l’argent n’agit qu’à très court terme puisque si l’on peut acheter la force de travail ou le bien d’un individu dans un temps limité et mesuré, on ne peut acheter sa fidélité durable : libre en effet à celui qui vend sa force de travail de trouver mieux offrant ailleurs et de faire jouer la concurrence à son profit. L’argent ne crée aucun attachement durable, elle ne met en jeu qu’un pouvoir anonyme par nature éphémère et laisse chaque partenaire libre de faire défection à sa convenance. C’est en cela, nous l’avons vu, que la relation d’argent est par nature libérale et c’est pour cela que, tous les salariés le savent, la lutte pour le pouvoir d’achat se confond avec la revendication de la dignité et de l’autonomie.
Ainsi, l’argent est bien corrupteur, mais il corrompt les relations de pouvoir stables, figées et statutaires au profit de relations instables qui laisse à chacun son autonomie stratégique formelle exprimée par le contrat commercial ou de travail toujours révisable ou contestable. Dans ces conditions celui qui domine par l’argent ne peut reconnaître son pouvoir ou sa puissance personnelle à travers le domination qu’il exerce : il sait qu’on lui obéit non pour ses éminentes qualité mais pour l’argent dont, ici et maintenant, il dispose et dont le hasard pourrait le déposséder. La relation d’argent dépossède le dominant de sa domination : c’est l’argent impersonnel et l’autonomie relative et réciproque qu’il rend possible qui domine à la fois le dominant et le dominé en un jeu dans lequel ni l’un ni l’autre ne peuvent s’approprier un statut et un rôle durables et indiscutables. Le pauvre peut toujours prétendre s’enrichir : c’est pour lui un droit et le riche sait que sa richesse ne suffit pas à le garantir contre la concurrence de tous les autres ; la compétition est toujours ouverte, c’est pourquoi le riche tentera toujours de persuader le pauvre qu’il le domine pour d’autres raisons : compétence, qualités morales etc.. et que son argent il le doit à son mérite intrinsèque et non à la chance ou à la ruse. Mais il est clair que cette justification ne vaut que pour ceux qui sont dominés pour et par autre chose que l’argent : religion, séduction, , besoin de sécurité, identification imaginaire et admirative...Le pouvoir est d'essence aristocratique; il a besoin pour s'affirmerr durablement de faire croire au "mérite naturel" propre de ceux qui en disposent; pour cela, ceux-ci se doivent de cultiver ce par quoi il se prétendent au-dessus des autres, à savoir l'honneur.
Qu'est-ce que l'honneur? C'est le fait de faire croire que l'on incarne dans son être et ses actes des valeurs supérieures absolues pour lesquelles on est prêt à sacrifier ses intérêts et sa vie; l'homme de pouvoir ne craint ni la ruine ni la mort et c'est par quoi il est supérieur et peut prétendre exercer sur les autres une autorité lègitime au nom de valeurs transcendantes que tous reconnaissent. Vivre pour s'enrichir, exercer un pouvoir sur les autres pour gagner de l'argent en s'enrichissant sur leur dos est contradictoire avec l'honneur qu'exige tout pouvoir légitime et durable.Qui veut exercer un réel pouvoir et canaliser à son profit le désir de soumission doit utiliser d’autres armes que l’argent : la terreur humaine et/ou religieuse ou la séduction honorifique (charisme).
Au contraire, l’argent met en jeu des relations de pouvoir instables, contestables mais du même coup ouvertes et donc plus démocratiques. C’est pourquoi démocratie et économie marchande sont liées et que leur opposition conjoncturelle est, à terme, nécessairement une menace pour l’une comme pour l’autre.
Or le rôle de l’argent quant à la question des relations du pouvoir est ambivalent : D’une part il est un instrument extrêmement puissant pour obtenir l’obéissance de qui en désire grâce au service ou au bien qu’il peut fournir en contrepartie ; et d’autre part l’argent n’agit qu’à très court terme puisque si l’on peut acheter la force de travail ou le bien d’un individu dans un temps limité et mesuré, on ne peut acheter sa fidélité durable : libre en effet à celui qui vend sa force de travail de trouver mieux offrant ailleurs et de faire jouer la concurrence à son profit. L’argent ne crée aucun attachement durable, elle ne met en jeu qu’un pouvoir anonyme par nature éphémère et laisse chaque partenaire libre de faire défection à sa convenance. C’est en cela, nous l’avons vu, que la relation d’argent est par nature libérale et c’est pour cela que, tous les salariés le savent, la lutte pour le pouvoir d’achat se confond avec la revendication de la dignité et de l’autonomie.
Ainsi, l’argent est bien corrupteur, mais il corrompt les relations de pouvoir stables, figées et statutaires au profit de relations instables qui laisse à chacun son autonomie stratégique formelle exprimée par le contrat commercial ou de travail toujours révisable ou contestable. Dans ces conditions celui qui domine par l’argent ne peut reconnaître son pouvoir ou sa puissance personnelle à travers le domination qu’il exerce : il sait qu’on lui obéit non pour ses éminentes qualité mais pour l’argent dont, ici et maintenant, il dispose et dont le hasard pourrait le déposséder. La relation d’argent dépossède le dominant de sa domination : c’est l’argent impersonnel et l’autonomie relative et réciproque qu’il rend possible qui domine à la fois le dominant et le dominé en un jeu dans lequel ni l’un ni l’autre ne peuvent s’approprier un statut et un rôle durables et indiscutables. Le pauvre peut toujours prétendre s’enrichir : c’est pour lui un droit et le riche sait que sa richesse ne suffit pas à le garantir contre la concurrence de tous les autres ; la compétition est toujours ouverte, c’est pourquoi le riche tentera toujours de persuader le pauvre qu’il le domine pour d’autres raisons : compétence, qualités morales etc.. et que son argent il le doit à son mérite intrinsèque et non à la chance ou à la ruse. Mais il est clair que cette justification ne vaut que pour ceux qui sont dominés pour et par autre chose que l’argent : religion, séduction, , besoin de sécurité, identification imaginaire et admirative...Le pouvoir est d'essence aristocratique; il a besoin pour s'affirmerr durablement de faire croire au "mérite naturel" propre de ceux qui en disposent; pour cela, ceux-ci se doivent de cultiver ce par quoi il se prétendent au-dessus des autres, à savoir l'honneur.
Qu'est-ce que l'honneur? C'est le fait de faire croire que l'on incarne dans son être et ses actes des valeurs supérieures absolues pour lesquelles on est prêt à sacrifier ses intérêts et sa vie; l'homme de pouvoir ne craint ni la ruine ni la mort et c'est par quoi il est supérieur et peut prétendre exercer sur les autres une autorité lègitime au nom de valeurs transcendantes que tous reconnaissent. Vivre pour s'enrichir, exercer un pouvoir sur les autres pour gagner de l'argent en s'enrichissant sur leur dos est contradictoire avec l'honneur qu'exige tout pouvoir légitime et durable.Qui veut exercer un réel pouvoir et canaliser à son profit le désir de soumission doit utiliser d’autres armes que l’argent : la terreur humaine et/ou religieuse ou la séduction honorifique (charisme).
Au contraire, l’argent met en jeu des relations de pouvoir instables, contestables mais du même coup ouvertes et donc plus démocratiques. C’est pourquoi démocratie et économie marchande sont liées et que leur opposition conjoncturelle est, à terme, nécessairement une menace pour l’une comme pour l’autre.
Quant au jeu de l’amitié et de
l’amour ; le conflit et l’ambivalence avec le rôle, la valeur de l’argent et
les règles de son usage sont pires encore.
L’amour et l’amitié exprime le désir d’être aimé par l’autre pour soi-même pour mieux s’aimer soi-même ; cette exigence est pour le moins problématique. L’amant désire le désir de l’autre comme preuve de sa valeur mais il n’est jamais assuré que l’autre l’aime vraiment, c’est à dire durablement ; il est donc tenté, pour obtenir le signe de ce désir de l’autre qu’est le plaisir qu’il suscite chez l’autre, d’utiliser l’argent, s’il en a, comme moyen de séduction C’est à dire de faire plaisir par des dons à forte valeur monétaire, moyen qui parait efficace sur l’instant et qui l’est en effet dès lors que ce cadeaux est accepté. Mais cette efficacité s’accompagne nécessairement du doute quant à la qualité de cet amour : s’agit-il de l’amour de l’argent ou de l’amour de la personne qui séduit par l’argent ? Le séducteur, sans son argent, serait-il aimable ?
Si oui, alors l’argent n’est pas un bon moyen d’obtenir la " preuve " d’amour que l’amant recherche et sinon le sujet ne peut sans illusion, un jour ou l’autre nécessairement déçue, croire qu’il est aimé pour lui-même. Dira-t-on qu’il suffit d’obtenir le plaisir de l’autre par tous les moyens ? non car le client ne peut être trompé sur la valeur du plaisir sensuel de la prostituée : dès lors que l’argent est la seule motivation du service sexuel rendu celui-ci ne peut être qu’une comédie plus ou moins bien jouée en aucun cas la rencontre sensuelle du désir de l’un avec le désir de l’autre qui seule valorise les signes de l’amour réciproque car seule elle met en jeu l’imaginaire intime et corporel de chacun. Ce qui vaut pour l’amour explicitement érotique vaut aussi pour l’amitié, sauf que dans ce cas la preuve érotique de cette rencontre manque ! La durée de l’amitié, par delà toute relation marchande, peut seule valoir de preuve.
Mais l’argent peut-il servir aux jeux de l’amour et de l’amitié ? oui mais à condition de subordonner sa finalité propre, le profit pour soi-même, au profit de celui qu’on aime et du plaisir partagé qu’il contribue à produire. C’est dire que l’argent ne peut ici être maître du jeu : la dépersonnalisation que provoque les rapports marchands risque toujours de tuer toutes relation intime d’affection ; c’est au contraire en personnalisant la relation d’argent que celle-ci peut servir aux jeux de l’amour et de l’amitié mais alors il ne s’agit plus de rapports marchands ! On n’est plus alors dans le un cadre public mais dans un cadre strictement privé : l’amour dans les société à économie marchande n’est plus, en droit, socialement contrôlable, sauf exception réactionnaire et contraire au droit moderne, s’il n’est pas un jeu antisocial, il s’affirme asocial ; l’amour, dans les sociétés modernes, ne relève, en droit sinon en fait, que de la libre décision individuelle. ; alors que le jeu marchand impose l’universalité impérative abstraite de la relation client-fournisseur, L’amour et l’amitié prétendent mettre en oeuvre un don réciproque dont le contenu réel, qui fait l’objet d’échanges extrêmement personnalisés (je n’aime pas n’importe qui et ne veut pas être aimé par n’importe qui), même incarné dans des biens et des services, est incommensurable car purement qualitatif.
L’amour et l’amitié exprime le désir d’être aimé par l’autre pour soi-même pour mieux s’aimer soi-même ; cette exigence est pour le moins problématique. L’amant désire le désir de l’autre comme preuve de sa valeur mais il n’est jamais assuré que l’autre l’aime vraiment, c’est à dire durablement ; il est donc tenté, pour obtenir le signe de ce désir de l’autre qu’est le plaisir qu’il suscite chez l’autre, d’utiliser l’argent, s’il en a, comme moyen de séduction C’est à dire de faire plaisir par des dons à forte valeur monétaire, moyen qui parait efficace sur l’instant et qui l’est en effet dès lors que ce cadeaux est accepté. Mais cette efficacité s’accompagne nécessairement du doute quant à la qualité de cet amour : s’agit-il de l’amour de l’argent ou de l’amour de la personne qui séduit par l’argent ? Le séducteur, sans son argent, serait-il aimable ?
Si oui, alors l’argent n’est pas un bon moyen d’obtenir la " preuve " d’amour que l’amant recherche et sinon le sujet ne peut sans illusion, un jour ou l’autre nécessairement déçue, croire qu’il est aimé pour lui-même. Dira-t-on qu’il suffit d’obtenir le plaisir de l’autre par tous les moyens ? non car le client ne peut être trompé sur la valeur du plaisir sensuel de la prostituée : dès lors que l’argent est la seule motivation du service sexuel rendu celui-ci ne peut être qu’une comédie plus ou moins bien jouée en aucun cas la rencontre sensuelle du désir de l’un avec le désir de l’autre qui seule valorise les signes de l’amour réciproque car seule elle met en jeu l’imaginaire intime et corporel de chacun. Ce qui vaut pour l’amour explicitement érotique vaut aussi pour l’amitié, sauf que dans ce cas la preuve érotique de cette rencontre manque ! La durée de l’amitié, par delà toute relation marchande, peut seule valoir de preuve.
Mais l’argent peut-il servir aux jeux de l’amour et de l’amitié ? oui mais à condition de subordonner sa finalité propre, le profit pour soi-même, au profit de celui qu’on aime et du plaisir partagé qu’il contribue à produire. C’est dire que l’argent ne peut ici être maître du jeu : la dépersonnalisation que provoque les rapports marchands risque toujours de tuer toutes relation intime d’affection ; c’est au contraire en personnalisant la relation d’argent que celle-ci peut servir aux jeux de l’amour et de l’amitié mais alors il ne s’agit plus de rapports marchands ! On n’est plus alors dans le un cadre public mais dans un cadre strictement privé : l’amour dans les société à économie marchande n’est plus, en droit, socialement contrôlable, sauf exception réactionnaire et contraire au droit moderne, s’il n’est pas un jeu antisocial, il s’affirme asocial ; l’amour, dans les sociétés modernes, ne relève, en droit sinon en fait, que de la libre décision individuelle. ; alors que le jeu marchand impose l’universalité impérative abstraite de la relation client-fournisseur, L’amour et l’amitié prétendent mettre en oeuvre un don réciproque dont le contenu réel, qui fait l’objet d’échanges extrêmement personnalisés (je n’aime pas n’importe qui et ne veut pas être aimé par n’importe qui), même incarné dans des biens et des services, est incommensurable car purement qualitatif.
Est-ce à dire que le jeu marchand n’exerce
aucune influence sur les relations amoureuses et amicales ? L’expérience
quotidienne montre, que les couples d’amis et d’amants voire les familles
manifestent aujourd’hui ouvertement, comme dans les rapports d’argent,
l’exigence du retour de l’investissement affectif que chacun a consenti
vis-à-vis de ou des autres et que, lorsque cette exigence n’est pas satisfaite,
la relation peut être dénoncée et défaite sur simple décision individuelle :
chacun sait que le mariage peut se terminer par un divorce sans faute ni
sanction ; si l’amour donne, il attend un contre-don et la satisfaction de
cette attente est, à terme, la condition de la perpétuation de l’amour ; en un
sens cela n’est pas nouveau : les anthropologues ont montré que la logique du
don s’inscrit toujours dans le jeu de la dette ; qui reçoit est l’obligé, le
débiteur, de celui qui donne ; mais cela, dans les sociétés traditionnelles,
n’était pas explicité dans le cadre d’une revendication individuelle
négociable, mais l’obligation était l’effet mécanique d’une convention sociale
régulatrice prédéfinie donnant lieu à des sanction lourdes pouvant aller
jusqu’à la mort ou l’exclusion du débiteur coupable d’ingratitude ou de
trahison.
Ainsi, dans la jeu moderne de l’amour, chacun a le droit social, sinon moral, de trahir à sa guise ses engagements privés sans être puni, et cela, pour la bonne et simple raison que l’amour appartient à la sphère privée ; Ainsi, sous L’influence du jeu et des rapports d’argent, l’amour et l’amitié sont à la fois vécus comme des échanges négociables dont les contenus doivent être évalués sinon comptabilisés par chacune des parties et, en même temps, comme des échanges dont les contenus ne sont pas réductibles à des valeurs marchandes. : L’amour est bien devenu un échange de services affectifs et sexuels négociés, mais n’est pas vécu comme compatible avec la prostitution par la simple raison que chacun recherche en priorité les signes du désir et/ou de l’attention plus ou moins exclusifs et non quantifiables de l’autre à son égard. Le jeu socialement dominant de l’argent fait donc de l’amour un jeu libéral, mais par opposition, plus compliqué, car tout à la fois plus individuellement exigeant et moins socialement réglé ; bref un jeu dont les règles sont à inventer par consentement mutuel pendant la partie et par les partenaires. Le " je t’aime - moi non plus " de la chanson de Guinsbourg exprime à la perfection la difficulté de ce jeu.
De plus un grand nombre de jeux semblent mettre à contribution des logiques de régulation différentes voire opposées ; ainsi les relations amoureuses ou amicales sont souvent associées à des rapports d’intérêts financiers ou de prestige sous-jacents ; mais il s’agit toujours d’un double jeu ; l’amour et l’amitié étant le plus souvent les masques de l’intérêt, d’une part celui-ci ne peut s’exhiber comme tel sans être voué à l’échec, d’autre part la preuve est requise pour ceux-là de n’être en aucun cas compromis avec une simple affaire d’argent ; ce qui oblige à une gymnastique du mensonge perpétuelle qui finit mal car une telle preuve se dénonce une jour ou l’autre pour ce qu’elle est. : une tartuferie.
Un double jeu positif consiste au contraire à s'efforcer de stabiliser une relation amoureuse ou amicale par nature problématique en lui adjoignant un enjeu économique mutuel à long terme; mais un tel jeu de la solidarité intéressée et intéressante doit être fondée sur un rapport des forces égalitaire entre les partenaires du jeu et une entente négociée sur les objectifs poursuivis; celle-ci n'exige aucune valeur transcendante préétablie mais elle implique des procédures rationnelles de traitement des contradictions , non pour les supprimer, mais pour rechercher un compromis ressenti comme mutuellement avantageux. Cette attitude, nécessairement pragmatique, exclut tout dogmatisme quant à la valeur des valeurs qui contraindrait de s'entendre a priori sur les objectifs communs prioritaires; si elle interdit de croire à des valeurs absolues, elle refuse la fusion identificatoire fantasmatique pour considérer l'amour comme une lutte entre les désirs de chacun du désir de l'autre, désirs toujours différents, qu'il convient de faire dialoguer pour les accorder sur des compromis mutuellement acceptables (à chacun d'en juger!) et faire de l'entreprise à deux une bonne affaire pour chacun. L'argent intervient alors dans la gestion de la compatibilité durable des désirs amoureux ; mais plus que simple moyen, il devient le signe social et symbolique c'est-à-dire tangible et objectif que l'accord amoureux du désir de chacun du désir de l'autre est productif; c'est-à-dire mutuellement avantageux.
Ainsi, dans la jeu moderne de l’amour, chacun a le droit social, sinon moral, de trahir à sa guise ses engagements privés sans être puni, et cela, pour la bonne et simple raison que l’amour appartient à la sphère privée ; Ainsi, sous L’influence du jeu et des rapports d’argent, l’amour et l’amitié sont à la fois vécus comme des échanges négociables dont les contenus doivent être évalués sinon comptabilisés par chacune des parties et, en même temps, comme des échanges dont les contenus ne sont pas réductibles à des valeurs marchandes. : L’amour est bien devenu un échange de services affectifs et sexuels négociés, mais n’est pas vécu comme compatible avec la prostitution par la simple raison que chacun recherche en priorité les signes du désir et/ou de l’attention plus ou moins exclusifs et non quantifiables de l’autre à son égard. Le jeu socialement dominant de l’argent fait donc de l’amour un jeu libéral, mais par opposition, plus compliqué, car tout à la fois plus individuellement exigeant et moins socialement réglé ; bref un jeu dont les règles sont à inventer par consentement mutuel pendant la partie et par les partenaires. Le " je t’aime - moi non plus " de la chanson de Guinsbourg exprime à la perfection la difficulté de ce jeu.
De plus un grand nombre de jeux semblent mettre à contribution des logiques de régulation différentes voire opposées ; ainsi les relations amoureuses ou amicales sont souvent associées à des rapports d’intérêts financiers ou de prestige sous-jacents ; mais il s’agit toujours d’un double jeu ; l’amour et l’amitié étant le plus souvent les masques de l’intérêt, d’une part celui-ci ne peut s’exhiber comme tel sans être voué à l’échec, d’autre part la preuve est requise pour ceux-là de n’être en aucun cas compromis avec une simple affaire d’argent ; ce qui oblige à une gymnastique du mensonge perpétuelle qui finit mal car une telle preuve se dénonce une jour ou l’autre pour ce qu’elle est. : une tartuferie.
Un double jeu positif consiste au contraire à s'efforcer de stabiliser une relation amoureuse ou amicale par nature problématique en lui adjoignant un enjeu économique mutuel à long terme; mais un tel jeu de la solidarité intéressée et intéressante doit être fondée sur un rapport des forces égalitaire entre les partenaires du jeu et une entente négociée sur les objectifs poursuivis; celle-ci n'exige aucune valeur transcendante préétablie mais elle implique des procédures rationnelles de traitement des contradictions , non pour les supprimer, mais pour rechercher un compromis ressenti comme mutuellement avantageux. Cette attitude, nécessairement pragmatique, exclut tout dogmatisme quant à la valeur des valeurs qui contraindrait de s'entendre a priori sur les objectifs communs prioritaires; si elle interdit de croire à des valeurs absolues, elle refuse la fusion identificatoire fantasmatique pour considérer l'amour comme une lutte entre les désirs de chacun du désir de l'autre, désirs toujours différents, qu'il convient de faire dialoguer pour les accorder sur des compromis mutuellement acceptables (à chacun d'en juger!) et faire de l'entreprise à deux une bonne affaire pour chacun. L'argent intervient alors dans la gestion de la compatibilité durable des désirs amoureux ; mais plus que simple moyen, il devient le signe social et symbolique c'est-à-dire tangible et objectif que l'accord amoureux du désir de chacun du désir de l'autre est productif; c'est-à-dire mutuellement avantageux.
Ainsi l’argent, comme valeur socialement
dominante, d’une part met en crise libéralisatrice le ou les pouvoirs
idéologiques, politiques et sociaux communautaires ainsi que les relations
d’attachement particuliers en les excluant de la sphère publque pour les
subordonner et les confiner à la sphère de la vie privée ; (en cela, démocratie
et liberté individuelle d’association-PACS compris- sont bien les deux faces
d’une même médaille) et d'autre part fait que l’individualisme de principe,
auto-réalisateur de l’économie de marché, se diffuse dans toutes les relations
humaines non-marchandes comme fondement de l’éthique régulatrice de la vie
publique et privée. En cela l'argent corrompt toutes les autres relations
humaines en les piratant ou en les obligeant à se redéfinir comme relations
toujours problématiques entre des désirs individuels sans valeur transcendantes
(religieuses et/ou politiques) fondatrices et identificatrices qui
permettraient de les fusionner.
Cette ambivalence socioculturelle de la
valeur de l’argent produit nécessairement des conséquences politiques
contradictoires et d’abord celle entre la réalité inégalitaire des rapports
d’intérêt et d’argent et la revendication égalitarisme que l'individualisme de
principe que génère les relations d'argent pose comme condition juridique et
universelle fondamentale du jeu marchand. Cette contradiction est celle qui
anime centralement la vie démocratique dans les sociétés modernes.
3) Argent et politique.
Si le rapport d’argent libèrent de l’asservissement à la contrainte du devoir moral transcendant, s’ils libèrent les individus des allégeances traditionnelles non-choisies, ils n’interdisent pas les rapports d’exploitation et de domination car les richesses et les pouvoirs inégaux qu’ils mettent en œuvre autorisent ceux d’en haut (les riches, les propriétaires) à utiliser les talents et la force de travail-marchandise de ceux d’en bas (les prolétaires-salariés) pour accroître leur avantage et leurs privilèges. Les rapports entre le capital et le travail sont forcément déséquilibrés au profit de qui détient les moyens de production et d’échange pour s’approprier les richesses produites par la production et l’échange des biens et des services. La question de l’inégalité sociale est bien, dans le rapport entre les égoïsmes, la question éthique essentielle de l’économie libérale.
Cette inégalité, dans la société moderne, est tout à la fois présentée comme légitime dès lors qu’elle semble être le résultat de contrats marchands négociés et sanctionner les mérites économiques des uns et des autres dans le cadre de la libre concurrence. et d’autre part elle apparaît bien, à l’expérience, comme la conséquence de rapport sociaux, déséquilibrés au départ, entre les nantis de la fortune et de la culture et les autres. Les inégalités s’auto-entretiennent et l’égalité des chances condition d’une réelle compétition concurrentielle s’impose à ceux d’en bas comme une illusion mystificatrice. Dans les sociétés traditionnelles les inégalités étaient justifiées par le recours à la nature des choses et à la religion qui prétendaient fixer définitivement les statuts fixés par la volonté divine ou à la mise en œuvre d’un ordre naturel immuable ; leur contestation était étouffée dans l’œuf ou bien faisaient l’objet de sanctions humaines et divines, réelles et imaginaires, littéralement épouvantables ; dans la société formellement libérale cette contestation est permise et justifiable car fondée sur le principe de l’égalité des droits : l’inégalité sociale devient explosive parce qu’elle à la fois justifiés par la compétition et injustifiable par le fait que celle-ci est biaisé par le jeu des rapports de force et d’argent qui la reproduit. Cette contradiction interne oblige les états à mettre en œuvre des règles de redistribution et de justice sociale (éducation, droit du travail, droits sociaux..) qui tentent de faire croire à l’égalité des chances, en s'efforçant de faire que nul ne se sente, à tord ou à raison, exclu du jeu des échanges et de l'argent.
C'est pourquoi la contradiction entre l'inégalité réelle des conditions réelles d’exercice des droits et l'égalité formelle de ces mêmes droits est au centre de la lutte, politique ou non, entre les nantis et les autres; mais cette lutte devient d'autant plus vive , voire violente et socialement dangereuse (terrorisme, violence urbaine, drogue etc..) que les pouvoirs politiques et les états sont affaiblis par la mondialisation des échanges économiques et financiers dont le contrôle leur échappe. Une grande partie de la population dans le monde se trouve exclue de fait de la compétition en vue d'assurer leur désir de promotion économique. Le pouvoir des décideurs économiques, en fait de la minorité de ceux qui gèrent le capital mondialisé, s'impose au pouvoir politique régional des états dont le rôle ne consiste plus à mettre en œuvre des procédures de régulation restaurant la croyance dans l'égalité des chances, mais à mater les révoltes infra politiques que génère la montée de la précarité et de l'exclusion pour le plus grand nombre. La démocratie, qui suppose que le plus grand nombre croit dans la capacité de la politique à instaurer une forme de solidarité favorable au plus grand nombre et à établir les conditions d'une réelle égalité des chances dans la compétition sociale, est alors menacée par un capitalisme particulièrement aveugle aux conséquences sociales et culturelles de l'aggravation des inégalités réelles qui compromet l'idée même de d'égalité des chances ainsi que la confiance des citoyens dans la démocratie; une telle perte de confiance entraîne alors nécessairement la violence infra politique, la tentation de la dictature de droite ou de gauche et la xénophobie, voire le racisme ouvert. La capitalisme est alors lui-même menacé dans sa capacité à instaurer des règles de droit et les conditions politiques économiques nécessaires à sa survie et à son développement: les droits de la propriété et de l'échange contractuel sont bafoués par une économie mafieuse criminalisée ou blanchie; la démocratie égalitaire et libérale fondement de la légitimité apparente du jeu de l'argent est décrédibilisée, et la consommation tend à ne plus concernée qu'une minorité de nantis se protégeant contre la jalousie haineuse des autres.
De plus une autre dérive de l’usage de l’argent comme moyen de spéculer à très court terme se développe aujourd’hui sans frein dès lors que les états ne peuvent plus ni réguler et ni contrôler la circulation monétaire ; chaque investisseur particulier ou institutionnel à intérêt à investir là où il peut croire par imitation grégaire en une montée rapide auto-réalisatrice des valeurs mobilières , quelque soit la réalité économique , qu’il ne peut prédire ni maîtriser, et le rendement à long terme de ses investissements. Lorsque des investisseurs exigent un rendement de 12 à 15% dans l’année pour maintenir leurs investissements dans des entreprises, celles-ci sont alors forcées à recourir à des moyens de rentabilité qui compromettent les conditions et les ressources humaines et financières d’un développement à long terme de leurs activités : elles licencient, limitent la formation de personnel, externalisent tout ce qui est moins rentable, réduisent le poids relatif du secteur " recherche et développement " quand elles ne se livrent pas à leur tour à la spéculation financière sur les produits dérivés (spéculation sur les prix à terme des matières premières et produits, des valeurs mobilières, voire des indices de prix) sans rapport avec leurs activités de production ou de services. Le long terme est alors sacrifié au court terme ce qui provoque alors des bulles spéculatives qui accroissent les richesses financières sans causes, c’est à dire sans accroissement réel de la valeur des biens et des services rendus aux consommateurs. Mais ces bulles un jour ou l’autre éclatent lorsque les créances douteuses ne sont plus remboursables par le fait de cet absence de création de richesses réelles ; en dernier ressort les banques centrales et les institutions financières mondiales sont alors obligées, pour éviter l’effondrement systémique du système financier et économique mondial, d’intervenir pour prendre en charge tout ou partie de la dette accumulée. Comment ? en utilisant l’impôt ; ce qui s’appelle socialiser les pertes pour optimiser la privatisation incontrôlable des profits privés. Cette " économie-casino " soumet alors l’économie réelle à sa loi, aux dépends des contribuables, c’est-à-dire pour l’essentiel de ceux qui travaillent ou qui investissent " petit " (les gros organisent l’évasion fiscale vers les paradis offshore, soutenus par les états !). Le fin du fin de la logique financière actuelle, c’est, dès lors que l’on est un gros investisseur, d’échapper au risque spéculatif par le recours aux institutions politiques, que l’on disqualifie par ailleurs si elles prétendent exercer un contrôle régulateur et limitateur des profits spéculatifs. Le thème démagogique " moins d’état, moins d’impôt ! " apparaît alors pour ce qu’il est : une tartuferie destiner à masquer la volonté de faire fonctionner les institutions politiques au service des plus riches et aux dépends des plus pauvres, de l’économie spéculative aux dépends de l’économie réelle profitable aux plus grand nombre.
Mais la mise en œuvre par les responsables et institutions politiques de cette volonté aggrave à terme les conditions générales économiques, sociales politiques voire idéologique de reproduction du capitalisme globalisé, y compris financier, en aiguisant les conflits sociaux et internationaux et en aggravant la spéculation financière pure et parfaite autodestructrice.
Les conséquences logiques de cette analyse sont, à mon sens, les suivantes:
Si le rapport d’argent libèrent de l’asservissement à la contrainte du devoir moral transcendant, s’ils libèrent les individus des allégeances traditionnelles non-choisies, ils n’interdisent pas les rapports d’exploitation et de domination car les richesses et les pouvoirs inégaux qu’ils mettent en œuvre autorisent ceux d’en haut (les riches, les propriétaires) à utiliser les talents et la force de travail-marchandise de ceux d’en bas (les prolétaires-salariés) pour accroître leur avantage et leurs privilèges. Les rapports entre le capital et le travail sont forcément déséquilibrés au profit de qui détient les moyens de production et d’échange pour s’approprier les richesses produites par la production et l’échange des biens et des services. La question de l’inégalité sociale est bien, dans le rapport entre les égoïsmes, la question éthique essentielle de l’économie libérale.
Cette inégalité, dans la société moderne, est tout à la fois présentée comme légitime dès lors qu’elle semble être le résultat de contrats marchands négociés et sanctionner les mérites économiques des uns et des autres dans le cadre de la libre concurrence. et d’autre part elle apparaît bien, à l’expérience, comme la conséquence de rapport sociaux, déséquilibrés au départ, entre les nantis de la fortune et de la culture et les autres. Les inégalités s’auto-entretiennent et l’égalité des chances condition d’une réelle compétition concurrentielle s’impose à ceux d’en bas comme une illusion mystificatrice. Dans les sociétés traditionnelles les inégalités étaient justifiées par le recours à la nature des choses et à la religion qui prétendaient fixer définitivement les statuts fixés par la volonté divine ou à la mise en œuvre d’un ordre naturel immuable ; leur contestation était étouffée dans l’œuf ou bien faisaient l’objet de sanctions humaines et divines, réelles et imaginaires, littéralement épouvantables ; dans la société formellement libérale cette contestation est permise et justifiable car fondée sur le principe de l’égalité des droits : l’inégalité sociale devient explosive parce qu’elle à la fois justifiés par la compétition et injustifiable par le fait que celle-ci est biaisé par le jeu des rapports de force et d’argent qui la reproduit. Cette contradiction interne oblige les états à mettre en œuvre des règles de redistribution et de justice sociale (éducation, droit du travail, droits sociaux..) qui tentent de faire croire à l’égalité des chances, en s'efforçant de faire que nul ne se sente, à tord ou à raison, exclu du jeu des échanges et de l'argent.
C'est pourquoi la contradiction entre l'inégalité réelle des conditions réelles d’exercice des droits et l'égalité formelle de ces mêmes droits est au centre de la lutte, politique ou non, entre les nantis et les autres; mais cette lutte devient d'autant plus vive , voire violente et socialement dangereuse (terrorisme, violence urbaine, drogue etc..) que les pouvoirs politiques et les états sont affaiblis par la mondialisation des échanges économiques et financiers dont le contrôle leur échappe. Une grande partie de la population dans le monde se trouve exclue de fait de la compétition en vue d'assurer leur désir de promotion économique. Le pouvoir des décideurs économiques, en fait de la minorité de ceux qui gèrent le capital mondialisé, s'impose au pouvoir politique régional des états dont le rôle ne consiste plus à mettre en œuvre des procédures de régulation restaurant la croyance dans l'égalité des chances, mais à mater les révoltes infra politiques que génère la montée de la précarité et de l'exclusion pour le plus grand nombre. La démocratie, qui suppose que le plus grand nombre croit dans la capacité de la politique à instaurer une forme de solidarité favorable au plus grand nombre et à établir les conditions d'une réelle égalité des chances dans la compétition sociale, est alors menacée par un capitalisme particulièrement aveugle aux conséquences sociales et culturelles de l'aggravation des inégalités réelles qui compromet l'idée même de d'égalité des chances ainsi que la confiance des citoyens dans la démocratie; une telle perte de confiance entraîne alors nécessairement la violence infra politique, la tentation de la dictature de droite ou de gauche et la xénophobie, voire le racisme ouvert. La capitalisme est alors lui-même menacé dans sa capacité à instaurer des règles de droit et les conditions politiques économiques nécessaires à sa survie et à son développement: les droits de la propriété et de l'échange contractuel sont bafoués par une économie mafieuse criminalisée ou blanchie; la démocratie égalitaire et libérale fondement de la légitimité apparente du jeu de l'argent est décrédibilisée, et la consommation tend à ne plus concernée qu'une minorité de nantis se protégeant contre la jalousie haineuse des autres.
De plus une autre dérive de l’usage de l’argent comme moyen de spéculer à très court terme se développe aujourd’hui sans frein dès lors que les états ne peuvent plus ni réguler et ni contrôler la circulation monétaire ; chaque investisseur particulier ou institutionnel à intérêt à investir là où il peut croire par imitation grégaire en une montée rapide auto-réalisatrice des valeurs mobilières , quelque soit la réalité économique , qu’il ne peut prédire ni maîtriser, et le rendement à long terme de ses investissements. Lorsque des investisseurs exigent un rendement de 12 à 15% dans l’année pour maintenir leurs investissements dans des entreprises, celles-ci sont alors forcées à recourir à des moyens de rentabilité qui compromettent les conditions et les ressources humaines et financières d’un développement à long terme de leurs activités : elles licencient, limitent la formation de personnel, externalisent tout ce qui est moins rentable, réduisent le poids relatif du secteur " recherche et développement " quand elles ne se livrent pas à leur tour à la spéculation financière sur les produits dérivés (spéculation sur les prix à terme des matières premières et produits, des valeurs mobilières, voire des indices de prix) sans rapport avec leurs activités de production ou de services. Le long terme est alors sacrifié au court terme ce qui provoque alors des bulles spéculatives qui accroissent les richesses financières sans causes, c’est à dire sans accroissement réel de la valeur des biens et des services rendus aux consommateurs. Mais ces bulles un jour ou l’autre éclatent lorsque les créances douteuses ne sont plus remboursables par le fait de cet absence de création de richesses réelles ; en dernier ressort les banques centrales et les institutions financières mondiales sont alors obligées, pour éviter l’effondrement systémique du système financier et économique mondial, d’intervenir pour prendre en charge tout ou partie de la dette accumulée. Comment ? en utilisant l’impôt ; ce qui s’appelle socialiser les pertes pour optimiser la privatisation incontrôlable des profits privés. Cette " économie-casino " soumet alors l’économie réelle à sa loi, aux dépends des contribuables, c’est-à-dire pour l’essentiel de ceux qui travaillent ou qui investissent " petit " (les gros organisent l’évasion fiscale vers les paradis offshore, soutenus par les états !). Le fin du fin de la logique financière actuelle, c’est, dès lors que l’on est un gros investisseur, d’échapper au risque spéculatif par le recours aux institutions politiques, que l’on disqualifie par ailleurs si elles prétendent exercer un contrôle régulateur et limitateur des profits spéculatifs. Le thème démagogique " moins d’état, moins d’impôt ! " apparaît alors pour ce qu’il est : une tartuferie destiner à masquer la volonté de faire fonctionner les institutions politiques au service des plus riches et aux dépends des plus pauvres, de l’économie spéculative aux dépends de l’économie réelle profitable aux plus grand nombre.
Mais la mise en œuvre par les responsables et institutions politiques de cette volonté aggrave à terme les conditions générales économiques, sociales politiques voire idéologique de reproduction du capitalisme globalisé, y compris financier, en aiguisant les conflits sociaux et internationaux et en aggravant la spéculation financière pure et parfaite autodestructrice.
Les conséquences logiques de cette analyse sont, à mon sens, les suivantes:
- Le capitalisme ne peut durablement se développer sans la démocratie,
c'est-à-dire la croyance pour le plus grand nombre dans le progrès social et le
contrôle politique de la mise en œuvre de ce dernier par le biais du suffrage
universel ; mais sa puissance tend à transcender le pouvoir politique
démocratique et à détruire ses propres conditions politiques de survie.
- Le libéralisme individualiste (primat des droits individuels sur les conditions collectives de l’exercice de ces droits) est bien la seule philosophie compatible avec l'économie marchande et la démocratie politique; mais cette compatibilité ne va pas de soi: elle suppose la restauration du rôle de la politique afin de réguler la vie économique et sociale.
- Le libéralisme économique sans le développement du libéralisme politique qui exige la reconnaissance des droits sociaux et des conditions collectives de l’exercice de ses droits individuels par chacun (son droit au bonheur par et pour lui-même) n'est qu'une mystification contradictoire avec son essence.
- On ne peut combattre le faux libéralisme réellement inégalitaire qu'en lui opposant un libéralisme authentiquement universel, c'est à dire économique, social, culturel et politique dans un cadre mondialisé. Tout retour vers des valeurs communautaires ou communistes, politiques et /ou religieuses socialement dominantes, est, dans uns nécessairement une menace d'intégrisme liberticide.
- Le libéralisme individualiste (primat des droits individuels sur les conditions collectives de l’exercice de ces droits) est bien la seule philosophie compatible avec l'économie marchande et la démocratie politique; mais cette compatibilité ne va pas de soi: elle suppose la restauration du rôle de la politique afin de réguler la vie économique et sociale.
- Le libéralisme économique sans le développement du libéralisme politique qui exige la reconnaissance des droits sociaux et des conditions collectives de l’exercice de ses droits individuels par chacun (son droit au bonheur par et pour lui-même) n'est qu'une mystification contradictoire avec son essence.
- On ne peut combattre le faux libéralisme réellement inégalitaire qu'en lui opposant un libéralisme authentiquement universel, c'est à dire économique, social, culturel et politique dans un cadre mondialisé. Tout retour vers des valeurs communautaires ou communistes, politiques et /ou religieuses socialement dominantes, est, dans uns nécessairement une menace d'intégrisme liberticide.
Entre la religion et l'argent il faut choisir la démocratie individualiste et
sociale par l’argent, ce qui suppose la restauration de l’autorité politique et
d’abord son autonomie par rapport aux puissances d’argent dominantes afin de
faire du pouvoir de l’argent un pouvoir démocratisable en lui-même et dans ses
conséquences ; cette autonomie et cette autorité imposent évidemment des règles
destinées à lutter efficacement contre la corruption des institutions et des
hommes politiques démocratiques (à commencer par la transparence sur le
financement des partis et des hommes politiques, sa limitation et sa
régulation), mais cela ne suffit pas : il convient de d’établir surtout
l’autorité régulatrice et le pouvoir de sanction d’institutions politiques en
voie de mondialisation. Les état-nations sont entrés dans une phase de déclin
inéluctable ; les problèmes économiques et écologiques, les rapports sociaux,
idéologiques, politiques et militaires se sont irréversiblement
transnationnalisés. Tout retour en arrière sous le thème d’un "
républicanisme national " est une absurdité soit stérile (nationalisme de
gauche) soit catastrophique (nationalisme de droite).
Conclusion :
Que faire vis-à-vis du pouvoir de l’argent ?
2 stratégies sont offertes : celle de la lutte frontale contre ce pouvoir comme
force dominante de la vie sociale, ou celle de sa régulation au profit du plus
grand nombre.
La première ne peut que s’enfermer dans la logique suicidaire d’une morale
politique communautaire plus ou moins religieuse. Elle a du reste déjà perdu la
guerre : pour des raisons de survie et de pouvoir, la religion s’est
définitivement acoquiné avec la logique de l’argent et en subi les implications
individualistes. Quant à la politique, elle ne peut plus prétendre restaurer
l’ordre nationaliste ancien sans prendre le risque de la guerre d’extermination
totale de l’espèce humaine.
Or la société en cours de mondialisation est devenue un gigantesque lieu pluraliste d’échanges économiques et symboliques entre groupes et individus qui revendiquent leur autonomie et le droit de construire leur stratégie propre dès lors qu’elle peut être rendue compatible avec celle des autres par l’intervention d’une régulation politique qui fait que chacun peut croire exprimer son droit au bonheur ou, ce qui revient au même, à la dignité. Dans ses conditions, seule la seconde apparaît souhaitable et réaliste. Réguler en l’universalisant réellement et non pas seulement formellement le pouvoir de l’argent est le seul moyen de construire une société décommunautarisée, froide mais viable ; en pratiquant la justice par le droit ( individuels et sociaux) plus que par la charité ou la solidarité émotionnelle une, telle société doit se donner les moyens économiques, juridiques et politiques de faire respecter le droit à la vie personnelle par rapport à la vie sociale pour laisser toutes leurs chances à d’autres logiques du désir possibles et peut être plus fondamentales que celle de l’argent, sous condition de leur compatibilité avec l’exigence socialisée de l’autonomie individuelle et de la non-violence physique ou psychologique : celle de l’art et de l’amour. Qui sont deux dimensions de la vie érotique plus riche et plus créatrice dans la perspective de l’accomplissement de l’amour altruiste de soi.
Or la société en cours de mondialisation est devenue un gigantesque lieu pluraliste d’échanges économiques et symboliques entre groupes et individus qui revendiquent leur autonomie et le droit de construire leur stratégie propre dès lors qu’elle peut être rendue compatible avec celle des autres par l’intervention d’une régulation politique qui fait que chacun peut croire exprimer son droit au bonheur ou, ce qui revient au même, à la dignité. Dans ses conditions, seule la seconde apparaît souhaitable et réaliste. Réguler en l’universalisant réellement et non pas seulement formellement le pouvoir de l’argent est le seul moyen de construire une société décommunautarisée, froide mais viable ; en pratiquant la justice par le droit ( individuels et sociaux) plus que par la charité ou la solidarité émotionnelle une, telle société doit se donner les moyens économiques, juridiques et politiques de faire respecter le droit à la vie personnelle par rapport à la vie sociale pour laisser toutes leurs chances à d’autres logiques du désir possibles et peut être plus fondamentales que celle de l’argent, sous condition de leur compatibilité avec l’exigence socialisée de l’autonomie individuelle et de la non-violence physique ou psychologique : celle de l’art et de l’amour. Qui sont deux dimensions de la vie érotique plus riche et plus créatrice dans la perspective de l’accomplissement de l’amour altruiste de soi.
L'éthique du capitalisme
La morale puritaine, comme l’a fait remarquer M.Weber, est une des
morales de transition vers le capitalisme : comme le puritain ne sait pas s’il
fait partie des sauvés ou des réprouvés, il doit s’imposer une conduite qui lui
donne au moins l’espoir d’être parmi les élus par des signes moraux et
matériels : il doit se conduire d’une manière sexuellement et familialement
pure et affirmer cet espoir par sa réussite économique ici-bas, dès lors
qu’elle est la conséquence de sa capacité à produire et à vendre honnêtement.
Cette métaphysique morale a permis de libérer l’économie des tabous catholiques
ou autres qui faisaient du salut une récompense pour le refus des plaisirs et
de l’intérêt matériels ici-bas au nom de l’amour universel (tous seront sauvés
ou pourrons l’être à condition d’obéir à Dieu) et du désir de l’enrichissement
personnel, un péché contre les autres et Dieu : « il est plus difficile pour un
riche d’aller au Paradis que pour un chameau de passer par le trou d’une
aiguille »
Mais cette morale qui a accompagné le capitalisme de l’accumulation primitive est devenue contradictoire avec le capitalisme triomphant de la production et de la consommation de masse dont la logique est de marchander l’ensemble de la vie sociale (cf. K .Poliany : La grande transformation) ; cette marchandisation passe par la promotion publicitaire d’une éthique du bonheur ici-bas non métaphysique : celle du pouvoir et du droit des individus à accroître leur capital économique et symbolique qui seul peut valoriser chacun aux yeux des autres et au siens dans la poursuite compétitive de ses désirs propres conditionnés par l’offre économique : Cette éthique autonomise la vie économique et sociale de toute référence éthique extérieure : l’argent est à la fois fin et moyen de la réalisation de soi et de l’optimisation du bonheur individuel ; dès lors que la compétition est régulée pour faire croire à chacun qu’il peut y participer avec quelque chance de s’en tirer (voir le modèle sportif comme régulateur des comportements sociaux), la recherche par chacun de son intérêt propre est justifiée.
Or cette optimisation du bonheur personnel valorisé implique le primat de la vie privée sur la vie sociale et collective ; ce qui veut dire que chacun est sommé tout à la fois de passer du temps à participer à la compétition sociale et de se donner, voire de revendiquer du temps, afin de promouvoir, par sa consommation personnelle ou autrement , son bonheur privé. Injonction contradictoire et c’est cette contradiction qu’il faut exploiter si l’on veut élargir le libéralisme jusqu'à y inclure le droit de l’individu à construire sa propre stratégie selon d’autres jeux que le jeu économique et marchand (Amour, art, culture etc.)
Mais cette morale qui a accompagné le capitalisme de l’accumulation primitive est devenue contradictoire avec le capitalisme triomphant de la production et de la consommation de masse dont la logique est de marchander l’ensemble de la vie sociale (cf. K .Poliany : La grande transformation) ; cette marchandisation passe par la promotion publicitaire d’une éthique du bonheur ici-bas non métaphysique : celle du pouvoir et du droit des individus à accroître leur capital économique et symbolique qui seul peut valoriser chacun aux yeux des autres et au siens dans la poursuite compétitive de ses désirs propres conditionnés par l’offre économique : Cette éthique autonomise la vie économique et sociale de toute référence éthique extérieure : l’argent est à la fois fin et moyen de la réalisation de soi et de l’optimisation du bonheur individuel ; dès lors que la compétition est régulée pour faire croire à chacun qu’il peut y participer avec quelque chance de s’en tirer (voir le modèle sportif comme régulateur des comportements sociaux), la recherche par chacun de son intérêt propre est justifiée.
Or cette optimisation du bonheur personnel valorisé implique le primat de la vie privée sur la vie sociale et collective ; ce qui veut dire que chacun est sommé tout à la fois de passer du temps à participer à la compétition sociale et de se donner, voire de revendiquer du temps, afin de promouvoir, par sa consommation personnelle ou autrement , son bonheur privé. Injonction contradictoire et c’est cette contradiction qu’il faut exploiter si l’on veut élargir le libéralisme jusqu'à y inclure le droit de l’individu à construire sa propre stratégie selon d’autres jeux que le jeu économique et marchand (Amour, art, culture etc.)
Sylvain Reboul, le 02/02/99.
Peut-on faire confiance au capitaliste ? Droit social et universalité du
droit.
Je ne vois aucune opposition entre les droits universels et les devoirs qui en
découlent nécessairement.
Mes droits sont ceux des autres et m’imposent donc de les respecter (devoir) chez les autres.
Là où droits et devoirs s’opposent c’est lorsque les devoirs n’impliquent aucun droit universel. Ceux-ci deviennent alors les droits des autres, mes supérieurs, contre mes droits. Et la confiance dans les autres dès lors qu’ils prétendent avoir des droits qu’ils me refusent se dissipe alors instantanément. C’est donc l’inégalité des droits réels et des devoirs réels qui est au cœur de toute crise de confiance.
Et le pire de la défiance advient lorsque cette inégalité des droits est déniée par ceux-là mêmes qui détiennent un pouvoir réel d’oppression et d’exploitation et/ ou qui ne font de l’égalité qu’un mensonge instantanément dénoncé. par le pouvoir réellement à sens unique qu’ils exercent sur leurs subordonnés.
C’est pourquoi le capitalisme porte la défiance comme les nuées portent l’orage.
Et c’est aussi pourquoi l’état démocratique doit toujours restaurer les conditions de droit (droit social) d’une confiance dont la capitalisme a besoin pour survivre. Le prétendu libéralisme du capitalisme socialement "sauvage" n’est qu’un leurre et un réel despotisme s’il n’est pas politiquement soumis à des règles de droit social en vue de rétablir ou de réduire les inégalités qu’il génère.
Le 07/08/08
Mes droits sont ceux des autres et m’imposent donc de les respecter (devoir) chez les autres.
Là où droits et devoirs s’opposent c’est lorsque les devoirs n’impliquent aucun droit universel. Ceux-ci deviennent alors les droits des autres, mes supérieurs, contre mes droits. Et la confiance dans les autres dès lors qu’ils prétendent avoir des droits qu’ils me refusent se dissipe alors instantanément. C’est donc l’inégalité des droits réels et des devoirs réels qui est au cœur de toute crise de confiance.
Et le pire de la défiance advient lorsque cette inégalité des droits est déniée par ceux-là mêmes qui détiennent un pouvoir réel d’oppression et d’exploitation et/ ou qui ne font de l’égalité qu’un mensonge instantanément dénoncé. par le pouvoir réellement à sens unique qu’ils exercent sur leurs subordonnés.
C’est pourquoi le capitalisme porte la défiance comme les nuées portent l’orage.
Et c’est aussi pourquoi l’état démocratique doit toujours restaurer les conditions de droit (droit social) d’une confiance dont la capitalisme a besoin pour survivre. Le prétendu libéralisme du capitalisme socialement "sauvage" n’est qu’un leurre et un réel despotisme s’il n’est pas politiquement soumis à des règles de droit social en vue de rétablir ou de réduire les inégalités qu’il génère.
Le 07/08/08
Introduction :
Je voudrais d’abord signaler une équivoque concernant le terme de libéralisme
pour la lever : chez nous le mot, sous l’expression de néo-libéralisme,
est synonyme de capitalisme sauvage et de la liberté d’entreprendre des seuls
détenteurs des capitaux aux dépens des salariés, alors qu’aux USA le terme est
connoté à gauche ; il désigne le courant culturel et politique qui fait de
progrès social et des libertés concernant les mœurs et les opinions la
conditions de la liberté individuelle. Or, si on se rapporte à l’origine
philosophique du terme c’est à l’évidence le sens nord américain qui s’impose
car le libéralisme est une invention des Lumières contre les formes
conservatrices traditionnelles-religieuses et inégalitaires du pouvoir
sociétal pour promouvoir le progrès politique, social et culturel pour tous. Ma
thèse sera ici de montrer en quoi cette équivoque procède d’un véritable
détournement de sens visant à présenter les progressistes comme des ennemis de
la liberté, comme des antilibéraux, sinon des totalitaires voulant asservir les
individus à la toute puissance de l’état ; ce détournement vise à faire
consentir le plus grand nombre aux mesures les plus anti-sociales d’un
capitalisme dérégulé
Mais ce détournement est pire encore dans ses effets politiques lorsque les
progressistes le reprennent à leur compte pour dénoncer le libéralisme en
général en oubliant son sens authentique. Le but de mes interventions sera donc
de rétablir ce sens originaire afin de redonner au libéralisme ses lettres de
noblesse progressistes et d’opposer au pseudo-libéralisme, non un
antilibéralisme politiquement dommageable (tous les totalitarismes se sont
réclamés de l’antilibéralisme), mais un authentique libéralisme au sens progressiste
et social du terme, en montrant en quoi ce détournement est philosophiquement
fallacieux et politiquement dangereux.
Le libéralisme philosophique apparaît au XVII et XVIII ème comme une
rupture radicale avec la vision chrétienne traditionnelle idéale de l’homme
social: là ou celle-ci pense la sociabilité idéale (bonne et juste pour tous),
comme fondée sur un altruisme plus ou moins sacrificiel de soi aux autres, à
l’ordre hiérarchique divin, au seigneur, au roi et à Dieu, celui-là pense
la société comme un agrégat d’individus-propriétaires de leur corps, de leur
esprit et de leur biens, égaux entre eux en droit sinon en fait, dont il faut
défendre l’autonomie vis-à-vis des puissances politiques et religieuses et
poursuivant leur intérêt propre, qu’ils savent mieux définir que quiconque,
dans le cadre de relations d’échange soumise au seul principe régulateur
de réciprocité donnant/donnant. Tout pouvoir collectif ne peux valoir
comme légitime (juste et consenti) qu’en vue de définir, de préserver et de
garantir leur droit à faire valoir leurs intérêts personnels, dès lors que
ceux-ci sont rendus également compatibles par la loi avec ceux des
autres, contre qui et en particulier les puissants, fussent les
gouvernants, pourraient utiliser leur pouvoir pour les soumettre à leur
domination, les voler ou les détruire. Ni Dieu ni maître absolus (sauf pour
Hobbes, cas charnière paradoxal, nous y reviendrons) ne peuvent et ne doivent
faire que les individus se plient sans conditions à leur volonté ou désir.
Chacun ne doit travailler au service d’un autre que si celui-ci en fait autant
dans le cadre d’un contrat négociable garanti par la puissance publique.
Pas d’allégeance personnelle, chacun ne s’appartient qu’à lui-même. Toute
puissance extérieure, qui ne serait pas approuvée et donc déléguée, est
illégitime dès lors qu’elle n’est pas une puissance bénéfique aux intérêts
mutuels, et non pas communs, de chacun. L’intérêt est, en effet, tout ce qui
contribue à la mise en œuvre du droit bonheur ici-bas de chacun et non pas au
prétendu bonheur collectif de tous qui ne peut être qu’une fiction absurde.
Ainsi cette liberté individuelle, spontanée, voire naturelle, nous y
reviendrons, est de fait ego-centrée, voire égoïste ; chacun est à
lui-même sa propre fin et fait des autres, dans le meilleur des cas un moyen,
et dans le pire un obstacle-concurrent à écarter, sinon à détruire. Elle
implique la capacité reconnue d’entreprendre sans se soucier des intérêts
des autres, à l’exception éventuelle de ses proches, sinon à ne les considérer
que pour se satisfaire soi-même. Plus de fidélité ou d’attachement durables, de
soumission à un ordre social immuable, et encore moins transcendant. L’égoïsme
est inscrit dans la nature passionnelle des hommes et ce que le christianisme
voyait comme un péché originel est un état nécessairement indépassable pour
l’immense majorité des individus. Loin de prétendre les transformer, ce qui est
impossible sans les terroriser, il faut donc les mettre en condition de
satisfaire leur égoïsme sans nuire aux autres. Les saints, s’ils existent, sont
au delà de l’humaine condition et une société de saints serait proprement
inhumaine. L’idéal de sainteté est, pour l’immense majorité, irréaliste et, de
fait, ne peut qu’encourager l’hypocrisie et inciter à la haine violente de soi
et des autres.
Mais chacun sait, les libéraux en premiers, que la liberté individuelle
comme fondement du droit, plus encore lorsqu’elle s’exprime d’une manière
privilégiée dans le droit de propriété privée des biens de production et
d’échange, n’implique qu’une égalité formelle et non pas une égalité
sociale ou réelle et que cette inégalité réelle risque de compromettre à son
tour l’égalité des droits et en particulier celle des chances, pourtant considérée
par les libéraux comme indispensable à la société libérale qu’ils
appellent de leur vœux , c’est à dire à une société qui accorde à chacun le
même droit au bonheur et à la réussite. Pensons à l’héritage économique
et culturel : celui-ci ne tarde pas à introduire des différences en
terme de chances et de handicaps dans la concurrence pour la réussite et
l’accès au bonheur. La liberté définie comme la capacité d’agir par pour soi au
mieux de ses intérêts est alors dépendante du pouvoir social, des moyens de les
obtenir et des ressources au départ inégales que chacun a à sa disposition pour
le conquérir. Un société vraiment libérale abolirait l’héritage, mais du même
coup prendrait le risque de se mettre en contradiction avec la motivation
principale qu’elle reconnaît aux individus, à savoir : agir pour le plus
grand profit possible pour soi-même et ceux qui seront nos héritiers. Que ce
passerait-il en effet si les individus ne visaient qu’à satisfaire leurs seuls
intérêts, sans autre perspective que leur fin de vie ? En vieillissant ils
se détourneraient de toute initiative d’enrichissement productif pour ne plus
songer qu’à dilapider leurs biens, selon la formule :
« Après nous le déluge ».
Cette réelle inégalité des chances risque alors de reproduire une société de
castes de fait et cela sans aucune justification religieuse ou de mérite aux
yeux de ses victimes et devient donc illégitime et contestable au point d’être
nécessairement ressentie comme injuste par ceux qui ne bénéficient pas de conditions
suffisantes pour faire valoir leur droit, en droit identique, de s’enrichir. Et
cela d’autant plus que, sous la forme du salariat, est réintroduite dans les
faits la dictature des possédants sur les dépossédés qui doivent vendre leur
force de travail pour vivre et se reproduire. Le libéralisme, sous la forme du
capitalisme, apparaît engendrer l’injustice comme les nuées engendre
l’orage et cette injustice à son tour compromet la liberté du plus grand nombre
qu’il prétend défendre. La légitimité du pouvoir capital et de la propriété
privée des biens sociaux que sont les biens de production et d’échange est
radicalement compromise par son incapacité à se transformer en valeur valant
pour chacun, car son universalité théorique (tout le monde peut devenir
capitaliste ou propriétaire) alors apparaît pratiquement comme une
mystification au service des seuls intérêts des possédants dans l’exploitation
« légalisée » qu’elle autorise et garantit de la force de travail. Le
capitalisme se retourne contre le libéralisme dont il s’efforce sans succès
d’exploiter le prestige sous la forme de l’apparente valeur de la liberté
universelle (pour tous sans contradiction).
Si, comme il a été démontré historiquement, aucune société ne peut être à
la fois libérale et réellement égalitaire et que néanmoins une société libérale
ne peut se dispenser de se soucier de justice sans prendre le risque de la
violence sociale, peut-on sinon résoudre, du moins traiter cette contradiction
pour en réduire les effets potentiels de violence et de domination? Peut-on,
sans sortir du libéralisme théorique, penser une société plus juste dans
les faits et sinon égalitaire du moins inégalitaire et qui serait
libérale ? Si non pourquoi et si oui à quelles conditions et dans quelle
limites ?
Libéralisme politique et droit naturel
Pour comprendre le libéralisme il faut d’abord comprendre qu’à la fois il vient
de la conception chrétienne traditionnelle de la liberté et qu’il la
refuse.
1-1 Le liberté au sens traditionnel chrétien.
Les sociétés théocratiques ou fondées sur la référence à une puissante divine
transcendante, ne reconnaissent, au mieux, la liberté que comme capacité à
choisir entre le bien exigé par Dieu et le mal dont une des sources réside dans
la corps et les passions humaines, particulièrement, dans le désir égoïste
illimité de possession et de jouissance sensible et sensuelle et la vanité ou
l’orgueil.. Ce désir est naturel mais il est aussi source de conflit et de
guerre permanente et de violence indifférenciée de tous conte
tous (Hobbes); Les hommes ne peuvent vivre sans s’entredétruire qu’en se
soumettant volontairement et sous la menace de sanction post-mortem, à la
volonté divine inscrite dans des textes sacrés et relayée par l’autorité,
morale et politique , des prêtres et des princes investis de la puissance
divine. Pour les chrétiens le péché originel réside d’un part dans la
nature corporelle et désirante de l’homme (la chair) et d’autre part dans
le choix du mal humain (la chair) contre le bien divin (l’esprit ou amour de
Dieu). La liberté est donc ambivalente, elle est à la fois puissance du mal et
du bien. Aussi doit-elle être encadrée par la puissance ecclésiale et
politique-spirituelle pour être orientée au bien. Il convient toujours, et ce
si possible dès l’enfance, de forcer les hommes à être libres en vue du bien,
c’est à dire à faire le choix, à la fois contraint et consenti en vue du
salut, de Dieu, du surnaturel, de l’au-delà paradisiaque de la mort,
contre la mal naturel. Alors les hommes seront sauvés grâce à Dieu et contre la
partie désirante d’eux-mêmes. Si la liberté est naturelle, inscrite dans la
nature de l’homme, elle ne peut spontanément s’exprimer que sous la contrainte
salvatrice consentie, indissociable de la foi religieuse. Les droits de l’homme
se confondent alors avec le droit divin à exercer sa grâce et sa puissance
contre sa nature peccable condition du plein exercice du bon usage de son
entière liberté de choix.
Or cette vision chrétienne traditionnelle de la liberté suppose un monde
hiérarchique stable ordonné par les puissances spirituelles (l’église et la
pape) et temporelle (le monarque de droit divin) plus ou moins réconciliées par
la soumission du second au premier. Lequel ordre exclut nécessairement la
pluralisme des croyances et des valeurs, qui dans un contexte fortement
théocratique, met en péril l’unité politique et sociale des royaumes, voire la
paix civile sous la formes de guerre de religions ; guerres par
nature hyper violentes et interminables car s’auto-justifiant
indéfiniment de l’autorité divine absolue contre les mécréants et les
hérétiques et les autres confessions désignées comme le mal radical avec qui
aucun compromis n’est permis et donc possible, tout au moins en interne. De
plus cette vision est incompatible avec le développement des relations
marchandes comme modèle général des relations humaines qui opèrent sur une base
non hiérarchique égalitaire et contractuelle donc volontaire : celle du
donnant/donnant entre valeurs équivalentes exprimables sous une forme monétaire
abstraite en vue de la satisfaction des désirs matériels mais toujours aussi
symboliques et culturels mutuels d’ individus libres de les manifester sans
aucune restriction morale et/ou promesses sacrificielles en vue du salut :
dans la relation marchande la libre concurrence permet à chacun de choisir à
chaque instant la relation à qui lui propose le meilleur produit au meilleur
coût du seul point de vue de ce qu’il estime sont intérêt personnel égoïste qui
peut inclure, mais pas nécessairement, ses proches, mais exclu les autres en
général. L’intérêt privé est affirmé sans souci d’un intérêt général
quelconque, sauf sous la forme d’une agrégation strictement descriptive et arithmétique
et non pas normative des intérêts individuels : les tendances du marché.
La société tend à devenir une société de marché sans interdit moral
transcendant vis-à-vis de l’affirmation du désir de jouir de ses biens et de
s’enrichir ici-bas et, plus largement de sa libération des carcans
traditionnels religieux opérant au nom d’un bien supérieur antagoniste .
Entre dieu et l’argent, il faut choisir (Mathieu). Et ceux qui ont de
l’argent et qui se livre au commerce, y compris de la monnaie, dans le but d’en
avoir toujours davantage, feront toujours passer leur intérêts terrestres avant
la nécessité de la charité quant ils ne feront pas de celle-ci un paravent de
leur avidité. Enfin cette vision chrétienne traditionnelle qui interdit ou fait
obstacle à toute remise en question des savoirs et des techniques qui
désenchanteraient la vision religieuse et finaliste, sinon fataliste, du monde,
désenchantement dont pourtant la développement de la société marchande a
nécessairement besoin. Seuls ceux, certains néo-calvinistes anglo-saxons,
qui verront dans la réussite économique et la richesse capitalistique le
signe d’une élection divine due à des capacités morales paradoxalement
hautement puritaines (au moins en apparence) tenteront outre-atlantique de récuser
hypocritement, consciemment ou non, un tel choix et feront des inégalités
entre riches et pauvres l’expression d’un inégal mérite moral fondé en
religion. Sans grand succès dans les pays catholiques ou luthériens. Le dollar
deviendra pour les USA, comme vous le savez, l’expression même de la
vérité divine. Ce qui continuera à nous choquer comme nous choque aujourd’hui
certains aspects de la politique états-unienne qui mêle sans vergogne la
religion à l’argumentation politique et la guerre pour le pétrole au combat
pour la démocratie et contre l’axe du mal.
Pour se sortir de la guerre de religion permanente en Europe la tradition
chrétienne a d’abord tenté le fameux principe de compromis « un prince,
une religion » ; or ce principe aboutissait, sur fond de crise
religieuse et de la foi du au développement des sciences et du commerce, à
expulser hors de France au profit de la Prusse, par exemple, les
protestants les plus dynamiques pour le développement économique et à continuer
à pratiquer l’intolérance d’état à l’intérieur. L’échec était alors patent :
on ne pouvait concilier liberté chrétienne d’un côté et liberté de conscience
et économique de l’autre. Le modèle théocratique et hiérarchique/monarchique du
pouvoir ne pouvait plus fonctionner, c’est à dire ne pouvait plus garantir la
sécurité et la paix dans la justice vécue. Sa légalité s’imposera
progressivement comme illégitime et tyrannique au regard et au profit des
droits dits naturels des hommes par opposition aux devoirs et droits divins et
cela d’autant plus que les guerres politico-religieuses incessantes ruinaient
leurs espoirs de s’enrichir, voire de survivre.
Dans ces conditions l’idée de liberté est libérée de la soumission, de
moins en moins consentie, à Dieu et à une morale extérieure, voire contraire,
au désir humain, c’est à dire au « devoir par devoir » selon la
formule de Kant, et tend à se confondre avec le droit de chacun, défini comme
naturel, de rechercher son propre bonheur ici-bas.
1-2 La liberté comme droit naturel
Parler de droit naturel au bonheur, c’est à dire à la réalisation de son
désir spontané indissociablement d’être et d’avoir dans le monde, c’est
inscrire la liberté dans l’immanence de notre nature désirante. Le droit
naturel devient alors le fondement du droit civil en l’arrachant au droit divin
reçu alors comme un devoir contraignant injustifié, car contraire à la nature
sensible de l’homme. La déclaration d’un droit naturel à la liberté du
désir est donc l’affirmation que les individus n’appartiennent ni à une église,
ni à une société, mais qu’ils s’appartiennent à eux-mêmes et qu’il sont seuls
juges de leurs relations aux autres dans le cadre de contrats
volontaires négociables. Ceci veut dire aussi que les droits de l’homme sont le
fondements des droits du citoyen et non l’inverse . L’idée de droit
naturel à la liberté ou autonomie est donc opposée à celle d’une nature soumise
des hommes à un quelconque ordre transcendant , fusse celui de Dieu ou de
l’état, pour qu’un ordre social soit possible . Mais encore faut-il , pour cela
, définir plus précisément cette nature humaine qui est supposée devoir être
considérée comme libre par et pour elle-même et l’usage social qu’il convient
d’en faire pour éviter l’anomie sociale et la guerre de tous contre tous . En
quoi et pourquoi la nature humaine peut-elle dite libre et devenir le principe
fondamental d’un ordre social juste , au point de considérer comme in-humaines
ou infra-humaines ou pré-humaines toutes les sociétés théocratiques et
holistes traditionnelles et jusqu’à faire de la monarchie de droit divin
absolue et des hiérarchies sacralisées des institutions sociales contre
nature ? Plusieurs positions libérales sont ici possibles et se sont fait
concurrence, jusqu’à marquer encore de nos jours la vie politique. Trois
d’entre elles sont significatives:
- Celle qui fait du droit civil et politique inégalitaire le prolongement apparemment paradoxal du droit naturel égalitaire, et qui légitiment les inégalités sociales et politiques , dès lors qu’elles sont le fruit des talents individuels tels qu’ils s’expriment « justement » dans le jeu de la concurrence ou d’un contrat politique indispensable à l’unité et à la cohésion du corps social.
- Celle qui fait du droit civil formellement mais non réellement égalitaire, le prolongement du droit naturel.
- Et celle qui fait du droit civil un droit construit pour refondre artificiellement un équivalent de l’égale liberté naturelle dans l’état de société en visant à réduire les inégalités qui la traversent.
- Celle qui fait du droit civil et politique inégalitaire le prolongement apparemment paradoxal du droit naturel égalitaire, et qui légitiment les inégalités sociales et politiques , dès lors qu’elles sont le fruit des talents individuels tels qu’ils s’expriment « justement » dans le jeu de la concurrence ou d’un contrat politique indispensable à l’unité et à la cohésion du corps social.
- Celle qui fait du droit civil formellement mais non réellement égalitaire, le prolongement du droit naturel.
- Et celle qui fait du droit civil un droit construit pour refondre artificiellement un équivalent de l’égale liberté naturelle dans l’état de société en visant à réduire les inégalités qui la traversent.
Nous reconnaissons là les oppositions entre les conceptions de Hobbes, de Locke
et de Rousseau qui sont au cœur de la pensée libérale et continuent en
profondeur à l’animer, mais dont la première et la dernière en sont les
bornes extrêmes ou limites, au point, pour certains, d’en devoir être exclues.
Ces oppositions ne doivent pas nous étonner : elles sont l’expression du
problème majeur de la pensée libérale, à savoir : comment concilier la
liberté individuelle toujours tentée par l’égoïsme avec l’exigence d’un ordre
collectif qui suppose peu ou prou que chacun se soumette à une loi extérieure
contraignante ?
1-3 Les oppositions internes du libéralisme
La première position charnière et paradoxale, celle de Hobbes, est moralement
pessimiste, mais socialement optimiste. Pour elle, en l’absence de la
contrainte politique, la nature humaine réside d’abord dans la propension
passionnelle des individus à désirer toujours davantage de biens, à s’affirmer
aux yeux des autres, à s’en faire reconnaître, voire à chercher à leur être
supérieur en les dominant pour pouvoir se juger positivement eux-mêmes. Se
comparer pour exister en une compétition permanente, afin de jouir égoïstement
de soi comme valeur, ce que l’on appelle l’amour propre ou la vanité et
l’honneur, serait au fond de la nature désirante des hommes laquelle les
distinguerait des animaux qui eux ne connaissent que le besoin vital en vue
d’obtenir des ressources nécessaire à leur existence biologique et à leur
reproduction. Mais cette égoïsme peut être socialement régulé par la soumission
à l’état absolu de telle sorte qu’il ne débouche pas sur la violence ou guerre
de tous contre tous et grâce au commerce marchand généralisé et à la pratique
du contrat qui fait de la compétition un jeu pacifique et profitable à tous dès
lors que tout perdant peut espérer devenir dans un domaine ou un autre gagnant
un jour s’il travaille pour les autres avec compétence en vue de satisfaire au
mieux ses intérêts propres dans un cadre concurrentiel et social
adéquat qui l’obligera à faire que son vice privé serve à la vertu
publique; nous y reviendrons.
La seconde, celle de Locke, est moralement et
socialement optimiste ; elle considère que la liberté naturelle de chacun
est d’emblée bienveillante aux autres moyennant une révélation religieuse
fondatrice de l’amour universel, soit par l’effet d’un identification spontanée
avec ses semblables, soit par la nécessité d’une coopération indispensable à la
survie de chacun. L’état doit limiter son rôle à garantir la liberté
d’entreprendre naturelle de chacun en se contentant de garantir le droit
de propriété de son corps et de ses biens dans le cadre de la libre concurrence
sans lequel aucune liberté n’est possible ainsi que la tolérance
religieuse indispensable à la cessation de la guerre civile (à
l’exception de l’athéisme et du papisme qui menacent l’unité
bienveillante de tous avec tous )
La troisième, celle de Rousseau est moralement
optimiste et réellement socialement pessimiste, bien que socialement idéalement
optimiste ; elle considère que, dans l’égalité naturelle des
conditions, l’homme est spontanément pacifique et enclin à la sympathie
vis-à-vis de ses semblables , mais que c’est l’état social d’inégalité qui
pervertit son amour de soi et de ses semblables en amour exclusif de soi aux dépens
des autres, en amour égoïste de soi ou amour propre. Il suffirait alors de
restaurer civilement un équivalent de l’égalité naturelle entre les individus
pour que la liberté naturelle se transforme en liberté civile et que chacun
puisse être entièrement libre sans nuire aux autres, tout en coopérant
volontairement en vue de la satisfaction de leur intérêt général commun et de
leurs désirs particuliers mutuels, rendus, par l’égalité des droits et des
conditions, compatibles entre eux.
Dans tous les cas, les individus sont censés devenir
raisonnables dans l’usage qu’ils font de leur liberté désirante, soit par
nécessité intéressée, c’est à dire par calcul de l’intérêt bien compris, soit
par conviction solidaire (sympathie) , mais non pas par l’effet d’un
pouvoir transcendant de menace de type théocratique, mais celui, délégué par
les individus-citoyens, de l’état, sur une très petite minorité qui seraient
assez inconsciente ou perverse pour ne pas comprendre ce qui peut faire son
bonheur et son intérêt véritable, qu’il faudrait alors forcer à être libre dans
son propre intérêt ou qu’il faudrait exclure de la société pour non respect de
la vie et de liberté des autres.
Mais il y a une grande
différence politique, économiques et sociales entre ces trois positions
libérales : dans la première (Hobbes), on ne peut concilier l’immoralisme
du désir humain et la morale sociale pacificatrice que si les désirs égoïstes
s’expriment sous la domination consentie d’un intérêt personnel absolument
dominant devenu par contrat l’intérêt de tous à la paix civile, celui du
monarque absolu de droit humain ; dans la seconde (Locke) les désir
égoïstes peuvent et doivent s’exprimer pour que les hommes soient heureux et
ces désirs ne deviennent mauvais que lorsqu’ils s’expriment dans la guerre et
non dans la relation commerciale (le doux commerce cher à Montesquieu) ou la
politique sous le contrôle démocratique des autres dans le cadre d’un état de
droit qui dispose d’une délégation de pouvoir de la part de la majorité des
individus-citoyens et cela dans une société égalitaire en droits mais non
en richesse ou en puissance sociale ; inégalité réelle nécessaire
pour rendre possible un dynamisme compétitif favorable à tous; dans la
troisième (Rousseau) il convient rendre les individus solidaires, c’est à dire
bons, dans une société égalitaire en droit et en moyens. Dans la première, et
la seconde l’état est réduit à sa fonction de régulation et de pacification
plus ou moins contrainte, des égoïsmes nécessaires, indissociables de l’exercice
de la liberté naturelle et dans la troisième l’état est le régulateur et
l’éducateur de la liberté qui, devenue civile, n’est plus naturelle et le
régulateur, voire le gestionnaire de le vie économique en un sens moral en vue
d’une réelle égalité et coopération solidaire, volontaire et désintéressée
entre tous . Ainsi dans la première (Hobbes) le libéralisme économique
privé a pour condition un anti-libéralisme politique radical conventionnel
(artificiel), seul capable de mettre fin par la loi et la puissance du
souverain absolu au risque de la guerre de tous contre tous. Dans la seconde
(Locke) le libéralisme économique a pour condition le libéralisme politique et
religieuse (mis à part l’athéisme et le papisme intolérant) et l’état est
réduit à sa fonction de régulation et de pacification, des égoïsmes
nécessaires, indissociables de l’exercice de la liberté naturelle limitée et
garantie. Dans la troisième (Rousseau) le libéralisme politique a pour
condition une limitation par l’état du libéralisme économique afin de
promouvoir l’égalité sociale réelle de producteurs et artisans autonomes et
sans employés; pour ce faire, l’état doit être l’éducateur de la liberté
qui, devenue civile, n’est plus naturelle pour en préserver l’égalité, ainsi
que le régulateur, mais non l’administrateur, de le vie économique en un sens
moral en vue d’une réelle égalité et coopération solidaires, volontaires et
désintéressées entre tous ?
Chaque position
revendique la bonne définition du libéralisme contre l’autre :
Les deux premières au
nom de la liberté naturelle tempérée par une religiosité plurielle
traditionnelle dépourvue d’église disposant d’un pouvoir supra-étatique et/ou
par un état (absolu ou démocratique) garant des libertés individuelles et du
droit de propriété qui favorise la concurrence économique et l’égalité des
droits économiques sinon des chances.
L’autre au nom d’une liberté naturelle remodelée ou transformée en liberté civile ou civilisée par l’état éducateur qui instaure l’égalité des droits et la soumission des intérêts particuliers à l’intérêt commun, expression d’une volonté générale dont l’état revendique le monopole de la représentation rationnelle.
L’autre au nom d’une liberté naturelle remodelée ou transformée en liberté civile ou civilisée par l’état éducateur qui instaure l’égalité des droits et la soumission des intérêts particuliers à l’intérêt commun, expression d’une volonté générale dont l’état revendique le monopole de la représentation rationnelle.
Les deux premières
considèrent que la libre concurrence et l’égalité formelle du droit à la propriété
privée suffit à établir la justice sous condition de faire cesser l’insécurité,
dès lors que les différences sociales entre les individus ne sont que
l’expression des différences des mérites et des talents individuels ; la
dernière considère que les inégalités sociales sont à l’origine de l’inégalité
des chances, donc d’une réelle inégalité des droits et d’un égoïsme
mettant en danger l’expression d’une authentique volonté générale solidaire.
Pour elle, la justice, au contraire des deux premières positions, implique,
comme condition nécessaire, la réduction des inégalités réelles afin
d’instaurer une véritable égalité des droits et que la liberté naturelle,
retravaillée par l’éducation des citoyens par l’état républicain, puisse
s’exprimer dans les conditions de la société.
Si les hommes son également libres en nature pour l’une et l’autre position, il suffit pour les premières de mettre en jeu cette liberté naturelle dans des conditions qui mettent chacun en situation de faire valoir pacifiquement ses talents pour bénéficier justement de son mérite propre sans avoir à se soucier des autres sinon pour satisfaire, par son travail soumis à la concurrence, leurs désirs individuels de s’enrichir et de consommer. Pour la dernière au contraire, il convient d’ instaurer les conditions de l’égalité sociale, au moins des chances, pour faire en sorte que la liberté naturelle des uns, les riches et les puissants, ne devienne pas « la liberté du renard libre dans le poulailler libre »
Si les hommes son également libres en nature pour l’une et l’autre position, il suffit pour les premières de mettre en jeu cette liberté naturelle dans des conditions qui mettent chacun en situation de faire valoir pacifiquement ses talents pour bénéficier justement de son mérite propre sans avoir à se soucier des autres sinon pour satisfaire, par son travail soumis à la concurrence, leurs désirs individuels de s’enrichir et de consommer. Pour la dernière au contraire, il convient d’ instaurer les conditions de l’égalité sociale, au moins des chances, pour faire en sorte que la liberté naturelle des uns, les riches et les puissants, ne devienne pas « la liberté du renard libre dans le poulailler libre »
Entre ces trois
positions le choix est problématique, si la première, celle de Hobbes, s’est
trouvée rapidement disqualifiée au profit de la seconde par l’effet de cette
contradiction interne qui consiste à faire garantir la liberté privée de chacun
sur celle d’un monarque échappant à tout contrôle et donc susceptible d’abuser
de son pouvoir aux dépens de la liberté des autres, ce que l’histoire démontre,
le choix entre la seconde (Locke) et la troisième (Rousseau) repose sur la
question de savoir si la concurrence et la compétition sociale réglée par le
droit contractuel garanti par l’état est mieux à même que l’état pour obliger
les individus à faire un bon usage de leur liberté naturelle afin de la rendre
civile (pacifique et coopérante). On peut tout aussi bien penser, en effet, que
la concurrence en vue du profit est plus libérale, c’est à dire conforme à
l’initiative individuelle, au bout du compte profitable à tous, que penser que
la concurrence n’est jamais égalitaire et qu’elle avantage nécessairement les
plus favorisés ou les plus chanceux aux dépens de la majorité mettant en cause
leur initiative ou marge de manœuvre sociale, récréant ainsi les conditions de
la guerre des pauvres contre les riches, voire de tous contre tous . Il nous
faut donc étudier la relation complexe entre le libéralisme, d’une part, et la
concurrence économique et la compétition sociale, d’autre part pour nous
interroger ensuite sur le rôle de l’état dans la mise en œuvre d’une
authentique égalité ou justice libérale, si cette notion a un sens, entre les individus.
2) Libéralisme et
Concurrence
De la liberté naturelle
à la liberté civile par la médiation du marché
2-1 Du libéralisme
paradoxal ou inconséquent
Les positions de Hobbes
et de Rousseau sont du point de vue libéral paradoxales.
Dans la première (Hobbes), Le souverain absolu est et reste un homme passionné. De plus il est spontanément moins raisonnable que les autres car l’absoluité de son pouvoir même limite sa capacité à avoir peur des autres, seule condition pour devenir raisonnable selon Hobbes lui-même; de fait, s’il ne rencontre aucune limite à l’expression de ses passions il est en permanence tenté d’abuser de son pouvoir sans limite contre la liberté privée d’entreprendre et la sécurité de ses sujets, ne serait-ce que parce qu’il est en état des guerre permanent contre les autres souverains, car nous dit Hobbes, en l’absence d’état mondial, les relations entre les chefs d’états restent un état de nature et donc de guerre. Nous savons que la question des impôts pour la guerre de défense et d’extension de sa puissance prélevés sur ses sujets par le souverain afin de l’emporter sur les autres a été au centre de toutes les révoltes bourgeoises et populaires en Europe contre les monarchies absolue. Les guerres et la nécessité de faire subir aux citoyens la poids financier et l’impôt du sang a entraîné la misère et la réduction des capacités d’initiative des sujets qui, loin d’avoir gagné en sécurité perdent, par l’aliénation totale de toute liberté politique au profit du souverain, la capacité de se défendre eux-même contre les exactions inhérentes de l’absolutisme. Sauf, bien sur, s’ils se révoltent contre leur souverain tyrannique, les citoyens aliènent alors à la fois la liberté et la sécurité ; mais cette révolte, en tant que conséquence nécessaire du pouvoir absolu, fait revenir à l’état de guerre civile, c’est à dire, à l’état de nature que la monarchie absolue, bien que consentie par contrat mutuel, devait justement réduire ; c’est dire qu’un tel échange contractuel par lequel chaque citoyen abandonnerait la liberté politique au profit de la sécurité privée est un marché de dupe car en perdant la liberté politique le citoyen perd tout comme l’affirmera Rousseau. La position de Hobbes, en prétendant fonder et garantir la liberté privée sur et par la non-liberté politique est donc contradictoire en elle-même. Qu’en est-il de celle de Rousseau qui semble s’y opposer radicalement.
Dans la première (Hobbes), Le souverain absolu est et reste un homme passionné. De plus il est spontanément moins raisonnable que les autres car l’absoluité de son pouvoir même limite sa capacité à avoir peur des autres, seule condition pour devenir raisonnable selon Hobbes lui-même; de fait, s’il ne rencontre aucune limite à l’expression de ses passions il est en permanence tenté d’abuser de son pouvoir sans limite contre la liberté privée d’entreprendre et la sécurité de ses sujets, ne serait-ce que parce qu’il est en état des guerre permanent contre les autres souverains, car nous dit Hobbes, en l’absence d’état mondial, les relations entre les chefs d’états restent un état de nature et donc de guerre. Nous savons que la question des impôts pour la guerre de défense et d’extension de sa puissance prélevés sur ses sujets par le souverain afin de l’emporter sur les autres a été au centre de toutes les révoltes bourgeoises et populaires en Europe contre les monarchies absolue. Les guerres et la nécessité de faire subir aux citoyens la poids financier et l’impôt du sang a entraîné la misère et la réduction des capacités d’initiative des sujets qui, loin d’avoir gagné en sécurité perdent, par l’aliénation totale de toute liberté politique au profit du souverain, la capacité de se défendre eux-même contre les exactions inhérentes de l’absolutisme. Sauf, bien sur, s’ils se révoltent contre leur souverain tyrannique, les citoyens aliènent alors à la fois la liberté et la sécurité ; mais cette révolte, en tant que conséquence nécessaire du pouvoir absolu, fait revenir à l’état de guerre civile, c’est à dire, à l’état de nature que la monarchie absolue, bien que consentie par contrat mutuel, devait justement réduire ; c’est dire qu’un tel échange contractuel par lequel chaque citoyen abandonnerait la liberté politique au profit de la sécurité privée est un marché de dupe car en perdant la liberté politique le citoyen perd tout comme l’affirmera Rousseau. La position de Hobbes, en prétendant fonder et garantir la liberté privée sur et par la non-liberté politique est donc contradictoire en elle-même. Qu’en est-il de celle de Rousseau qui semble s’y opposer radicalement.
La seconde
(Rousseau) tente de fonder la liberté politique sur la réduction, voire la
suppression des inégalités sociales et économiques. Ce faisant elle fait
du peuple absolument souverain la source d’une législation égalitaire,
voire égalitariste, seule capable de rendre possible un authentique intérêt
commun et une volonté générale qui s’impose aux intérêts particuliers. Mais
l’expression de cette volonté générale suppose trois conditions extrêmement
restrictives: D’abord que tous les citoyens unis par contrat au tout de la
société soient, sinon d’accord sur tout, au moins sur la nécessité de réduire
la liberté économique afin de rendre impossible le développement d’une
économique dynamique et progressive mettant en jeu les désirs et passions
illimités des individus. Cette économie frugale du besoin naturel par
opposition à celle des désirs artificiels implique à son tour une société
communautaire, voire communautariste peu nombreuse dans laquelle tous se
connaissent personnellement, fermée et indépendante des autres, réellement,
c’est à dire socialement et économiquement, égalitaire, dont le ciment
idéologique est une religion civile obligatoire qui « sacralise » la
communauté aux dépens des désirs individuels et des autres sociétés. Ensuite
elle suppose le pouvoir exécutif fort d’une élite de magistrats non directement
contrôlables par les individus-citoyens , indépendante du pouvoir législatif du
peuple, afin de faire respecter par chacun, y compris par la contrainte et la
menace de mort, cette égalité et l’expression de cette volonté générale
transcendant les désirs et intérêts particuliers qui en est la conséquence. Enfin elle exige des citoyens
vertueux dans leur plus grande majorité, dépourvus d’égoïsme et qui
accepteraient, plus volontairement que par la contrainte, de sacrifier ou de
mettre au service de la communauté leurs personnes, leurs biens et leur liberté
ou pouvoirs naturels. Autant dire que la position de Rousseau reste
inapplicable à la quasi-totalité des sociétés humaines existantes, sauf à
prétendre les révolutionner par la violence et la terreur extrêmes ; ce
qui de l’aveu même de Rousseau conduirait au pire désastre social qui
soit : la fin du contrat social et à la guerre civile qui elle même
fait cesser toute moralité.
Ainsi les positions de
Hobbes et de Rousseau se rejoignent malgré leurs oppositions apparentes de
principe pour dénier ou réduire le droit à liberté individuelle politique dans
un cas et/ou privée dans l’autre, au nom d’une conception idéaliste à la fois
incohérente et inapplicable d’un pouvoir absolu souverain plus ou moins
nécessairement terroriste et despotique dans les faits, que ce soit celui d’un
homme, du peuple incarnant une volonté générale égalitariste, ou des magistrats
chargés de la mettre œuvre, afin d’établir prétendument la paix et la concorde
civile. C’est pourquoi, non sans que le problème de l’inégalité sociale ne reste
posé au sein même de leur réflexion, les libéraux conséquents tels que Locke et
A. Smith ou chez nous Benjamin Constant, n’ont jamais voulu séparer les
libertés économiques et les libertés politiques ; l’économie
libérale et la démocratie, au moins représentative (que refusait du reste
Rousseau comme attentatoire à l’expression directe de la volonté générale par
les citoyens ). D’où la nécessité de nous interroger sur ce qui fait la nature
de ce lien nécessaire entre la liberté privée et économique et les
libertés politiques chez ceux qui se considèrent, à mon sens à juste
titre, comme les seuls vrais libéraux.
2-2 La théorie des sentiments moraux de Mandeville à A.Smith
2-2 La théorie des sentiments moraux de Mandeville à A.Smith
Idéalisme et réalisme
éthique.
Hobbes, nous venons de
la voir, fonde la sociabilité humaine sur la peur, au point disait-il
qu’il faut toujours supposer l’homme naturellement méchant (possessif et
vaniteux) et qu’ il convient qu’il se soumette et soit soumis à un
souverain au pouvoir absolu afin de sortir de l’état de guerre spontané de tous
contre tous, alors que Rousseau fonde cette sociabilité sur la vertu
cultivée par une société civile égalitaire répressive de la liberté égoïste
d’entreprendre et de la perversion sociale de l’amour de soi transformée par
l’inégalité sociale en amour propre ; laquelle vertu sociale
communautaire est censée retrouver l’innocence naturelle perdue, constituée par
l’amour de soi indissociable de la pitié naturelle. Mais par delà leur opposition
de principe les deux conceptions reviennent au même, à savoir refuser
l’humaine condition telle qu’elle est , à la fois spontanément et
indissociablement sociale et égoïste. Ce refus repose sur l’idée que la
sociabilité est toujours forcée. Or la condition humaine est au contraire dira
plus tard Kant, en employant l’expression d’ « insociable
sociabilité », irréductiblement marquée par l’alliance conflictuelle entre
l’égoïsme et la sociabilité qui traverse et anime le désir spontané, à la fois individuel
et universel, du bonheur et de la reconnaissance,. Refuser l’un au nom de la
vertu égalitaire et communautaire ou l’autre au nom de la méchanceté violente
naturelle de l’homme, c’est donc refuser l’humain dans l’homme au profit, soit
d’un infra-humain politiquement liberticide, soit d’un surhumain moral
inaccessible et qui l’est tout autant, bien qu’individuellement. Par contre ce
qui permet de lier, chez les philosophes libéraux cohérents de Mandeville
à Hayek, la liberté politique et la liberté économique, c’est l’idée et le fait
que la liberté individuelle n’est pas nécessairement associable, voire qu’elle
peut être, dans son égoïsme même et à certaines conditions, la condition
d’une sociabilité pacifique et coopérante. Pour penser le fondement indissociablement
rationnel et factuel de ce lien, les penseurs libéraux vont s’efforcer de
développer non une morale idéale de ce que devraient être les comportements
humains pour devenir sociaux mais une théorie des sentiments moraux tels qu’ils
rendent spontanément possible cette sociabilité, sans répression excessive de
l’initiative individuelle.
Ainsi pour Mandeville,
une société humaine moralement vertueuse ou purement altruiste serait
invivable, ce sont au contraire les vices : à savoir le désir égoïste de
posséder, de consommer le maximum de plaisirs, le goût du luxe et du
pouvoir, autant d’expressions de la passion vaniteuse, qui motivent les
hommes à jouer un rôle social et qui font marcher la société toute entière dans
le sens d’un progrès dans lequel chacun peut croire y trouver son compte ;
sans cette frénésie du désir, tous s’appauvriraient puisque les pauvres ne
pourraient pas être employés par les plus riches et dans l’égalité vertueuse
nul n’aurait l’espoir de s’enrichir et de voir sa condition s’améliorer. Une
société vertueuse serait frugale, c’est à dire ne satisferait que les besoins
vitaux (naturels et nécessaires), chacun pour soi et ses proches, et non les
désirs artificiels et superflus indéfiniment croissants qui seuls
obligent les hommes à travailler, à créer et à produire les uns pour les
autres, connus ou inconnus, proches ou lointains, à échanger sans limites ni
frontières (qu’on songe à la route de la soie autrefois et à la
mondialisation aujourd’hui), et se rendre des services mutuels en une
compétition stimulante et bénéfique à tous. L’appât du gain et du prestige
indissociables est ainsi le moteur de la vie collective. De plus sans le
vice de l’hypocrisie la société ne connaîtrait ni la politesse, ni donc
la civilité indispensable pour que les individus se supportent les uns les
autres. L’égoïsme et la seule motivation socialisante pour qui n’est pas un
saint et nous savons que les saints sont nécessairement des individus hors du
commun, les moines, quant à eux , soit s’abîment dans la contemplation et la
prière mais vivent de la charité intéressée du commun des mortels en vue de
leur salut post-mortem, soit font travailler des sous-moines comme des
esclaves. . Les vices privés font donc, pour reprendre la formule de
Mandeville, le bien public.. Par contre, outre de conduire à la misère générale
et à l’apathie ou démotivation des individus, une société morale
serait répressive des passions qui font la nature humaine et serait donc
nécessairement liberticide. Ainsi aucune société ne peut être morale et
heureuse et c’est l’amoralisme, voire l’immoralisme qui font l’histoire, c’est
à dire le développement économique, la prospérité générale et le bonheur ou
l’espoir de bonheur de chacun.
Mais ce que Mandeville
ne nous explique pas c’est comment à partir de cette vision cynique,
amorale, voire immorale de la cité prospère et heureuse, on peut
combattre le déferlement passionnel qui conduit à la violence et de la
domination ; bref comment cette société, qu’on peut dire réaliste, se
donne des règles du jeu collectives, des lois afin d’éviter de s’autodétruire
et sombrer dans l’anomie suicidaire. Il faut, en effet, pour comprendre cette
régulation sociale nécessaire des passions soit invoquer un bridage ou
corsetage instinctif et faire de la société humaine une société biologiquement
prédéterminé à la sociabilité pacifique (par sélection naturelle ou par
constitution divine), soit en revenir à la position de Hobbes, à savoir celle
d’une soumission à la fois volontaire et contrainte par la force à la
volonté d’un seul : le souverain absolu. Le libéralisme économique a alors
pour condition le non libéralisme politique et religieux. Ce qui , nous l’avons
vu, est contradictoire : nul ne peut être libre dans ses actions, et
garanti quant à la sécurité de son corps et ses biens s’il est totalement
soumis à le volonté particulière (et pour Hobbes il n’y a pas de volonté
générale, sinon par agrégation arithmétique des volontés particulières) d’un
autre et le fait que cette soumission soit volontaire ne peut faire que le
souverain soit raisonnable et/ou moins passionné dans l’usage qu’il fait de sa
puissance illimitée.
Or faire du seul jeu
spontané d'autorégulation par sélection naturelle la source unique de la
régulation pacifiante des relations entre les individus, comme semble le penser
Mandeville, c'est refuser de voir l'importance décisive de la vie
politique et son implication permanente délibérée dans le jeu économique; mais
cela est démenti par l'histoire des hommes qui montre à l'évidence que le
droit, par exemple commercial, est l'objet privilégié des décisions politiques;
ainsi la déclaration des droits égaux des hommes et par exemple du droit de
propriété qu'elle affirme comme sacré est une décision politique délibérée
prise dans de cadre de luttes politiques explicites contre l'arbitraire du
droit féodal inégalitaire. Le droit n'est pas instinctuel (inscrit dans nos
gènes), mais toujours culturel et politiquement ouvert à la contestation et à
la décision transformatrice délibérée des relations, y compris passionnelles,
entre les hommes.
Nous savons d'expérience que l’instinct biologique chez l’homme et le seul instinct de survie, au contraire de chez les abeilles, ne sont pas suffisants pour éviter la violence intra-sociale collective et interindividuelle autodestructrice ; il nous faut donc aller chercher dans l’égocentrisme passionnel humain, c’est à dire dans le désir proprement humain d'être et de paraître (de valorisation de soi), dans son rapport aux autres, aux institutions et aux échanges économiques, ce qui rend possible une autorégulation pacifique des relations mutuelles dans des conditions sociales favorables qu’il s’agit d’instituer (de construire) politiquement, sans avoir nécessairement recours à un menace liberticide extérieure permanente généralisée, qu’elle soit politique ou religieuse.
C’est A.Smith qui, dans son ouvrage « La théorie des sentiments moraux », va tenter de trouver ce fondement spontané de la sociabilité dans ce qu’il appelle les sentiments d'estime de soi et de sympathie , en tant qu'ils rendent possibles, voire nécessaires, une économie, une politique et un droit libéraux.
Nous savons d'expérience que l’instinct biologique chez l’homme et le seul instinct de survie, au contraire de chez les abeilles, ne sont pas suffisants pour éviter la violence intra-sociale collective et interindividuelle autodestructrice ; il nous faut donc aller chercher dans l’égocentrisme passionnel humain, c’est à dire dans le désir proprement humain d'être et de paraître (de valorisation de soi), dans son rapport aux autres, aux institutions et aux échanges économiques, ce qui rend possible une autorégulation pacifique des relations mutuelles dans des conditions sociales favorables qu’il s’agit d’instituer (de construire) politiquement, sans avoir nécessairement recours à un menace liberticide extérieure permanente généralisée, qu’elle soit politique ou religieuse.
C’est A.Smith qui, dans son ouvrage « La théorie des sentiments moraux », va tenter de trouver ce fondement spontané de la sociabilité dans ce qu’il appelle les sentiments d'estime de soi et de sympathie , en tant qu'ils rendent possibles, voire nécessaires, une économie, une politique et un droit libéraux.
La sympathie, pour lui,
est le sentiment d’identification spontané qui permet d’interpréter les actions
des autres et ce qui les affecte et les meut (émotions) en fonction de son
propre désir ou amour de soi. Or en cela la position de Smith n’est pas celle
de Rousseau, car la sympathie n’implique pas forcément la bienveillance et la
générosité vis-à-vis des autres, mais la conscience de cet universel humain
donc réciproque qu’est l’amour de soi ; C’est pourquoi selon lui
(contrairement à Rousseau) la sympathie est toujours plus grande au vue de la
joie affichée des autres que de leur souffrance qu’au fond nous refusons
pour nous même. Cette sympathie n’empêche nullement le conflit voire la haine,
lorsque ce sentiment de l’amour de soi n’est pas reconnu, voire est contredit,
par celui d’autrui. Mais cela veut dire qu’il faut s’aimer soi-même pour
comprendre les autres et entretenir avec eux des relations éventuellement
positives (heureuses) de réciprocité. Du fait de cette sympathie, chaque
individu en société cherche la reconnaissance ou l’estime des autres pour
s’aimer lui-même et peut ainsi comprendre qu’il en est de même pour les autres.
Il convient donc pour chacun de chercher cette estime des autres, dans le cadre
de relations réglées par la coutume et l’habitude, de telle sorte que cette
réciprocité positive devienne quasi-automatique.
Or cette bienveillance automatique en vue du bonheur mutuel se manifeste dans les relations commerciales ou, pour reprendre une célèbre formule de Montesquieu, dans le « doux commerce ». Pour acheter et vendre il faut renoncer à la violence ou au vol et s’engager à satisfaire les désirs d’autrui sans abandonner ou sacrifier sa propre satisfaction ou intérêt personnel. Le commerce implique l’idée d’un échange bénéfique aux deux partenaires (vendeur et acheteur) car exige, dans les conditions de la libre-concurrence supposée parfaite (nous y reviendrons), que chacun reste libre de consentir ou non à la transaction tout en étant contraint de tenir compte de la satisfaction d’autrui., par son propre désir, et non par une quelconque morale ou puissance politico-religeuse extérieure ou encore par une générosité inconditionnelle (et donc sacrificielle de soi) bénéfique à autrui, De plus le relations commerciales exigent un contrat de confiance des partenaires les uns vis-à-vis des autres, or celle-ci suppose ce désir d’être estimé qui est au cœur de toutes les relations, voire passions, humaines. Donc pour A.Smith les échanges économiques et commerciaux de biens et de services sont toujours aussi des échanges moraux au sens où est mis en jeu le désir de reconnaissance de soi dans le désir de reconnaissance de l’autre. C’est en cela qu’une réciprocité positive des relations est toujours associée et non contraire à l’égoïsme de l’amour de soi que Smith ne différencie pas nettement, contrairement à Rousseau, de l’amour propre. Par contre Smith distingue, contrairement à Mandeville, pour les opposer, la vanité qui prétend affirmer l’amour de soi sans réciprocité dans le mépris des autres, mais qui échoue car il ne trouve que le mépris, voire la haine des autres, et l’amour de soi authentique de soi car réciproque toujours récompensé dans l’estime des autres, ainsi par leur fidélité commerciale, gage de prospérité mutuelle. C’est pourquoi les hommes s’efforcent constamment d’accroître leur fortune pour se faire estimer positivement par les autres ; or cette estime exige que le fortune soit acquise par l’épargne dans des conditions honnêtes qui fasse droit à la satisfaction des autres. Pour A. Smith donc, le désir de s’enrichir par l’épargne est la conséquence de celui d’obtenir la sympathie des autres et une image sociale positive de soi dans le cadres de relations commerciales mutuellement bénéfiques. Il est indissociable du fait que l’on sympathise plus avec le bonheur qu’avec le malheur car nous désirons tous être heureux, a savoir s’aimer soi-même ; or la richesse bien acquise (ou l’intérêt bien compris) est un facteur essentiel de cet amour de soi.
Ainsi « le désir de devenir l’objet propre [adéquat] de l’estime et de la considération peut provenir soit de l’ amour même de la vertu », soit de celui de la vraie gloire méritée, soit de celui de la vaine gloire vaniteuse imméritée. Seul le second est motivant et efficace pour le plus grand nombre , donc seul il peut fonctionner comme un facteur central bénéfique aux échanges sociaux.
Pour lui, la relation commerciale, bien qu’amorale au sens chrétien du terme car intéressée, n’est pas immorale dès lors qu’elle ne peut pas ne pas tenir compte de l’intérêt bien compris du partenaire de l’échange qui ne peut pas être traité comme un adversaire et encore moins comme un ennemi. De là provient la théorie reprise de Montesquieu du « doux commerce » qui peut permettre de réduire le risque de violence entre les hommes.
Mais encore faut-il que cet échange soit égalitaire et libéral et pour cela réglé par cette main invisible qu’est pour Smith le marché concurrentiel.
2-3 Du principe libéral de la concurrence comme principe idéal de justice
Or cette bienveillance automatique en vue du bonheur mutuel se manifeste dans les relations commerciales ou, pour reprendre une célèbre formule de Montesquieu, dans le « doux commerce ». Pour acheter et vendre il faut renoncer à la violence ou au vol et s’engager à satisfaire les désirs d’autrui sans abandonner ou sacrifier sa propre satisfaction ou intérêt personnel. Le commerce implique l’idée d’un échange bénéfique aux deux partenaires (vendeur et acheteur) car exige, dans les conditions de la libre-concurrence supposée parfaite (nous y reviendrons), que chacun reste libre de consentir ou non à la transaction tout en étant contraint de tenir compte de la satisfaction d’autrui., par son propre désir, et non par une quelconque morale ou puissance politico-religeuse extérieure ou encore par une générosité inconditionnelle (et donc sacrificielle de soi) bénéfique à autrui, De plus le relations commerciales exigent un contrat de confiance des partenaires les uns vis-à-vis des autres, or celle-ci suppose ce désir d’être estimé qui est au cœur de toutes les relations, voire passions, humaines. Donc pour A.Smith les échanges économiques et commerciaux de biens et de services sont toujours aussi des échanges moraux au sens où est mis en jeu le désir de reconnaissance de soi dans le désir de reconnaissance de l’autre. C’est en cela qu’une réciprocité positive des relations est toujours associée et non contraire à l’égoïsme de l’amour de soi que Smith ne différencie pas nettement, contrairement à Rousseau, de l’amour propre. Par contre Smith distingue, contrairement à Mandeville, pour les opposer, la vanité qui prétend affirmer l’amour de soi sans réciprocité dans le mépris des autres, mais qui échoue car il ne trouve que le mépris, voire la haine des autres, et l’amour de soi authentique de soi car réciproque toujours récompensé dans l’estime des autres, ainsi par leur fidélité commerciale, gage de prospérité mutuelle. C’est pourquoi les hommes s’efforcent constamment d’accroître leur fortune pour se faire estimer positivement par les autres ; or cette estime exige que le fortune soit acquise par l’épargne dans des conditions honnêtes qui fasse droit à la satisfaction des autres. Pour A. Smith donc, le désir de s’enrichir par l’épargne est la conséquence de celui d’obtenir la sympathie des autres et une image sociale positive de soi dans le cadres de relations commerciales mutuellement bénéfiques. Il est indissociable du fait que l’on sympathise plus avec le bonheur qu’avec le malheur car nous désirons tous être heureux, a savoir s’aimer soi-même ; or la richesse bien acquise (ou l’intérêt bien compris) est un facteur essentiel de cet amour de soi.
Ainsi « le désir de devenir l’objet propre [adéquat] de l’estime et de la considération peut provenir soit de l’ amour même de la vertu », soit de celui de la vraie gloire méritée, soit de celui de la vaine gloire vaniteuse imméritée. Seul le second est motivant et efficace pour le plus grand nombre , donc seul il peut fonctionner comme un facteur central bénéfique aux échanges sociaux.
Pour lui, la relation commerciale, bien qu’amorale au sens chrétien du terme car intéressée, n’est pas immorale dès lors qu’elle ne peut pas ne pas tenir compte de l’intérêt bien compris du partenaire de l’échange qui ne peut pas être traité comme un adversaire et encore moins comme un ennemi. De là provient la théorie reprise de Montesquieu du « doux commerce » qui peut permettre de réduire le risque de violence entre les hommes.
Mais encore faut-il que cet échange soit égalitaire et libéral et pour cela réglé par cette main invisible qu’est pour Smith le marché concurrentiel.
2-3 Du principe libéral de la concurrence comme principe idéal de justice
Pour A. Smith, le marché
et la libre concurrence sont des facteurs contraignant d’égalisation. En effet
ils détruisent nécessairement les hiérarchies et les statuts
traditionnels figées. En faisant de chacun un consommateur capable de
choisir son fournisseur selon son intérêt mesuré en terme de coût/qualité, le
marché concurrentiel détruit le rapport monopolistique qui assure la suprématie
des producteurs aux dépens du plus grand nombre : les consommateurs. Au
contraire, le marché concurrentiel assure le primat de la demande sur l’offre,
mais comme tous sont autant des vendeurs qu’ acheteurs, les positions
s’égalisent dans le circuit économique de l’offre et de la demande, du fait que
celui-ci doit nécessairement par le jeu de la concurrence atteindre l’équilibre
à terme. De plus la libre concurrence interdit à un producteur de
prétendre rendre captive une clientèle à son profit car aussitôt il serait
alors victime de la défection de ses clients au profit d’un concurrent ;
Du coté de la production, la force de travail étant elle aussi une
marchandise (et là c’est l’employé qui est vendeur et le capitaliste
l’acheteur) s’échangeant librement contre salaire sur le marché de l’emploi
concurrentiel, chaque employé, est a priori capable de s’adapter à ce marché de
telle sorte qu’il ne peut en être exclu et encore moins être tenu à travailler
pour tel ou tel employeur à des conditions qu’il refuserait. S’il est soumis à
la concurrence des autres et en cela ne peut prétendre avoir un place
privilégiée ou protégée aux dépens des autres, il ne peut non plus être victime
d’un quelconque ostracisme extérieur ou d’une situation imposée de dépendance
qui lui interdirait toute liberté de manœuvre et la possibilité de la défection. S’il ne réussit pas dans ce conditions il ne peut alors que
s’en prendre qu’à lui-même. Ainsi le marché concurrentiel agit comme un
automatisme autorégulé (main invisible) qui produit nécessairement
l’ajustement entre l’offre et la demande au profit de la satisfaction
optimale des producteurs, des consommateurs, des employeurs et des employés,
c’est à dire de tous. Il est anti-corporatiste et anti-protectionniste et par
là permet à chacun de faire valoir dans les rapports de production comme dans
les échanges (les rapports de distribution) son autonomie et ses intérêts
propres, en l’obligeant à se soucier des intérêts d’autrui ; il réalise
sur le plan économique et par le simple jeu de l’intérêt, l’impératif non plus
idéalement catégorique mais hypothétique, et par là d’une manière encore plus
réellement contraignante, de ne jamais prendre autrui comme seul moyen de son
action mais de toujours le considérer comme fin. Ce que la morale idéaliste du
devoir est incapable de garantir, l’intérêt bien compris le fait et cela sans
effort sur soi-même, ni sacrifice.
Mais dira-t-on qu’est-ce
qui empêche l’escroquerie, la manipulation, les fausses promesses pour profiter
d’une situation immédiate favorable d’inégalité au profit du vendeur dès lors
que seul l’intérêt à court terme pourrait compter pour tel ou tel? Deux
choses : la poursuite du jeu pour qui veut continuer son activité et pour
cela il lui faut éviter la menace de la sanction par la perte de confiance des
clients et, si cela ne suffit pas, la menace d’exclusion du jeu par la force
publique, mais surtout le sentiment de sympathie et d’estime réciproque réglé
par les habitudes selon la théorie des sentiments moraux de Smith :
l’intérêt est ordonné par la sympathie à la réciprocité donc oblige à rester
honnête dans les transactions et les échanges ; chacun sait que son
intérêt et la recherche de l’estime des autres exige qu’il considère ce même
intérêt chez son semblable. Ce qui veut dire que chez Smith l’intérêt est
toujours accompagné, chez la plupart, du désir d’obtenir l’estime des
autres ; au travers des échanges et les habitudes sociales, les mœurs
fixent par un codage symbolique fort les comportements valorisés et valorisants
de telle sorte qu’il faudrait être fou ou totalement inconscient vis-à-vis de
son propre intérêt pour oser s’attirer le mépris et la défiance de ceux
dont on a besoin pour vivre. Là encore la confiance se mérite et chacun,
d’expérience, le sait. Dans la plupart des cas il n’est nul besoin d’une
autorité extérieure pour l’imposer, du reste elle ne s’impose pas vraiment par
la contrainte ou alors c’est que la défiance l’emporte déjà et celle-ci menace
en permanence la possibilité même de l’échange réciproque libre et mutuellement
fructueux. On ne fait pas affaire avec un escroc avéré ou soupçonné tel.
L’économie libérale est donc une économie contractuelle généralisée sans relations de dépendance hiérarchique statutaire : tous les individus sont en droit maîtres de leur décision et de leur engagement vis-à-vis des autres et ont, sous conditions fixées par contrat, le droit d’y mettre fin. Dans un tel contexte de fluidité libérale des relations de production et d’échange, celles-ci ne peuvent sous l’effet de la concurrence pure et parfaite maintenir dans le durée les inégalités existantes, nous y reviendrons ; chacun peut décider de (re) jouer sa partie dans des conditions plus favorables pour lui, soit en proposant des produits et services mieux à même de satisfaire la demande que ceux de ses concurrents, soit en offrant un travail plus demandé et donc mieux rétribué. C’est en effet la loi de l’offre et de la demande qui décide du prix ponctuel des marchandises, y compris le travail (salaire) et le capital (intérêt), et si le travail est la source de toute valeur d’échange, celle-ci ne peut se réaliser sur le marché, c’est à dire s’exprimer en prix ou valeur monétaire, que par le jeu de l’offre et de la demande. Or en moyenne ce jeu dans le cadre de la concurrence tend à l’équilibre, c’est à dire que les prix tendent vers une valeur moyenne proche de la valeur du travail et de la rémunération minimale de capital, proche du taux moyens d’intérêt (5%). Le concurrence des investissements et des producteurs fait que des taux durablement supérieurs sont à terme impossibles. Les revenus du capital sont donc justifiés dès lors qu’ils ne sont que la rétribution du risque prix et de l’épargne qui a permis l’investissement productif aux dépens de la dépense destructrice de pure consommation. L’investisseur est en effet récompensé du fait d’avoir renoncé à la satisfaction égoïste exclusive immédiate au profit des autres consommateurs, en faisant travailler son capital dans des activités productrices de moyens de satisfaire les désirs d’autrui (les consommateurs ou clients). En moyenne donc, dans le cadre d’une concurrence pure et parfaite , c’est à dire sans entrave , ni position dominante durable, les rémunérations du travail et du capital ne peuvent être que la juste récompense des mérites égo/altruistes des différents acteurs du jeu économique. Ainsi, le jeu du marché concurrentiel idéal réalise donc par lui-même sans contrainte étatique extérieure et sans hiérarchie sociale qualitative prédéterminée, l’idéal de justice distributive cher à Aristote.
En s’efforçant de satisfaire son propre intérêt chacun participe nécessairement au bien être de tous sans y être forcé par l’intervention, au moins sous la forme de menace permanente, d’un pouvoir transcendant supérieur coercitif (le souverain absolu) , ni être contraint par des exigences morales désintéressées exigeant un sacrifice de soi aux autres. La liberté s’auto-régularise par le jeu immanent d’une mutualisation réciproque automatique des égoïsmes transformés en facteurs de coopération.; Dans le cadre du marché concurrentiel, la société, comme les jeux sportifs, institue d’une manière immanente des règles de fonctionnement qui rendent possible la confrontation sans violence des intérêts et oblige à une coopération immédiatement consentie fondée sur une confiance sympathisante dans l’honnêteté intéressée, donc spontanée, des autres. La liberté d’entreprendre laissée aux individus, loin de générée la violence et la domination, devient un facteur de pacification égalitaire et de réelle justice distributive qui s’exprime par le principe « à chacun selon son mérite »; l’état n’a pas à inventer les règles de la libre concurrence ou à instaurer un hiérarchie contraignante pour imposer un ordre social, mais doit se contenter de les fixer (formaliser) ces règles librement instituées et d’en garantir le respect par la sanction en tant que règles d’une liberté spontanément coopérante. Le société peut devenir donc à la fois libérale sur le plan économique et sur le plan politique, dès lors que nul n’a intérêt de détruire ou d’exploiter à son profit exclusif ce jeu de la libre concurrence sans se mettre lui-même socialement en danger et perdre la sympathie confiante des autres, ce qui le conduirait nécessairement à l’exclusion du jeu économique et, en cas d’escroquerie manifeste, de sanction pénale par l’état. Celui-ci n’est plus alors que l’arbitre d’un jeu économique et social dont il ne définit plus le contenu, ni même les règles, laissant aux joueurs (acteurs sociaux) le soin de les instituer librement par contrat mutuel. La position de A. Smith, contrairement au modèles de Hobbes et de Rousseau, est libérale sur tous les plans : politique, sociétal et économique. Le risque le plus important est que les gouvernants tentent de profiter de leur rôle d’arbitre pour profiter du jeu en le détournant à leur profit ; c’est pourquoi il convient de les soumettre à des règles de droit qui garantissent les libertés individuelles (droits de l’homme et du citoyen) contre les abus de pouvoirs des gouvernants et la corruption ont il pourrait être l’objet, voire le sujet, lesquels mettraient en cause leur rôle neutre d’arbitre libéral. Pour se garantir contre ce risque et protéger les citoyens contre les forfaitures éventuelles des dirigeants de l’état, il convient d’instituer ce que l’on appelle la séparation entre les pouvoirs législatif, exécutif et surtout juridique, fondement de l’état républicain anti-despotique de droit moderne. Bien que fort en tant qu’arbitre disposant du monopole du pouvoir de sanction pénale et de l’usage légitime de la force (force publique), l’état libéral n’est donc pas un état de domination, mais de direction au service des citoyens disposant de la liberté d’entreprendre contractuelle et coopérative, auto-régulée par la libre concurrence . Il se doit pour cela de lever les obstacles à la libre concurrence (ex : les obstacles protectionnistes préconisés par les mercantilistes), dite pure et parfaire afin d’assurer l’équilibre général de l’offre et de la demande dans tous les domaines, c’est à dire les lois naturelles de l’économie spontanément justes, selon Smith, de l’économie. Quelles sont-elles ?
L’économie libérale est donc une économie contractuelle généralisée sans relations de dépendance hiérarchique statutaire : tous les individus sont en droit maîtres de leur décision et de leur engagement vis-à-vis des autres et ont, sous conditions fixées par contrat, le droit d’y mettre fin. Dans un tel contexte de fluidité libérale des relations de production et d’échange, celles-ci ne peuvent sous l’effet de la concurrence pure et parfaite maintenir dans le durée les inégalités existantes, nous y reviendrons ; chacun peut décider de (re) jouer sa partie dans des conditions plus favorables pour lui, soit en proposant des produits et services mieux à même de satisfaire la demande que ceux de ses concurrents, soit en offrant un travail plus demandé et donc mieux rétribué. C’est en effet la loi de l’offre et de la demande qui décide du prix ponctuel des marchandises, y compris le travail (salaire) et le capital (intérêt), et si le travail est la source de toute valeur d’échange, celle-ci ne peut se réaliser sur le marché, c’est à dire s’exprimer en prix ou valeur monétaire, que par le jeu de l’offre et de la demande. Or en moyenne ce jeu dans le cadre de la concurrence tend à l’équilibre, c’est à dire que les prix tendent vers une valeur moyenne proche de la valeur du travail et de la rémunération minimale de capital, proche du taux moyens d’intérêt (5%). Le concurrence des investissements et des producteurs fait que des taux durablement supérieurs sont à terme impossibles. Les revenus du capital sont donc justifiés dès lors qu’ils ne sont que la rétribution du risque prix et de l’épargne qui a permis l’investissement productif aux dépens de la dépense destructrice de pure consommation. L’investisseur est en effet récompensé du fait d’avoir renoncé à la satisfaction égoïste exclusive immédiate au profit des autres consommateurs, en faisant travailler son capital dans des activités productrices de moyens de satisfaire les désirs d’autrui (les consommateurs ou clients). En moyenne donc, dans le cadre d’une concurrence pure et parfaite , c’est à dire sans entrave , ni position dominante durable, les rémunérations du travail et du capital ne peuvent être que la juste récompense des mérites égo/altruistes des différents acteurs du jeu économique. Ainsi, le jeu du marché concurrentiel idéal réalise donc par lui-même sans contrainte étatique extérieure et sans hiérarchie sociale qualitative prédéterminée, l’idéal de justice distributive cher à Aristote.
En s’efforçant de satisfaire son propre intérêt chacun participe nécessairement au bien être de tous sans y être forcé par l’intervention, au moins sous la forme de menace permanente, d’un pouvoir transcendant supérieur coercitif (le souverain absolu) , ni être contraint par des exigences morales désintéressées exigeant un sacrifice de soi aux autres. La liberté s’auto-régularise par le jeu immanent d’une mutualisation réciproque automatique des égoïsmes transformés en facteurs de coopération.; Dans le cadre du marché concurrentiel, la société, comme les jeux sportifs, institue d’une manière immanente des règles de fonctionnement qui rendent possible la confrontation sans violence des intérêts et oblige à une coopération immédiatement consentie fondée sur une confiance sympathisante dans l’honnêteté intéressée, donc spontanée, des autres. La liberté d’entreprendre laissée aux individus, loin de générée la violence et la domination, devient un facteur de pacification égalitaire et de réelle justice distributive qui s’exprime par le principe « à chacun selon son mérite »; l’état n’a pas à inventer les règles de la libre concurrence ou à instaurer un hiérarchie contraignante pour imposer un ordre social, mais doit se contenter de les fixer (formaliser) ces règles librement instituées et d’en garantir le respect par la sanction en tant que règles d’une liberté spontanément coopérante. Le société peut devenir donc à la fois libérale sur le plan économique et sur le plan politique, dès lors que nul n’a intérêt de détruire ou d’exploiter à son profit exclusif ce jeu de la libre concurrence sans se mettre lui-même socialement en danger et perdre la sympathie confiante des autres, ce qui le conduirait nécessairement à l’exclusion du jeu économique et, en cas d’escroquerie manifeste, de sanction pénale par l’état. Celui-ci n’est plus alors que l’arbitre d’un jeu économique et social dont il ne définit plus le contenu, ni même les règles, laissant aux joueurs (acteurs sociaux) le soin de les instituer librement par contrat mutuel. La position de A. Smith, contrairement au modèles de Hobbes et de Rousseau, est libérale sur tous les plans : politique, sociétal et économique. Le risque le plus important est que les gouvernants tentent de profiter de leur rôle d’arbitre pour profiter du jeu en le détournant à leur profit ; c’est pourquoi il convient de les soumettre à des règles de droit qui garantissent les libertés individuelles (droits de l’homme et du citoyen) contre les abus de pouvoirs des gouvernants et la corruption ont il pourrait être l’objet, voire le sujet, lesquels mettraient en cause leur rôle neutre d’arbitre libéral. Pour se garantir contre ce risque et protéger les citoyens contre les forfaitures éventuelles des dirigeants de l’état, il convient d’instituer ce que l’on appelle la séparation entre les pouvoirs législatif, exécutif et surtout juridique, fondement de l’état républicain anti-despotique de droit moderne. Bien que fort en tant qu’arbitre disposant du monopole du pouvoir de sanction pénale et de l’usage légitime de la force (force publique), l’état libéral n’est donc pas un état de domination, mais de direction au service des citoyens disposant de la liberté d’entreprendre contractuelle et coopérative, auto-régulée par la libre concurrence . Il se doit pour cela de lever les obstacles à la libre concurrence (ex : les obstacles protectionnistes préconisés par les mercantilistes), dite pure et parfaire afin d’assurer l’équilibre général de l’offre et de la demande dans tous les domaines, c’est à dire les lois naturelles de l’économie spontanément justes, selon Smith, de l’économie. Quelles sont-elles ?
2-4 Les conditions de la
libre concurrence
On peut en distinguer
cinq, qui sont, selon Arrow, prix Nobel d’économie en 1972.
1) La transparence immédiate et gratuite de l’information pour tous les acteurs ;
2) un grand nombre d’acteurs pour qu’aucun ne puisse utiliser sa puissance propre pour peser sur le marché à son avantage exclusif ; d’où l’absence nécessaire de tout monopole, voire de toute position dominante d’un ou de plusieurs des acteurs ;
3) l’homogénéisation des produits de telle sorte qu’ils soient véritablement concurrents ;
4) La totale moblité des acteurs, surtout des travailleurs et des capitaux et le libre mrché pour tous
5) Mais la condition la plus importante, celle qui conditionne le bon usage des autres est la rationalité des acteurs de l’économie qui sont (doivent être) animés du désir dominant de s’enrichir à long terme dans un cadre éthique intériorisé qui privilégie l’estime honnête de soi par la médiation de rapports valorisés et valorisants avec les autres, comme le souligne A. Smith dans sa théorie des sentiments moraux. Ce qui signifie que sans homme raisonnable, capable de raisonner et de dépassionner son désir d’être et d’avoir, il n’y a pas d’homme économique possible susceptible de faire que le libre marché soit juste et équilibré.
1) La transparence immédiate et gratuite de l’information pour tous les acteurs ;
2) un grand nombre d’acteurs pour qu’aucun ne puisse utiliser sa puissance propre pour peser sur le marché à son avantage exclusif ; d’où l’absence nécessaire de tout monopole, voire de toute position dominante d’un ou de plusieurs des acteurs ;
3) l’homogénéisation des produits de telle sorte qu’ils soient véritablement concurrents ;
4) La totale moblité des acteurs, surtout des travailleurs et des capitaux et le libre mrché pour tous
5) Mais la condition la plus importante, celle qui conditionne le bon usage des autres est la rationalité des acteurs de l’économie qui sont (doivent être) animés du désir dominant de s’enrichir à long terme dans un cadre éthique intériorisé qui privilégie l’estime honnête de soi par la médiation de rapports valorisés et valorisants avec les autres, comme le souligne A. Smith dans sa théorie des sentiments moraux. Ce qui signifie que sans homme raisonnable, capable de raisonner et de dépassionner son désir d’être et d’avoir, il n’y a pas d’homme économique possible susceptible de faire que le libre marché soit juste et équilibré.
Autant dire que le libre
concurrence ne peut être dite « juste » que si l’état ou les
institutions politiques nationales ou internationales garantissent, donc
imposent le respect de ces conditions ; or celles-ci sont
contraire à la stratégie des entreprises qui vise toujours à fausser la
marché à leur profit exclusif et donc à mettre tout en oeuvre pour réduire la
contrainte de ces conditions : Elles s’efforcent toujours de
- conquérir une position de monopole ou dominante par l’élimination du marché des concurrents réels et potentiels (rachat, dumping ou capture juridique ou technologique de la clientèle) ;
- faire croire faussement à l’hétérogénéité qualitative des produits ;
Ainsi la libre concurrence n’est juste que si est respectée l’égalité sur le marché au moins potentielle des situations, que si la compétition économique reste ouverte, que si les consommateurs ont également accès au marché ainsi qu’à l’information qui leur donne un réle pouvoir de décision et surtout que si les consommateurs sont rationnels dans l’expression de leur désir. Le libéralisme économique est donc un idéal normatif qui implique, nécessairement l’intervention de la politique et l’éducation des consommateurs pour qu’il soit mis en œuvre, sous peine de générer les inégalités qui transformeraient cet idéal en son contraire : le dictature sur le marché de l’offre sur la demande et du capital sur le travail comme l’avait compris déjà A. Smith (voir textes).
Mais il est curieux de constater, et significatif de sa naïveté optimiste sur l’autorégulation du marché, que malgré sa lucidité il n’aborde pas l’économie mafieuse et l’esclavage comme des tendances tout aussi spontanées du marché sans règles ni loi, c’est à dire sans l’intervention d’une régulation politique. On ne peut donc rendre le libéralisme économique , en tant qu’idéal , responsable des inégalités et de ces dérives possibles, mais au contraire il convient de bien comprendre que c’est son détournement idéologique par un capitalisme à prétention monopolistique sous la forme d’un pseudo ultra-libéralisme qui récuserait toute intervention de l’état dans la régulation de l’économie qui est responsable du développement d’un marché de moins en moins concurrentiel, de plus en plus mafieux, et donc de plus en plus anti-libéral et injuste.
Ainsi c’est cette naïveté originaire qui voit dans la main invisible de la concurrence le seul régulateur de l’économie qui fait que le libéralisme classique réel est pour partie responsable de ce détournement dès lors qu’il n’a pas su évaluer précisément les conditions légales et politiques nécessaires au fonctionnement d’un libre-marché au service de chacun et de l’intérêt général ou mutuel. La liberté en général et économique en particulier suppose toujours des lois pour en faire un droit et une réalité pour tous et en cela éviter qu’elle ne devienne la liberté mafieuse et/ou dominatrice « du renard libre dans le poulailler libre »…
Or comment peut-on régulariser l’économie en faisant en sorte que la position libérale soit politiquement développée dans un sens social plus juste c’est à dite plus égalitaire et plus universaliste conformément à son idéal originaire?
- conquérir une position de monopole ou dominante par l’élimination du marché des concurrents réels et potentiels (rachat, dumping ou capture juridique ou technologique de la clientèle) ;
- faire croire faussement à l’hétérogénéité qualitative des produits ;
Ainsi la libre concurrence n’est juste que si est respectée l’égalité sur le marché au moins potentielle des situations, que si la compétition économique reste ouverte, que si les consommateurs ont également accès au marché ainsi qu’à l’information qui leur donne un réle pouvoir de décision et surtout que si les consommateurs sont rationnels dans l’expression de leur désir. Le libéralisme économique est donc un idéal normatif qui implique, nécessairement l’intervention de la politique et l’éducation des consommateurs pour qu’il soit mis en œuvre, sous peine de générer les inégalités qui transformeraient cet idéal en son contraire : le dictature sur le marché de l’offre sur la demande et du capital sur le travail comme l’avait compris déjà A. Smith (voir textes).
Mais il est curieux de constater, et significatif de sa naïveté optimiste sur l’autorégulation du marché, que malgré sa lucidité il n’aborde pas l’économie mafieuse et l’esclavage comme des tendances tout aussi spontanées du marché sans règles ni loi, c’est à dire sans l’intervention d’une régulation politique. On ne peut donc rendre le libéralisme économique , en tant qu’idéal , responsable des inégalités et de ces dérives possibles, mais au contraire il convient de bien comprendre que c’est son détournement idéologique par un capitalisme à prétention monopolistique sous la forme d’un pseudo ultra-libéralisme qui récuserait toute intervention de l’état dans la régulation de l’économie qui est responsable du développement d’un marché de moins en moins concurrentiel, de plus en plus mafieux, et donc de plus en plus anti-libéral et injuste.
Ainsi c’est cette naïveté originaire qui voit dans la main invisible de la concurrence le seul régulateur de l’économie qui fait que le libéralisme classique réel est pour partie responsable de ce détournement dès lors qu’il n’a pas su évaluer précisément les conditions légales et politiques nécessaires au fonctionnement d’un libre-marché au service de chacun et de l’intérêt général ou mutuel. La liberté en général et économique en particulier suppose toujours des lois pour en faire un droit et une réalité pour tous et en cela éviter qu’elle ne devienne la liberté mafieuse et/ou dominatrice « du renard libre dans le poulailler libre »…
Or comment peut-on régulariser l’économie en faisant en sorte que la position libérale soit politiquement développée dans un sens social plus juste c’est à dite plus égalitaire et plus universaliste conformément à son idéal originaire?
Nous rencontrons là la
limite de a position d’A.Smith qui reste pour le moins ambiguë, voire
contradictoire. En effet s’il refuse de reconnaître à l’état un rôle de
régulateur de l’économie dès lors que pour lui celle-ci doit spontanément
s’autoréguler et qu’il considère que le fonctionnement nécessairement
bureaucratique de l’état le rend incapable à maîtriser le jeu complexe des
égoïsmes en vue de la satisfaction de l’intérêt général, il admet que les
riches et les puissants peuvent très bien utiliser leur position pour exploiter
les pauvres et utiliser leur pouvoir économique pour contraindre l’état, sous
prétexte de faire respecter la liberté d’entreprendre indissociable du droit de
propriété des moyens de production et d’échange, à soumettre les employés par
la force à leur intérêt particulier exclusif mais aussi, et cela est pour lui
encore plus grave, à fausser les règles du jeu à leur avantage en multipliant
les obstacles à le libre concurrence (ex : le maintien voire l’élévation
des droits de douanes, préconisés par les mercantilistes, pour avantager
les nationaux sur le marché intérieur en les protégeant de la concurrence
étrangère, et les ententes validées par l’état pour augmenter les prix et les
profits). Donc A. Smith est partagé entre la réalité des comportements sociaux
des capitalistes, des dérives anti-libérales, voire criminelles et des conflits
qu’ils génèrent, et l’idéal de la libre concurrence qu’il prend, non seulement
pour un idéal, mais comme une description et explication de la réalité (et en
cela il est dans l’illusion idéologique la plus classique) sans être capable de
réduire la contradiction entre sa position qui affirme le principe universel de
la non-intervention de l’état dans l’économie et ses conséquences
sociales et le fait qu’il constate que cette non-intervention revient, dans les
faits, à favoriser les investisseurs aux dépens des salariés et de l’intérêt
général, ne serait-ce qu’en vue du maintien de la paix civile (voir textes). Il
admet que l’état doit jouer un rôle d’investisseur quant au services et aux
biens d’équipement qui concernent l’intérêt général et qui ne peuvent être
rentables à court terme pour des particuliers (infrastructures, équipement du
territoire, éducation de masse) et aux moyens de protection répressif en vue du
maintien de la paix civile, mais il refuse toute politique systématique de
redistribution en faveur des plus démunis et accepte le risque politique de
l’inégalité des chances tout en soulignant le danger de violence sociale
qu’elle génère ; en comptant sur la tradition plus ou moins religieuse de
servilité des pauvres par rapport aux riches, il pense que la hiérarchie entre
eux est nécessaire et qu’il suffira à la police de faire son métier pour
maintenir l’ordre, alors même que l’Angleterre à connu un mouvement populaire
extrêmement violent appelé « les niveleurs » revendiquant l’égalité
sociale radicale comme une valeur chrétienne. ( L'appellation de niveleurs
(en anglais levellers) a été réservée, à partir de 1645, à ceux des
révolutionnaires anglais qui, non contents de vouloir éliminer la monarchie
encore incarnée par Charles Ier, souhaitaient lui substituer une république où
le peuple composé de tous les citoyens adultes serait souverain. Plus que des
combattants de la liberté, ils sont des démocrates. Leurs adversaires, qui les
baptisèrent, les considéraient comme des « partageux » et pensaient
que des hommes sans propriété, s'ils étaient dotés du droit de vote,
imposeraient une redistribution des richesses. Accusation alors mortelle, mais
qui, au mieux, serait à réserver à un groupuscule qui, derrière Gerrard
Winstanley, et entre 1648 et 1652, a agité le drapeau des « vrais niveleurs » ou diggers
(« bêcheurs ») et réclamé effectivement une grande mutation de la
propriété foncière et des modes de production.
Les niveleurs authentiques ont souvent eu une origine baptiste : soucieux de rapprocher le règne de Dieu ici-bas, ils se muent en activistes révolutionnaires, transposent dans le politique le message religieux de leur secte, leur foi dans l'égalité de tous les hommes, leur tolérance, leur rejet de toute autorité spirituelle. Beaucoup sont imprégnés de l'idée de prédestination et, « saints en marche », tirent de leur foi la conviction qu'ils portent un message divin. Les plus représentatifs sont Richard Overton, un imprimeur, l'un des plus « radicaux », peut-être tenté de déborder du politique et du religieux vers le social ; William Walwyn, marchand londonien aisé et qu'on a pu comparer à Lamennais, dont il précède largement l'espoir d'un christianisme appliqué ; et surtout John Lilburne, un temps colonel de l'armée de Cromwell, une des grandes victimes de l'intolérance prérévolutionnaire, auteur de vigoureux pamphlets en même temps que redoutable organisateur. Leurs disciples sont surtout recrutés dans les villes, dans un petit peuple dont la Révolution française fera les sans-culottes. Ils auraient représenté vers 1649 un bon quart des Anglais et un cinquième des Londoniens. Et, plus important sans doute, le message a été abondamment propagé dans l'armée du Nouveau Modèle, il est l'évangile de nombre de conseils d'officiers et de soldats et très particulièrement des porte-parole (ou agitators) sortis du rang pour siéger dans de véritables soviets militaires hiérarchisés. Tous lisent ou commentent tracts et brochures répandus par milliers (de titres) et qu'un libraire de l'époque a su rassembler (ils constituent aujourd'hui la collection Thomason de la British Library).
© Encyclopædia Universalis 2004, tous droits réservés)
Les niveleurs authentiques ont souvent eu une origine baptiste : soucieux de rapprocher le règne de Dieu ici-bas, ils se muent en activistes révolutionnaires, transposent dans le politique le message religieux de leur secte, leur foi dans l'égalité de tous les hommes, leur tolérance, leur rejet de toute autorité spirituelle. Beaucoup sont imprégnés de l'idée de prédestination et, « saints en marche », tirent de leur foi la conviction qu'ils portent un message divin. Les plus représentatifs sont Richard Overton, un imprimeur, l'un des plus « radicaux », peut-être tenté de déborder du politique et du religieux vers le social ; William Walwyn, marchand londonien aisé et qu'on a pu comparer à Lamennais, dont il précède largement l'espoir d'un christianisme appliqué ; et surtout John Lilburne, un temps colonel de l'armée de Cromwell, une des grandes victimes de l'intolérance prérévolutionnaire, auteur de vigoureux pamphlets en même temps que redoutable organisateur. Leurs disciples sont surtout recrutés dans les villes, dans un petit peuple dont la Révolution française fera les sans-culottes. Ils auraient représenté vers 1649 un bon quart des Anglais et un cinquième des Londoniens. Et, plus important sans doute, le message a été abondamment propagé dans l'armée du Nouveau Modèle, il est l'évangile de nombre de conseils d'officiers et de soldats et très particulièrement des porte-parole (ou agitators) sortis du rang pour siéger dans de véritables soviets militaires hiérarchisés. Tous lisent ou commentent tracts et brochures répandus par milliers (de titres) et qu'un libraire de l'époque a su rassembler (ils constituent aujourd'hui la collection Thomason de la British Library).
© Encyclopædia Universalis 2004, tous droits réservés)
C’est cette difficulté
centrale de sa théorie quant aux rapports entre la politique et l’économie
libérale qui a probablement amené A. Smith a renoncer à publier sa théorie
politique et, selon certains témoignages, lui aurait fait détruire les
documents dans lesquels il en aurait écrit les prémisses.
3) Démocratie politique
et libéralisme économique
Spinoza disait déjà que
si les individus étaient spontanément toujours raisonnables dans toutes leurs
actions, il n’y aurait besoin ni d’état, ni de politique, ni, ajouterais-je,
d’éducation. L’expérience le démontre tous les jours dans la vie
économique , contrairement à la position confiance naïve voire aveugle, et
il n’ y a pas de pire aveugle que celui qui ne veut pas voir, dans le
puissance autorégulatrice automatique du marché (main invisible) : sans
droit commercial pas de commerce honnête; sans loi contre les monopoles,
pas de libre concurrence ; sans droit sociaux, pas de réduction des
inégalités et de l’exploitation de l’homme par l’homme, voire pas de
salariat , car l’esclavage s’imposerait comme la forme la plus sûre et la
plus immédiatement rentable de faire du profit à court terme. Après tout disait
Keynes à long terme nous serons tous morts ; autant alors en profiter ici
et maintenant…Pourquoi alors choisir une problématiquement rentable à long
terme, alors que la concurrence joue dans l’instant même de l’échange marchand?
3-1 De l'utilitarisme
éthique
C’est justement
cette difficulté que John Stuart Mill saisit pour tenter de la dépasser :
comment construire une société libérale, dans laquelle chacun poursuit son
bonheur et qui soit en même temps telle pour tous sans contradiction, ni
conflit irréductibles. Ce qui est en effet utile aux uns ne l’est pas pour les
autres et nous savons bien que le bonheur des uns ne fait pas nécessairement
celui des autres.
3-1-1 Les difficultés de l'utilitarisme de Bentham
Les utilitaristes comme Bentham , lequel a été un des maîtres avec Auguste Comte de notre auteur, pensaient qu’il suffisaient alors de soumettre le bonheur de chacun à celui du plus grand nombre et aux devoirs qu’il impose pour résoudre cette difficulté, mais cela supposait une double condition :
- Que les plaisirs qui font le bonheur de chacun soient homogènes (comparables et mesurables) et donc arithmétiquement calculables, ce qui permettrait, par simple sommation des plaisirs et bonheurs des uns et des autres, après enquête de satisfaction comme on dit aujourd’hui, de passer du bonheur de chacun au bien être majoritaire ou général.
- Que chacun soit dans le camps majoritaire, au point que, si ce n’était pas le cas, son sacrifice éventuel devienne justifié par la poursuite du bonheur de la majorité ; mais alors cela exigeait de mettre en cause la liberté individuelle comme telle au profit d’un conformisme obligatoire, c’est à dire de la soumission inconditionnelle à la majorité et aux habitudes et aux mœurs que celle-ci impose.
Mais ces deux conditions sont contestables: les plaisirs individuels ne sont pas nécessairement composables ; on ne peut, en effet, en faire la sommation, car ils ne sont pas compossibles entre eux chez un même individu et encore moins entre les individus. Rien ne permet plus alors de justifier le sacrifice de la liberté individuelle au bien être majoritaire qui n’est qu’une fiction confuse mêlant des formes de bonheurs et de plaisirs hétérogènes et souvent contradictoires entre eux et on ne peut décider d’une satisfaction globale plus ou moins importante hormis le seul critère de la survie et/ou de l’enrichissement financier comme seule types de finalités comptables et rationnelles. Or le rapport de ces finalités au bonheur général lequel suppose une certaine égalité des conditions et comme vécu qualitatif est pour le moins problématique. De plus cette position repose sur le paradoxe qu’il y aurait un bonheur général, mais non pas unanime, possible, qui transcenderait les bonheurs individuels minoritaires et pourrait éventuellement s’imposer contre eux, aux dépens par conséquent de la liberté individuelle. Chacun serait en effet appelé, pour le bonheur de la communauté dont il fait partie, soit à s’engager à suivre la voie des autres, soit à renoncer au droit au bonheur personnel dès lors qu’il ne conviendrait pas à la majorité (position du père de notre auteur). Ce qui supposerait que chacun devrait accepter d’être surveillé en permanence dans sa vie personnelle par les autres pour que sa soumission soit validée, reconnue et récompensée. On trouve dans la société américaine, animée de valeurs égalitaires et démocratiques, observait déjà Tocqueville, cette tentation absurde de faire de la liberté individuelle et de son usage l’enjeu d’une surveillance religieuse ou morale, qui dénie non seulement l’autonomie personnelle dans la recherche du bonheur, mais même la liberté de conscience et celle d’exprimer des idées différentes des lieux communs et préjugés dominants. Ce que cet auteur appelait la « douce » tyrannie de la majorité , laquelle est contraire au droit à la recherche de son bonheur propre, inscrit pourtant dans la constitution américaine comme l’expression fondatrice du droit libéral et démocratique. C’est pour tenter de surmonter ces difficultés et ces paradoxes d’un utilitarisme purement quantifiable et au bout du compte liberticide que John Stuart-Mill va développer une nouvelle conception de l’éthique du bonheur, c’est à dire une vision du bonheur qui prennent en compte tout à la fois l’ exigence d’une relation éthique (bien général) aux autres et la liberté individuelle (bien individuel) ; conception elle même susceptible de fonder une économie politique libérale soucieuse de solidarité.
3-1-1 Les difficultés de l'utilitarisme de Bentham
Les utilitaristes comme Bentham , lequel a été un des maîtres avec Auguste Comte de notre auteur, pensaient qu’il suffisaient alors de soumettre le bonheur de chacun à celui du plus grand nombre et aux devoirs qu’il impose pour résoudre cette difficulté, mais cela supposait une double condition :
- Que les plaisirs qui font le bonheur de chacun soient homogènes (comparables et mesurables) et donc arithmétiquement calculables, ce qui permettrait, par simple sommation des plaisirs et bonheurs des uns et des autres, après enquête de satisfaction comme on dit aujourd’hui, de passer du bonheur de chacun au bien être majoritaire ou général.
- Que chacun soit dans le camps majoritaire, au point que, si ce n’était pas le cas, son sacrifice éventuel devienne justifié par la poursuite du bonheur de la majorité ; mais alors cela exigeait de mettre en cause la liberté individuelle comme telle au profit d’un conformisme obligatoire, c’est à dire de la soumission inconditionnelle à la majorité et aux habitudes et aux mœurs que celle-ci impose.
Mais ces deux conditions sont contestables: les plaisirs individuels ne sont pas nécessairement composables ; on ne peut, en effet, en faire la sommation, car ils ne sont pas compossibles entre eux chez un même individu et encore moins entre les individus. Rien ne permet plus alors de justifier le sacrifice de la liberté individuelle au bien être majoritaire qui n’est qu’une fiction confuse mêlant des formes de bonheurs et de plaisirs hétérogènes et souvent contradictoires entre eux et on ne peut décider d’une satisfaction globale plus ou moins importante hormis le seul critère de la survie et/ou de l’enrichissement financier comme seule types de finalités comptables et rationnelles. Or le rapport de ces finalités au bonheur général lequel suppose une certaine égalité des conditions et comme vécu qualitatif est pour le moins problématique. De plus cette position repose sur le paradoxe qu’il y aurait un bonheur général, mais non pas unanime, possible, qui transcenderait les bonheurs individuels minoritaires et pourrait éventuellement s’imposer contre eux, aux dépens par conséquent de la liberté individuelle. Chacun serait en effet appelé, pour le bonheur de la communauté dont il fait partie, soit à s’engager à suivre la voie des autres, soit à renoncer au droit au bonheur personnel dès lors qu’il ne conviendrait pas à la majorité (position du père de notre auteur). Ce qui supposerait que chacun devrait accepter d’être surveillé en permanence dans sa vie personnelle par les autres pour que sa soumission soit validée, reconnue et récompensée. On trouve dans la société américaine, animée de valeurs égalitaires et démocratiques, observait déjà Tocqueville, cette tentation absurde de faire de la liberté individuelle et de son usage l’enjeu d’une surveillance religieuse ou morale, qui dénie non seulement l’autonomie personnelle dans la recherche du bonheur, mais même la liberté de conscience et celle d’exprimer des idées différentes des lieux communs et préjugés dominants. Ce que cet auteur appelait la « douce » tyrannie de la majorité , laquelle est contraire au droit à la recherche de son bonheur propre, inscrit pourtant dans la constitution américaine comme l’expression fondatrice du droit libéral et démocratique. C’est pour tenter de surmonter ces difficultés et ces paradoxes d’un utilitarisme purement quantifiable et au bout du compte liberticide que John Stuart-Mill va développer une nouvelle conception de l’éthique du bonheur, c’est à dire une vision du bonheur qui prennent en compte tout à la fois l’ exigence d’une relation éthique (bien général) aux autres et la liberté individuelle (bien individuel) ; conception elle même susceptible de fonder une économie politique libérale soucieuse de solidarité.
3-1-2 L'utilitarisme de
John Stuart-Mill
"La seule liberté
digne de ce nom, affirme J.Stuart-Mill, est celle de travailler à notre propre
bien de la manière qui nous est propre, pour autant que nous ne cherchions pas
à en priver les autres ou à leur faire obstacle dans leurs efforts pour
l'obtenir." Après avoir précisé auparavant :
"Celui qui laisse le monde ou une partie de celui-ci, choisir le cours et le sens de sa vie à sa place, n'a pas besoin d'autre faculté que celle d'imitation des grands singes."
Telle est la conception libérale radicale, à l’encontre de celle, à ses yeux incohérente de Bentham, de son ex-disciple qu’est J. Stuart-Mill ; mais cette position implique aussi, si l’on veut éviter les difficultés de la position de Bentham qu’il convient de montrer que la finalité éthique fondamentale de chacun est le bonheur général (c’est à dire de tous) ; si le bonheur de chacun réside dans l’expérience personnelle de plaisir et de la cessation de la douleur, les devoirs ne sont, et ne doivent et ne peuvent être, que des moyens subordonnés en vue du maximum de bonheur universel possible, comme partie prenante de son propre bonheur. Bonheur personnel et bonheur général sont selon lui indissociables.
"Celui qui laisse le monde ou une partie de celui-ci, choisir le cours et le sens de sa vie à sa place, n'a pas besoin d'autre faculté que celle d'imitation des grands singes."
Telle est la conception libérale radicale, à l’encontre de celle, à ses yeux incohérente de Bentham, de son ex-disciple qu’est J. Stuart-Mill ; mais cette position implique aussi, si l’on veut éviter les difficultés de la position de Bentham qu’il convient de montrer que la finalité éthique fondamentale de chacun est le bonheur général (c’est à dire de tous) ; si le bonheur de chacun réside dans l’expérience personnelle de plaisir et de la cessation de la douleur, les devoirs ne sont, et ne doivent et ne peuvent être, que des moyens subordonnés en vue du maximum de bonheur universel possible, comme partie prenante de son propre bonheur. Bonheur personnel et bonheur général sont selon lui indissociables.
3-1-3 La question du bonheur chez John Stuart-Mill
Le bonheur général
(universel) est bien comme le pensait Bentham la source ultime de la moralité
et les règles de la recherche du bonheur pour tous celle du droit . Les devoirs
ou impératifs ne valent que comme moyens dérivés nécessaires mais non
suffisants. Une morale du sacrifice de soi est en effet absurde et invivable si
elle prend le sacrifice de son bonheur en vue du bonheur général comme fin en
soi inconditionnelle et salvatrice; elle ne peut valoir comme moralité concrète
et agissante que si elle se donne comme fin le bonheur des autres, en tant
qu’il est une composante et une condition du bonheur personnel. Il n’y a pas de
morale du devoir en soi comme le croyait Kant, car toute action ne peut être
motivée que par le recherche d’une satisfaction ou l’évitement d’une
souffrance, y compris une action morale ; il n’y a qu’une morale du
bonheur qui inclut et subordonne le devoir tout en la fois comme instrument et
comme partie prenante du bonheur personnel.
La politique et l’économie sont des moyens de parvenir aux bonheur général ; il faut en effet distinguer sans les opposer le bonheur individuel et le bonheur général car si celui-ci n’est pas la seule sommation des bonheurs individuels, spontanément apparemment incompatibles, il convient de les rendre compossibles par des lois et règles qui autorise chacun à faire un égal usage de sa liberté sans nuire à celle des autres ; il n’y a du reste pas d’autre limite à la liberté individuelle que celle des autres et c’est pourquoi, dans le cadre des échanges marchands visant la mutualisation des intérêts individuels, il faut du droit économique politiquement discuté et décidé. Ainsi l’obligation de participer au bonheur des autres est seconde par rapport à celle qui nous ordonne d’éviter la violence et de porter atteinte aux droits des autres de rechercher leur propre bonheur, car elle ne constitue qu’un devoir indirect subordonné à la seconde ; une trop grande sollicitude peut, en conduire à la domination des autres, c’est à dire, sur un mode faussement positif, à mettre en cause leur propre initiative en les condamnant à la passivité, en en faisant du pure et simple victimes d’un sort injuste. La maxime libérale ne peut être que « Aide toi et les autres t’aideront à agir plus librement encore ». Mais une difficulté apparente de la position de Mill surgit : Comment, dans sa perspective individualiste passer de la satisfaction personnelle égoïste au désir altruiste en chacun du bonheur général dès lors que celui-ci implique la soumission au devoir de respecter la liberté d’autrui qui peut, semble-t-il, nuire à celle-la ?
La politique et l’économie sont des moyens de parvenir aux bonheur général ; il faut en effet distinguer sans les opposer le bonheur individuel et le bonheur général car si celui-ci n’est pas la seule sommation des bonheurs individuels, spontanément apparemment incompatibles, il convient de les rendre compossibles par des lois et règles qui autorise chacun à faire un égal usage de sa liberté sans nuire à celle des autres ; il n’y a du reste pas d’autre limite à la liberté individuelle que celle des autres et c’est pourquoi, dans le cadre des échanges marchands visant la mutualisation des intérêts individuels, il faut du droit économique politiquement discuté et décidé. Ainsi l’obligation de participer au bonheur des autres est seconde par rapport à celle qui nous ordonne d’éviter la violence et de porter atteinte aux droits des autres de rechercher leur propre bonheur, car elle ne constitue qu’un devoir indirect subordonné à la seconde ; une trop grande sollicitude peut, en conduire à la domination des autres, c’est à dire, sur un mode faussement positif, à mettre en cause leur propre initiative en les condamnant à la passivité, en en faisant du pure et simple victimes d’un sort injuste. La maxime libérale ne peut être que « Aide toi et les autres t’aideront à agir plus librement encore ». Mais une difficulté apparente de la position de Mill surgit : Comment, dans sa perspective individualiste passer de la satisfaction personnelle égoïste au désir altruiste en chacun du bonheur général dès lors que celui-ci implique la soumission au devoir de respecter la liberté d’autrui qui peut, semble-t-il, nuire à celle-la ?
C’est pour répondre à
cette question que Mill fait intervenir une distinction fondamentale entre les
plaisirs immédiats matériels et égoïstes et les plaisirs spirituels qui leur
sont qualitativement supérieurs, à savoir les plaisirs qui sont le fruit
des activités intellectuelles esthétiques et éthiques (altruistes) dans
lesquels chacun même matériellement insatisfait peut être heureux en tant
qu’ils permettent à chacun de se reconnaître dans sa dignité humaine. En quoi
ces derniers sont-ils supérieurs ? en cela qu’ils sont spécifiquement
l’expression de la supériorité spirituelle et sociale des hommes et que chacun
peut éprouver par là qu’il incarne cette valeur et que cette valeur ne dépend
principalement que de lui, par delà les circonstances extérieures. Ainsi nous
dit Mill mieux vaut être Socrate insatisfait (matériellement) qu’un porc
satisfait, car si Socrate est matériellement insatisfait, il est heureux
d’être l’homme valeureux car moral et donc pleinement humain qu’il a été. Donc
pour Mill le bonheur ne recouvre pas tout les plaisirs d’une manière
indistincte et le bonheur ne se mesure pas à la « quantité » de
plaisir mais à sa « qualité » et si les plaisirs matériels et
narcissiques sont souvent nécessaires, ils ne sont pas suffisants car ils
ne valent au mieux que comme moyens du bonheur spirituel; seuls les
plaisirs qui portent une dimension éthique peuvent nous procurer le bonheur
authentique, c’est à dire le sentiment positif de notre pleine humanité.
Mais cela veut-il dire que cette accession au bonheur éthique soit
spontanée ou immédiate?
Certes non, car l’expérience de ce bonheur est une conquête de l’histoire de l’humanité et de l’évolution des sociétés. Le sens du devoir en tant qu’il organise le bonheur altruiste de chacun, mais aussi et surtout en tant qu’il fait partie et devient intégrante du bonheur personnel doit être forgé au feu de l’habitude acquise par l’éducation cognitive et affective dans une société juste et libérale ; qui n’a pas reçu d’éducation libérale ( non religieuse et non-sacrificielle), altruiste et donc heureuse ne peut savoir clairement qu’il existe un bonheur qualitativement supérieur à la seule satisfaction matérielle ou égoïste . D’où la nécessité de penser sur fond de l’analyse des relations sociales existantes et de leur contradictions, les conditions politiques et économiques d’une société à la fois juste et libérale ; libérale parce que juste et juste parce que libérale ; en tant que cette société serait la fin du progrès en vue du plus grand bonheur pour tous, sans distinction entre les sexes et les positions .
Certes non, car l’expérience de ce bonheur est une conquête de l’histoire de l’humanité et de l’évolution des sociétés. Le sens du devoir en tant qu’il organise le bonheur altruiste de chacun, mais aussi et surtout en tant qu’il fait partie et devient intégrante du bonheur personnel doit être forgé au feu de l’habitude acquise par l’éducation cognitive et affective dans une société juste et libérale ; qui n’a pas reçu d’éducation libérale ( non religieuse et non-sacrificielle), altruiste et donc heureuse ne peut savoir clairement qu’il existe un bonheur qualitativement supérieur à la seule satisfaction matérielle ou égoïste . D’où la nécessité de penser sur fond de l’analyse des relations sociales existantes et de leur contradictions, les conditions politiques et économiques d’une société à la fois juste et libérale ; libérale parce que juste et juste parce que libérale ; en tant que cette société serait la fin du progrès en vue du plus grand bonheur pour tous, sans distinction entre les sexes et les positions .
3-2 Libéralisme économique
et justice sociale chez Stuart-Mill
La liberté économique individuelle comme liberté d’entreprendre dans le domaine de la satisfaction de désirs et des besoins est pour Mill le fondement de toute relation de réciprocité positive entre les individus qui ne sont pas liés entre eux par des relations de dépendances particulières permanentes (type allégeances communautaires, amicales, amoureuses ou familiales). L’économie libérale est bien l’ensemble des échanges de biens et de services produits en vue de l’échange marchand qui égalise dans un sens contractuel universel, voire anonyme, c’est à dire volontaire et non contraint, les relations vitales entre les humains : chacun sait mieux que quiconque ce dont il a besoin ou ce qu’il désire et doit seul prendre la décision d’acheter ou non et s’il achète c’est à lui seul de décider qui lui offre les conditions les plus favorables. La liberté d’entreprendre au mieux de ce qui est utile à chacun exige donc bien un choix individuel et qui dit choix dans le domaine économique dit concurrence libre et non faussée; tout corporatisme, en effet, fausse la concurrence et provoque toujours une réduction et/ou captation de l’initiative de chacun en vue de sa satisfaction, laquelle initiative définit sa liberté individuelle, au profit exclusif et/ou dominant de celui qui cherche à vendre. L’échange marchand libéral soumis à la concurrence est donc pour Mill comme pour A.Smith garant de la liberté individuelle universelle car avant que d’être des producteurs spécialisés nous sommes tous des consommateurs. De plus l’échange marchand obéit à la règle donnant /donnant et ce faisant égalise les conditions de l’échange selon un règle simple : À chacun selon ses revenus et, par delà ses revenus, son travail, si l’on admet que les revenus du travail, directs ou sous une forme différée ceux du capital, sont l’expression du travail en tant que seule source de création des richesses . Cette règle de justice distributive automatisée fait que chacun consomme selon son travail et donc que chacun reçoit selon son mérite dans le processus de production et d’échange.
La liberté économique individuelle comme liberté d’entreprendre dans le domaine de la satisfaction de désirs et des besoins est pour Mill le fondement de toute relation de réciprocité positive entre les individus qui ne sont pas liés entre eux par des relations de dépendances particulières permanentes (type allégeances communautaires, amicales, amoureuses ou familiales). L’économie libérale est bien l’ensemble des échanges de biens et de services produits en vue de l’échange marchand qui égalise dans un sens contractuel universel, voire anonyme, c’est à dire volontaire et non contraint, les relations vitales entre les humains : chacun sait mieux que quiconque ce dont il a besoin ou ce qu’il désire et doit seul prendre la décision d’acheter ou non et s’il achète c’est à lui seul de décider qui lui offre les conditions les plus favorables. La liberté d’entreprendre au mieux de ce qui est utile à chacun exige donc bien un choix individuel et qui dit choix dans le domaine économique dit concurrence libre et non faussée; tout corporatisme, en effet, fausse la concurrence et provoque toujours une réduction et/ou captation de l’initiative de chacun en vue de sa satisfaction, laquelle initiative définit sa liberté individuelle, au profit exclusif et/ou dominant de celui qui cherche à vendre. L’échange marchand libéral soumis à la concurrence est donc pour Mill comme pour A.Smith garant de la liberté individuelle universelle car avant que d’être des producteurs spécialisés nous sommes tous des consommateurs. De plus l’échange marchand obéit à la règle donnant /donnant et ce faisant égalise les conditions de l’échange selon un règle simple : À chacun selon ses revenus et, par delà ses revenus, son travail, si l’on admet que les revenus du travail, directs ou sous une forme différée ceux du capital, sont l’expression du travail en tant que seule source de création des richesses . Cette règle de justice distributive automatisée fait que chacun consomme selon son travail et donc que chacun reçoit selon son mérite dans le processus de production et d’échange.
Mais à la différence de
Smith, Mill ne pense pas que le développement à l’infini des échanges marchands
puissent se faire sans déséquilibre entre les ressources et les besoins ou
désirs, dès lors que ceux-ci croissent plus que les premiers et cela pour deux
motifs : l’excès illimité des désirs au delà des besoins chez les plus
riches et l’accroissement de la population mondiale de plus en plus intégrée
aux échanges marchands et à l’économie du désir sans limite. Le progrès ne peut
que déplacer, en le masquant, le moment où les ressources seront épuisées. La
rareté s’imposera alors comme un facteur croissant d’inégalité entre les riches
et les pauvres, d’autant plus que ceux-là bénéficieront d’un avantage
décisif du fait de l’héritage et de la propriété du sol et cela dès la naissance. L’équilibre entre l’offre et la demande se fera au profit de
la demande solvable et aux dépens des besoins des plus pauvres de plus en
plus insolvables; les inégalités seront telles qu’aucun progrès économique
envisageable ne pourra les réduire sauf à envisager l’arrêt autoritaire
de la croissance démographique et le réduction des inégalités dans l’accès aux
ressources par la loi et la redistribution par l’impôt. Les riches sauront
profiter de la pauvreté croissante des pauvres pour leur imposer une réduction
des salaires en vue de continuer à satisfaire leurs désirs sans limite aux
dépens de la satisfaction des besoins de ces derniers , c’est à dire de leur
espérance de survie. Ainsi le progrès infini du capital et des richesses en
terme de bénéfices pour ceux qui en disposent déjà n’est pas un critère de
réussite pour les pays les plus avancés dès lors que s’aggravent les
inégalités ; de plus selon Mill l’état stationnaire des richesses et de la
population ne serait pas une catastrophe pour un pays très
développé mais au contraire la condition d’un véritable progrès de civilisation
dans le sens d’une spiritualisation de la vie sociale qui passerait par
l’utilisation des techniques dans le but de réduire le temps de travail
contraint au profit du temps de la relation libre et désintéressé aux autres et
de la contemplation de la nature qui ne serait alors plus seulement considérée
comme réservoir de matière première exploitables en vue de la production et du
profit, mais comme une source illimitée d’émotions esthétiques, ce qui suppose
que cette liberté passe aussi et peut-être surtout par la solitude, c’est à
dire le retrait par rapport aux obligations sociales et économiques. Le
bonheur, pour Mill, n ‘est pas, nous l’avons vu en effet, dans la quantité
de biens matériels accumulés ou consommés ou des richesses acquises mais dans
la qualité de la vie, des relations aux autres, à la nature et à soi.
Ainsi limiter les
naissances en vue du seul renouvellement de la population, limiter l’héritage à
ce qui peut rendre chacun indépendant, redistribuer les richesses, limiter le
temps de travail et la production, développer les moyens de formation personnelle
et l’éducation des citoyens, sont pour Mill les conditions d’un progrès de la
société lequel implique à terme l’arrêt de la progression illimitée dans
production des richesses matérielles en vue d’atteindre ce qu’il appelle
l’état stationnaire et équilibré qu’il souhaite pour assurer les conditions de
l’existence harmonieuse de l’espèce humaine. La justice sociale implique donc
pour lui non pas moins de liberté personnelle mais plus, c’est à dire plus de
temps libre pour soi, tant il est vrai que l’économie reste le domaine de la
nécessité et que le développement infini des richesses produit des
inégalités que la croissance économique, loin de réduire, accroît; d’où la
nécessité de mettre au service de la liberté de tous, par la loi, l’économie
libérale et qui ne peut être telle que par cette subordination au but final de
l’état stationnaire et de l’égalité sociale. Le justice n’est pas pour lui le
résultat d’un processus mécanique mais l’expression d’un programme politique
qui doit orienter la société et l’économie libérale vers cet état final. La
justice présuppose le libéralisme économique mis au service d’une société
régulée par le droit en vue du bonheur universel des individus. Le libéralisme
économique doit être subordonné au libéralisme éthique, c’est à dire à la
recherche du bonheur général, qui est un devoir politique dans le mesure où il
est un droit universel. C’est dire que les droits individuels et les droits
sociaux, pour Mill sont indissociables, dès lors qu’il s’agit de réduire, voire
d’abolir, les inégalités que génèrent en permanence le libéralisme
économique lequel, s’il n’est pas politiquement régulé, se transforme
nécessairement en dictature anti-libérale du capital sur le travail et
des entrepreneurs (ou mieux des investisseurs) sur les consommateurs. Il
est indispensable de limiter la liberté des riches et des puissants afin que
tous aient non seulement en théorie mais en réalité les même droits.
« Ce qui vaut,
écrit-il, pour un pays arriéré ne vaut pas pour un pays avancé. Ce qui est
économiquement nécessaire en ce cas est une meilleure distribution, dont le
moyen nécessaire est une contrainte plus stricte sur la population. La mise à niveau plus ou
moins juste des positions sociales, ne peut pas s’accomplir par les seuls
moyens de l’accroissement de la production et de l’accumulation ; ils
peuvent abaisser les hauteurs de la société, mais ils ne peuvent pas,
d’eux-mêmes, de manière permanente faire progresser le sort du plus grand
nombre qui se trouvent plus bas. D’autre part, nous pouvons supposer que cette
meilleure distribution de propriété peut être atteinte par l’effet commun de la
prudence, de la frugalité des individus et par un système de législation
favorisant l’égalité des fortunes, dans la mesure où est juste la revendication
permanente de chaque individu de participer aux fruit, grand ou petit, de
sa propre industrie. Nous pouvons supposer, par exemple (selon la suggestion
jetée dans un chapitre précédent) que les cadeaux transmis par héritage
aient la quantité suffisante pour constituer une indépendance modérée.
Sous cette influence double, la société exhiberait ces principaux dispositifs :
un corps bien-payé et riche des travailleurs ; aucunes énormes fortunes,
excepté ce qui ont été gagnés et accumulés pendant une vie simple ; mais un
corps beaucoup plus grand des personnes qu’exemptent actuellement, non
seulement des travaux durs et brutaux, mais avec des loisirs suffisants,
physiques et mentaux, des moyens pour cultiver librement les grâces de la vie,
et que les classes moins favorisées se permettent de suivre l’exemple des
plus favorisés pour leur croissance. Cet état de la société, tellement
préférable au présent, est non seulement parfaitement compatible avec l’état
stationnaire, mais, il semblerait, plus naturellement lui être lié
que tout autre.
Il y aurait autant de place que jamais pour toutes sortes de culture de l’esprit, et de progrès moral et social et autant de moyens d’améliorer l’art de la vie, et beaucoup plus de probabilité d’y parvenir, quand des esprits aurons cessé d’être dirigés par l’art d’obtenir toujours plus. Même les arts industriels pourraient être sincèrement et avec succès cultivés, avec cette différence unique, qu’au lieu de n’atteindre aucun autre objectif que l’augmentation de la richesse, les améliorations industrielles produirait leur effet légitime qui est d’abréger le travail » (voir texte en annexe)
Il y aurait autant de place que jamais pour toutes sortes de culture de l’esprit, et de progrès moral et social et autant de moyens d’améliorer l’art de la vie, et beaucoup plus de probabilité d’y parvenir, quand des esprits aurons cessé d’être dirigés par l’art d’obtenir toujours plus. Même les arts industriels pourraient être sincèrement et avec succès cultivés, avec cette différence unique, qu’au lieu de n’atteindre aucun autre objectif que l’augmentation de la richesse, les améliorations industrielles produirait leur effet légitime qui est d’abréger le travail » (voir texte en annexe)
Ainsi, pour cet auteur,
dans une société libérale, les droits individuels, sont indissociables des
droits sociaux, et le fonctionnement de l’économie libérale, qui n’est pas
automatiquement équilibré et juste doit être politiquement orienté dans le sens
d’une plus raisonnable production des richesse et une meilleure d’utilisation
des ressources afin que les richesses profitent à tous et que chacun puisse
développer ses capacités spirituelles en autonomisant le plus possible sa vie
par rapport aux contraintes du processus de production. Cette Autonomie, elle
même, est rendue possible par le développement des sciences et des
techniques et rendu nécessaire par le risque de l’épuisement des ressources. Il
ouvre en cela le grand débat entre ce que l’on appelle l’ultra-libéralisme et
le social libéralisme écologique qui reste pour le moins d’actualité .
Réponse à une objection
contre A. Smith
"La fameuse
"main invisible du marché" d’Adam Smith est une escroquerie
intellectuelle, qui servait à l’époque de Smith, non pas à l’avancée de la
science économique et de la science, mais à la domination de l’empire
britanique sur toutes les autres nations."
Cette affirmation est
erronée: ceux qui préconisaient la domination des intérêts britaniques étaient
les plus grands adversaires théoriques de Smith, à savoir les mercantilistes
qui voulaient à la fois l’impérialisme à l’extérieur et le protectionisme à
l’intérieur, dans un but d’enrichissement exclusif des commerçants impériaux et
colonialistes britaniques. Smith pensait qu’un autre usage du colonialisme plus
équitable, grace au libre échange, était théoriquement possible, dès lors que
ce dernier permettrait le développement des pays les plus pauvres en prenant en
compte leur avantages compétitifs (ex: coût de la force de travail, des
matières premieres et des produits agricoles etc..). Ce qui en réalité est tout
à fait problématique, voire utopique, car les rapports de forces étaient tels
que cet équilibrage automatique était pratiquement impossible par le fait même
de la domination coloniale. Il y a là une limite majeure de la position de
Smith: il ne fait pas la théorie politique de sa théorie éthique et économique;
il semble qu’il y ait renoncé face à la mise en cause (et à la contradiction
entre) de l’idéal du marché auto-régulateur par la réalité politique. Il ne
voit pas comment on peut réduire le poids de la politique impérialiste et
mercantiliste (et du capitaliste sauvage soutenue par l’état dont il voit très
bien les conséquences en terme d’exploitation, analyses avortées qui seront
reprise par Marx dans le sens que l’on sait).
C’est là qu’il convient
de mesurer l’écart entre un modèle théorique et la réalité économique et
introduire dans l’examen réel du fonctionnement de l’économie des
considérations politiques et humaines non-économiques. Lire à ce sujet A. SEN
(voir plus loin
Introduction:
Je voudrais d’abord
signaler une équivoque concernant le terme de libéralisme pour la lever :
chez nous le mot, sous l’expression de néo-libéralisme, est synonyme de
capitalisme sauvage et de la liberté d’entreprendre des seuls détenteurs des
capitaux aux dépens des salariés, alors qu’aux USA le terme est connoté à
gauche ; il désigne le courant culturel et politique qui fait de progrès
social et des libertés concernant les mœurs et les opinions la conditions de la
liberté individuelle. Or, si on se rapporte à l’origine philosophique du terme
c’est à l’évidence le sens nord américain qui s’impose car le libéralisme est
une invention des Lumières contre les formes conservatrices
traditionnelles-religieuses et inégalitaires du pouvoir sociétal pour promouvoir
le progrès politique, social et culturel pour tous. Ma thèse sera ici de
montrer en quoi cette équivoque procède d’un véritable détournement de sens
visant à présenter les progressistes comme des ennemis de la liberté, comme des
anti-libéraux, sinon des totalitaires voulant asservir les individus à la toute
puissance de l’état ; ce détournement vise à faire consentir le plus grand
nombre aux mesures les plus anti-sociales d’un capitalisme dérégulé
Mais ce détournement est
pire encore dans ses effets politiques lorsque les progressistes le reprennent
à leur compte pour dénoncer le libéralisme en général en oubliant son sens
authentique. Le but de mes interventions sera donc de rétablir ce sens
originaire afin de redonner au libéralisme ses lettres de noblesse le, d’autre
part pour nous interroger ensuite sur le rôle de l’état dans la mise en œuvre
d’une authentique égalité ou justice libérale, si cette notion a un sens, entre
les individus.
2) Libéralisme et
Concurrence
De la liberté naturelle
à la liberté civile par la médiation du marché
2-1 Du libéralisme
paradoxal ou inconséquent
Les positions de Hobbes
et de Rousseau sont du point de vue libéral paradoxales.
Dans la première (Hobbes), Le souverain absolu est et reste un homme passionné. De plus il est spontanément moins raisonnable que les autres car l’absoluité de son pouvoir même limite sa capacité à avoir peur des autres, seule condition pourprogressistes et d’opposer au pseudo-libéralisme, non un anti-libéralisme politiquement dommageable (tous les totalitarismes se sont réclamés de l’anti-libéralisme), mais un authentique libéralisme au sens progressiste et social du terme, en montrant en quoi ce détournement est philosophiquement fallacieux et politiquement dangereux.
Dans la première (Hobbes), Le souverain absolu est et reste un homme passionné. De plus il est spontanément moins raisonnable que les autres car l’absoluité de son pouvoir même limite sa capacité à avoir peur des autres, seule condition pourprogressistes et d’opposer au pseudo-libéralisme, non un anti-libéralisme politiquement dommageable (tous les totalitarismes se sont réclamés de l’anti-libéralisme), mais un authentique libéralisme au sens progressiste et social du terme, en montrant en quoi ce détournement est philosophiquement fallacieux et politiquement dangereux.
Le libéralisme
philosophique apparaît au XVII et XVIII ème comme une rupture radicale
avec la vision chrétienne traditionnelle idéale de l’homme social: là ou
celle-ci pense la sociabilité idéale (bonne et juste pour tous), comme fondée
sur un altruisme plus ou moins sacrificiel de soi aux autres, à l’ordre
hiérarchique divin, au seigneur, au roi et à Dieu, celui-la pense la
société comme un agrégat d’individus-propriétaires de leur corps, de leur
esprit et de leur biens, égaux entre eux en droit sinon en fait, dont il faut
défendre l’autonomie vis-à-vis des puissances politiques et religieuses et
poursuivant leur intérêt propre, qu’ils savent mieux définir que quiconque,
dans le cadre de relations d’échange soumise au seul principe régulateur
de réciprocité donnant/donnant. Tout pouvoir collectif ne peux valoir
comme légitime (juste et consenti) qu’en vue de définir, de préserver et de
garantir leur droit à faire valoir leurs intérêts personnels, dès lors que
ceux-ci sont rendus également compatibles par la loi avec ceux des autres,
contre qui et en particulier les puissants, fussent les gouvernants, pourraient
utiliser leur pouvoir pour les soumettre à leur domination, les voler ou les
détruire. Ni Dieu ni maître absolus (sauf pour Hobbes, cas charnière paradoxal,
nous y reviendrons) ne peuvent et ne doivent faire que les individus se plient
sans conditions à leur volonté ou désir. Chacun ne doit travailler au service
d’un autre que si celui-ci en fait autant dans le cadre d’un contrat
négociable garanti par la puissance publique. Pas d’allégeance
personnelle, chacun ne s’appartient qu’à lui-même. Toute puissance extérieure,
qui ne serait pas approuvée et donc déléguée, est illégitime dès lors qu’elle
n’est pas une puissance bénéfique aux intérêts mutuels, et non pas communs, de
chacun. L’intérêt est, en effet, tout ce qui contribue à la mise en œuvre du
droit bonheur ici-bas de chacun et non pas au prétendu bonheur collectif de
tous qui ne peut être qu’une fiction absurde.
Ainsi cette liberté
individuelle, spontanée, voire naturelle, nous y reviendrons, est de fait
ego-centrée, voire égoïste ; chacun est à lui-même sa propre fin et fait
des autres, dans le meilleur des cas un moyen, et dans le pire un
obstacle-concurrent à écarter, sinon à détruire. Elle implique la capacité reconnue
d’entreprendre sans se soucier des intérêts des autres, à l’exception
éventuelle de ses proches, sinon à ne les considérer que pour se satisfaire
soi-même. Plus de fidélité ou d’attachement durables, de soumission à un ordre
social immuable, et encore moins transcendant. L’égoïsme est inscrit dans la
nature passionnelle des hommes et ce que le christianisme voyait comme un péché
originel est un état nécessairement indépassable pour l’immense majorité des
individus. Loin de prétendre les transformer, ce qui est impossible sans les
terroriser, il faut donc les mettre en condition de satisfaire leur égoïsme
sans nuire aux autres. Les saints, s’ils existent, sont au delà de l’humaine
condition et une société de saints serait proprement inhumaine. L’idéal de sainteté
est, pour l’immense majorité, irréaliste et, de fait, ne peut qu’encourager
l’hypocrisie et inciter à la haine violente de soi et des autres.
Mais chacun sait,
les libéraux en premiers, que la liberté individuelle comme fondement du droit,
plus encore lorsqu’elle s’exprime d’une manière privilégiée dans le droit de
propriété privée des biens de production et d’échange, n’implique qu’une
égalité formelle et non pas une égalité sociale ou réelle et que cette
inégalité réelle risque de compromettre à son tour l’égalité des droits et en
particulier celle des chances, pourtant considérée par les libéraux comme
indispensable à la société libérale qu’ils appellent de leur vœux , c’est
à dire à une société qui accorde à chacun le même droit au bonheur et à la
réussite. Pensons à l’héritage économique et culturel : celui-ci ne
tarde pas à introduire des différences en terme de chances et de
handicaps dans la concurrence pour la réussite et l’accès au bonheur. La
liberté définie comme la capacité d’agir par pour soi au mieux de ses intérêts
est alors dépendante du pouvoir social, des moyens de les obtenir et des
ressources au départ inégales que chacun a à sa disposition pour le conquérir.
Un société vraiment libérale abolirait l’héritage, mais du même coup prendrait
le risque de se mettre en contradiction avec la motivation principale qu’elle
reconnaît aux individus, à savoir : agir pour le plus grand profit
possible pour soi-même et ceux qui seront nos héritiers. Que ce passerait-il en
effet si les individus ne visaient qu’à satisfaire leurs seuls intérêts, sans
autre perspective que leur fin de vie ? En vieillissant ils se
détourneraient de toute initiative d’enrichissement productif pour ne plus
songer qu’à dilapider leurs biens, selon la formule :
« Après nous le déluge ».
Cette réelle inégalité
des chances risque alors de reproduire une société de castes de fait et cela
sans aucune justification religieuse ou de mérite aux yeux de ses victimes et
devient donc illégitime et contestable au point d’être nécessairement ressentie
comme injuste par ceux qui ne bénéficient pas de conditions suffisantes pour
faire valoir leur droit, en droit identique, de s’enrichir. Et cela d’autant
plus que, sous la forme du salariat, est réintroduite dans les faits la dictature
des possédants sur les dépossédés qui doivent vendre leur force de travail pour
vivre et se reproduire. Le libéralisme, sous la forme du capitalisme,
apparaît engendrer l’injustice comme les nuées engendre l’orage et cette
injustice à son tour compromet la liberté du plus grand nombre qu’il prétend
défendre. La légitimité du pouvoir capital et de la propriété privée des biens
sociaux que sont les biens de production et d’échange est radicalement
compromise par son incapacité à se transformer en valeur valant pour chacun,
car son universalité théorique (tout le monde peut devenir capitaliste ou
propriétaire) alors apparaît pratiquement comme une mystification au service
des seuls intérêts des possédants dans l’exploitation « légalisée » qu’elle
autorise et garantit de la force de travail. Le capitalisme se retourne contre
le libéralisme dont il s’efforce sans succès d’exploiter le prestige sous la
forme de l’apparente valeur de la liberté universelle (pour tous sans
contradiction).
Si, comme il a été démontré
historiquement, aucune société ne peut être à la fois libérale et
réellement égalitaire et que néanmoins une société libérale ne peut se
dispenser de se soucier de justice sans prendre le risque de la violence
sociale, peut-on sinon résoudre, du moins traiter cette contradiction pour en
réduire les effets potentiels de violence et de domination? Peut-on, sans
sortir du libéralisme théorique, penser une société plus juste dans les
faits et sinon égalitaire du moins inégalitaire et qui serait libérale ?
Si non pourquoi et si oui à quelles conditions et dans quelle limites ?
1) Libéralisme politique et droit naturel
Pour comprendre le
libéralisme il faut d’abord comprendre qu’à la fois il vient de la
conception chrétienne traditionnelle de la liberté et qu’il la refuse.
1-1 Le liberté au sens
traditionnel chrétien.
Les sociétés
théocratiques ou fondées sur la référence à une puissante divine transcendante,
ne reconnaissent, au mieux, la liberté que comme capacité à choisir entre le
bien exigé par Dieu et le mal dont une des sources réside dans la corps et les
passions humaines, particulièrement, dans le désir égoïste illimité de
possession et de jouissance sensible et sensuelle et la vanité ou l’orgueil..
Ce désir est naturel mais il est aussi source de conflit et de guerre
permanente et de violence indifférenciée de tous conte tous (Hobbes); Les
hommes ne peuvent vivre sans s’entredétruire qu’en se soumettant volontairement
et sous la menace de sanction post-mortem, à la volonté divine inscrite dans
des textes sacrés et relayée par l’autorité, morale et politique , des prêtres
et des princes investis de la puissance divine. Pour les chrétiens le péché
originel réside d’un part dans la nature corporelle et désirante de
l’homme (la chair) et d’autre part dans le choix du mal humain (la chair)
contre le bien divin (l’esprit ou amour de Dieu). La liberté est donc
ambivalente, elle est à la fois puissance du mal et du bien. Aussi doit-elle
être encadrée par la puissance ecclésiale et politique-spirituelle pour être
orientée au bien. Il convient toujours, et ce si possible dès l’enfance, de
forcer les hommes à être libres en vue du bien, c’est à dire à faire le choix,
à la fois contraint et consenti en vue du salut, de Dieu, du surnaturel,
de l’au-delà paradisiaque de la mort, contre la mal naturel. Alors les
hommes seront sauvés grâce à Dieu et contre la partie désirante d’eux-mêmes. Si
la liberté est naturelle, inscrite dans la nature de l’homme, elle ne peut
spontanément s’exprimer que sous la contrainte salvatrice consentie,
indissociable de la foi religieuse. Les droits de l’homme se confondent alors
avec le droit divin à exercer sa grâce et sa puissance contre sa nature
peccable condition du plein exercice du bon usage de son entière liberté de
choix.
Or cette vision
chrétienne traditionnelle de la liberté suppose un monde hiérarchique stable
ordonné par les puissances spirituelles (l’église et la pape) et temporelle (le
monarque de droit divin) plus ou moins réconciliées par la soumission du second
au premier. Lequel ordre exclut nécessairement la pluralisme des croyances et
des valeurs, qui dans un contexte fortement théocratique, met en péril l’unité
politique et sociale des royaumes, voire la paix civile sous la formes de
guerre de religions ; guerres par nature hyperviolentes et
interminables car s’auto-justifiant indéfiniment de l’autorité divine absolue
contre les mécréants et les hérétiques et les autres confessions désignées
comme le mal radical avec qui aucun compromis n’est permis et donc possible,
tout au moins en interne. De plus cette vision est incompatible avec le
développement des relations marchandes comme modèle général des relations
humaines qui opèrent sur une base non–hiérarchique égalitaire et contractuelle
donc volontaire : celle du donnant/donnant entre valeurs équivalentes
exprimables sous une forme monétaire abstraite en vue de la satisfaction des
désirs matériels mais toujours aussi symboliques et culturels mutuels d’
individus libres de les manifester sans aucune restriction morale et/ou
promesses sacrificielles en vue du salut : dans la relation marchande la
libre concurrence permet à chacun de choisir à chaque instant la relation à qui
lui propose le meilleur produit au meilleur coût du seul point de vue de ce
qu’il estime sont intérêt personnel égoïste qui peut inclure, mais pas
nécessairement, ses proches, mais exclu les autres en général. L’intérêt privé
est affirmé sans souci d’un intérêt général quelconque, sauf sous la forme
d’une agrégation strictement descriptive et arithmétique et non pas normative
des intérêts individuels : les tendances du marché. La société tend à
devenir une société de marché sans interdit moral transcendant vis-à-vis de
l’affirmation du désir de jouir de ses biens et de s’enrichir ici-bas et, plus
largement de sa libération des carcans traditionnels religieux opérant au nom
d’un bien supérieur antagoniste . Entre dieu et l’argent, il faut choisir
(Mathieu). Et ceux qui ont de l’argent et qui se livre au commerce, y
compris de la monnaie, dans le but d’en avoir toujours davantage, feront
toujours passer leur intérêts terrestres avant la nécessité de la charité quant
ils ne feront pas de celle-ci un paravent de leur avidité. Enfin cette vision
chrétienne traditionnelle qui interdit ou fait obstacle à toute remise en
question des savoirs et des techniques qui désenchanteraient la vision
religieuse et finaliste, sinon fataliste, du monde, désenchantement dont
pourtant la développement de la société marchande a nécessairement besoin.
Seuls ceux, certains néo-calvinistes anglo-saxons, qui verront dans
la réussite économique et la richesse capitalistique le signe d’une élection
divine due à des capacités morales paradoxalement hautement puritaines (au
moins en apparence) tenteront outre-atlantique de récuser hypocritement,
consciemment ou non, un tel choix et feront des inégalités entre riches
et pauvres l’expression d’un inégal mérite moral fondé en religion. Sans grand
succès dans les pays catholiques ou luthériens. Le dollar deviendra pour les
USA, comme vous le savez, l’expression même de la vérité divine. Ce qui
continuera à nous choquer comme nous choque aujourd’hui certains aspects de la
politique états-unienne qui mêle sans vergogne la religion à
l’argumentation politique et la guerre pour le pétrole au combat pour la
démocratie et contre l’axe du mal.
Pour se sortir de la
guerre de religion permanente en Europe la tradition chrétienne a d’abord tenté
le fameux principe de compromis « un prince, une religion » ; or
ce principe aboutissait, sur fond de crise religieuse et de la foi du au
développement des sciences et du commerce, à expulser hors de France au profit
de la Prusse, par exemple, les protestants les plus dynamiques pour le
développement économique et à continuer à pratiquer l’intolérance d’état à
l’intérieur. L’échec était alors patent : on ne pouvait concilier liberté
chrétienne d’un côté et liberté de conscience et économique de l’autre. Le
modèle théocratique et hiérarchique/monarchique du pouvoir ne pouvait plus
fonctionner, c’est à dire ne pouvait plus garantir la sécurité et la paix dans
la justice vécue. Sa légalité s’imposera progressivement comme illégitime
et tyrannique au regard et au profit des droits dits naturels des hommes par
opposition aux devoirs et droits divins et cela d’autant plus que les guerres
politico-religieuses incessantes ruinaient leurs espoirs de s’enrichir, voire
de survivre.
Dans ces conditions
l’idée de liberté est libérée de la soumission, de moins en moins
consentie, à Dieu et à une morale extérieure, voire contraire, au désir humain,
c’est à dire au « devoir par devoir » selon la formule de Kant, et
tend à se confondre avec le droit de chacun, défini comme naturel, de
rechercher son propre bonheur ici-bas.
1-2
La liberté comme droit naturel
Parler de droit naturel au bonheur, c’est à dire à la réalisation de son désir
spontané indissociablement d’être et d’avoir dans le monde, c’est inscrire la
liberté dans l’immanence de notre nature désirante. Le droit naturel devient
alors le fondement du droit civil en l’arrachant au droit divin reçu alors
comme un devoir contraignant injustifié, car contraire à la nature sensible de
l’homme. La déclaration d’un droit naturel à la liberté du désir est donc
l’affirmation que les individus n’appartiennent ni à une église, ni à une
société, mais qu’ils s’appartiennent à eux-mêmes et qu’il sont seuls
juges de leurs relations aux autres dans le cadre de contrats
volontaires négociables. Ceci veut dire aussi que les droits de l’homme sont le
fondements des droits du citoyen et non l’inverse . L’idée de droit
naturel à la liberté ou autonomie est donc opposée à celle d’une nature soumise
des hommes à un quelconque ordre transcendant , fusse celui de Dieu ou de
l’état, pour qu’un ordre social soit possible . Mais encore faut-il , pour cela
, définir plus précisément cette nature humaine qui est supposée devoir être
considérée comme libre par et pour elle-même et l’usage social qu’il convient
d’en faire pour éviter l’anomie sociale et la guerre de tous contre tous . En quoi
et pourquoi la nature humaine peut-elle dite libre et devenir le principe
fondamental d’un ordre social juste , au point de considérer comme in-humaines
ou infra-humaines ou pré-humaines toutes les sociétés théocratiques et
holistes traditionnelles et jusqu’à faire de la monarchie de droit divin
absolue et des hiérarchies sacralisées des institutions sociales contre
nature ? Plusieurs positions libérales sont ici possibles et se sont fait
concurrence, jusqu’à marquer encore de nos jours la vie politique. Trois
d’entre elles sont significatives:
- Celle qui fait du droit civil et politique inégalitaire le prolongement apparemment paradoxal du droit naturel égalitaire, et qui légitiment les inégalités sociales et politiques , dès lors qu’elles sont le fruit des talents individuels tels qu’ils s’expriment « justement » dans le jeu de la concurrence ou d’un contrat politique indispensable à l’unité et à la cohésion du corps social.
- Celle qui fait du droit civil formellement mais non réellement égalitaire, le prolongement du droit naturel.
- Et celle qui fait du droit civil un droit construit pour refondre artificiellement un équivalent de l’égale liberté naturelle dans l’état de société en visant à réduire les inégalités qui la traversent.
- Celle qui fait du droit civil et politique inégalitaire le prolongement apparemment paradoxal du droit naturel égalitaire, et qui légitiment les inégalités sociales et politiques , dès lors qu’elles sont le fruit des talents individuels tels qu’ils s’expriment « justement » dans le jeu de la concurrence ou d’un contrat politique indispensable à l’unité et à la cohésion du corps social.
- Celle qui fait du droit civil formellement mais non réellement égalitaire, le prolongement du droit naturel.
- Et celle qui fait du droit civil un droit construit pour refondre artificiellement un équivalent de l’égale liberté naturelle dans l’état de société en visant à réduire les inégalités qui la traversent.
Nous reconnaissons là
les oppositions entre les conceptions de Hobbes, de Locke et de Rousseau qui
sont au cœur de la pensée libérale et continuent en profondeur à
l’animer, mais dont la première et la dernière en sont les bornes
extrêmes ou limites, au point, pour certains, d’en devoir être exclues. Ces
oppositions ne doivent pas nous étonner : elles sont l’expression du
problème majeur de la pensée libérale, à savoir : comment concilier la
liberté individuelle toujours tentée par l’égoïsme avec l’exigence d’un ordre
collectif qui suppose peu ou prou que chacun se soumette à une loi extérieure
contraignante ?
1-3 Les oppositions
internes du libéralisme
La première position
charnière et paradoxale, celle de Hobbes, est moralement pessimiste, mais
socialement optimiste. Pour elle, en l’absence de la contrainte politique, la
nature humaine réside d’abord dans la propension passionnelle des individus à
désirer toujours davantage de biens, à s’affirmer aux yeux des autres, à s’en
faire reconnaître, voire à chercher à leur être supérieur en les dominant pour
pouvoir se juger positivement eux-mêmes. Se comparer pour exister en une
compétition permanente, afin de jouir égoïstement de soi comme valeur, ce que
l’on appelle l’amour propre ou la vanité et l’honneur, serait au fond de la
nature désirante des hommes laquelle les distinguerait des animaux qui eux ne
connaissent que le besoin vital en vue d’obtenir des ressources nécessaire à
leur existence biologique et à leur reproduction. Mais cette égoïsme peut être
socialement régulé par la soumission à l’état absolu de telle sorte qu’il ne
débouche pas sur la violence ou guerre de tous contre tous et grâce au commerce
marchand généralisé et à la pratique du contrat qui fait de la compétition un
jeu pacifique et profitable à tous dès lors que tout perdant peut espérer
devenir dans un domaine ou un autre gagnant un jour s’il travaille pour les
autres avec compétence en vue de satisfaire au mieux ses intérêts propres dans
un cadre concurrentiel et social adéquat qui l’obligera à faire que son
vice privé serve à la vertu publique; nous y reviendrons.
La seconde, celle de Locke, est moralement et
socialement optimiste ; elle considère que la liberté naturelle de chacun
est d’emblée bienveillante aux autres moyennant une révélation religieuse
fondatrice de l’amour universel, soit par l’effet d’un identification spontanée
avec ses semblables, soit par la nécessité d’une coopération indispensable à la
survie de chacun. L’état doit limiter son rôle à garantir la liberté
d’entreprendre naturelle de chacun en se contentant de garantir le droit
de propriété de son corps et de ses biens dans le cadre de la libre concurrence
sans lequel aucune liberté n’est possible ainsi que la tolérance
religieuse indispensable à la cessation de la guerre civile (à
l’exception de l’athéisme et du papisme qui menacent l’unité
bienveillante de tous avec tous )
La troisième, celle de Rousseau est moralement
optimiste et réellement socialement pessimiste, bien que socialement idéalement
optimiste ; elle considère que, dans l’égalité naturelle des
conditions, l’homme est spontanément pacifique et enclin à la sympathie
vis-à-vis de ses semblables , mais que c’est l’état social d’inégalité qui
pervertit son amour de soi et de ses semblables en amour exclusif de soi aux
dépens des autres, en amour égoïste de soi ou amour propre. Il suffirait alors
de restaurer civilement un équivalent de l’égalité naturelle entre les
individus pour que la liberté naturelle se transforme en liberté civile et que
chacun puisse être entièrement libre sans nuire aux autres, tout en coopérant
volontairement en vue de la satisfaction de leur intérêt général commun et de
leurs désirs particuliers mutuels, rendus, par l’égalité des droits et des
conditions, compatibles entre eux.
Dans tous les cas, les individus sont censés devenir
raisonnables dans l’usage qu’ils font de leur liberté désirante, soit par
nécessité intéressée, c’est à dire par calcul de l’intérêt bien compris, soit
par conviction solidaire (sympathie) , mais non pas par l’effet d’un
pouvoir transcendant de menace de type théocratique, mais celui, délégué par
les individus-citoyens, de l’état, sur une très petite minorité qui seraient
assez inconsciente ou perverse pour ne pas comprendre ce qui peut faire son
bonheur et son intérêt véritable, qu’il faudrait alors forcer à être libre dans
son propre intérêt ou qu’il faudrait exclure de la société pour non respect de la
vie et de liberté des autres.
Mais il y a une grande
différence politique, économiques et sociales entre ces trois positions
libérales : dans la première (Hobbes), on ne peut concilier l’immoralisme
du désir humain et la morale sociale pacificatrice que si les désirs égoïstes
s’expriment sous la domination consentie d’un intérêt personnel absolument
dominant devenu par contrat l’intérêt de tous à la paix civile, celui du
monarque absolu de droit humain ; dans la seconde (Locke) les désir
égoïstes peuvent et doivent s’exprimer pour que les hommes soient heureux et
ces désirs ne deviennent mauvais que lorsqu’ils s’expriment dans la guerre et
non dans la relation commerciale (le doux commerce cher à Montesquieu) ou la
politique sous le contrôle démocratique des autres dans le cadre d’un état de
droit qui dispose d’une délégation de pouvoir de la part de la majorité des
individus-citoyens et cela dans une société égalitaire en droits mais non
en richesse ou en puissance sociale ; inégalité réelle nécessaire pour
rendre possible un dynamisme compétitif favorable à tous; dans la troisième
(Rousseau) il convient rendre les individus solidaires, c’est à dire bons, dans
une société égalitaire en droit et en moyens. Dans la première, et la seconde
l’état est réduit à sa fonction de régulation et de pacification plus ou moins
contrainte, des égoïsmes nécessaires, indissociables de l’exercice de la
liberté naturelle et dans la troisième l’état est le régulateur et l’éducateur
de la liberté qui, devenue civile, n’est plus naturelle et le régulateur, voire
le gestionnaire de le vie économique en un sens moral en vue d’une réelle
égalité et coopération solidaire, volontaire et désintéressée entre tous .
Ainsi dans la première (Hobbes) le libéralisme économique privé a pour
condition un anti-libéralisme politique radical conventionnel (artificiel),
seul capable de mettre fin par la loi et la puissance du souverain absolu au
risque de la guerre de tous contre tous. Dans la seconde (Locke) le libéralisme
économique a pour condition le libéralisme politique et religieuse (mis à part
l’athéisme et le papisme intolérant) et l’état est réduit à sa fonction de
régulation et de pacification, des égoïsmes nécessaires, indissociables
de l’exercice de la liberté naturelle limitée et garantie. Dans la troisième
(Rousseau) le libéralisme politique a pour condition une limitation par
l’état du libéralisme économique afin de promouvoir l’égalité sociale réelle de
producteurs et artisans autonomes et sans employés; pour ce faire, l’état
doit être l’éducateur de la liberté qui, devenue civile, n’est plus naturelle
pour en préserver l’égalité, ainsi que le régulateur, mais non
l’administrateur, de le vie économique en un sens moral en vue d’une réelle
égalité et coopération solidaires, volontaires et désintéressées entre
tous ?
Chaque position
revendique la bonne définition du libéralisme contre l’autre :
<!--[endif]-->
Les deux premières au nom de la liberté naturelle tempérée par une
religiosité plurielle traditionnelle dépourvue d’église disposant d’un pouvoir
supra-étatique et/ou par un état (absolu ou démocratique) garant des libertés
individuelles et du droit de propriété qui favorise la concurrence économique
et l’égalité des droits économiques sinon des chances.
L’autre au nom d’une liberté naturelle remodelée ou transformée en liberté civile ou civilisée par l’état éducateur qui instaure l’égalité des droits et la soumission des intérêts particuliers à l’intérêt commun, expression d’une volonté générale dont l’état revendique le monopole de la représentation rationnelle.
L’autre au nom d’une liberté naturelle remodelée ou transformée en liberté civile ou civilisée par l’état éducateur qui instaure l’égalité des droits et la soumission des intérêts particuliers à l’intérêt commun, expression d’une volonté générale dont l’état revendique le monopole de la représentation rationnelle.
Les deux premières
considèrent que la libre concurrence et l’égalité formelle du droit à la
propriété privée suffit à établir la justice sous condition de faire cesser
l’insécurité, dès lors que les différences sociales entre les individus ne sont
que l’expression des différences des mérites et des talents individuels ;
la dernière considère que les inégalités sociales sont à l’origine de
l’inégalité des chances, donc d’une réelle inégalité des droits et d’un égoïsme
mettant en danger l’expression d’une authentique volonté générale solidaire.
Pour elle, la justice, au contraire des deux premières positions, implique,
comme condition nécessaire, la réduction des inégalités réelles afin
d’instaurer une véritable égalité des droits et que la liberté naturelle,
retravaillée par l’éducation des citoyens par l’état républicain, puisse
s’exprimer dans les conditions de la société.
Si les hommes son également libres en nature pour l’une et l’autre position, il suffit pour les premières de mettre en jeu cette liberté naturelle dans des conditions qui mettent chacun en situation de faire valoir pacifiquement ses talents pour bénéficier justement de son mérite propre sans avoir à se soucier des autres sinon pour satisfaire, par son travail soumis à la concurrence, leurs désirs individuels de s’enrichir et de consommer. Pour la dernière au contraire, il convient d’ instaurer les conditions de l’égalité sociale, au moins des chances, pour faire en sorte que la liberté naturelle des uns, les riches et les puissants, ne devienne pas « la liberté du renard libre dans le poulailler libre »
Si les hommes son également libres en nature pour l’une et l’autre position, il suffit pour les premières de mettre en jeu cette liberté naturelle dans des conditions qui mettent chacun en situation de faire valoir pacifiquement ses talents pour bénéficier justement de son mérite propre sans avoir à se soucier des autres sinon pour satisfaire, par son travail soumis à la concurrence, leurs désirs individuels de s’enrichir et de consommer. Pour la dernière au contraire, il convient d’ instaurer les conditions de l’égalité sociale, au moins des chances, pour faire en sorte que la liberté naturelle des uns, les riches et les puissants, ne devienne pas « la liberté du renard libre dans le poulailler libre »
Entre ces trois
positions le choix est problématique, si la première, celle de Hobbes, s’est
trouvée rapidement disqualifiée au profit de la seconde par l’effet de cette
contradiction interne qui consiste à faire garantir la liberté privée de chacun
sur celle d’un monarque échappant à tout contrôle et donc susceptible d’abuser
de son pouvoir aux dépens de la liberté des autres, ce que l’histoire démontre,
le choix entre la seconde (Locke) et la troisième (Rousseau) repose sur la
question de savoir si la concurrence et la compétition sociale réglée par le
droit contractuel garanti par l’état est mieux à même que l’état pour obliger
les individus à faire un bon usage de leur liberté naturelle afin de la rendre
civile (pacifique et coopérante). On peut tout aussi bien penser, en effet, que
la concurrence en vue du profit est plus libérale, c’est à dire conforme à
l’initiative individuelle, au bout du compte profitable à tous, que penser que
la concurrence n’est jamais égalitaire et qu’elle avantage nécessairement les
plus favorisés ou les plus chanceux aux dépens de la majorité mettant en cause
leur initiative ou marge de manœuvre sociale, récréant ainsi les conditions de
la guerre des pauvres contre les riches, voire de tous contre tous . Il nous
faut donc étudier la relation complexe entre le libéralisme, d’une part, et la
concurrence économique et la compétition socia devenir raisonnable selon Hobbes lui-même;
de fait, s’il ne rencontre aucune limite à l’expression de ses passions il est
en permanence tenté d’abuser de son pouvoir sans limite contre la liberté
privée d’entreprendre et la sécurité de ses sujets, ne serait-ce que parce
qu’il est en état des guerre permanent contre les autres souverains, car nous
dit Hobbes, en l’absence d’état mondial, les relations entre les chefs d’états
restent un état de nature et donc de guerre. Nous savons que la question des
impôts pour la guerre de défense et d’extension de sa puissance prélevés sur
ses sujets par la souverain afin de l’emporter sur les autres a été au centre
de toutes les révoltes bourgeoises et populaires en Europe contre les
monarchies absolue. Les guerres et la nécessité de faire subir aux citoyens la
poids financier et l’impôt du sang a entraîné la misère et la réduction des
capacités d’ initiative des sujets qui, loin d’avoir gagné en sécurité perdent,
par l’aliénation totale de toute liberté politique au profit du souverain, la
capacité de se défendre eux-même contre les exactions inhérentes de
l’absolutisme. Sauf, bien sur, s’ils se révoltent contre leur
souverain tyrannique, les citoyens aliènent alors à la fois la liberté et la
sécurité ; mais cette révolte, en tant que conséquence nécessaire du
pouvoir absolu, fait revenir à l’état de guerre civile, c’est à dire, à
l’état de nature que la monarchie absolue, bien que consentie par contrat
mutuel, devait justement réduire ; c’est dire qu’un tel échange
contractuel par lequel chaque citoyen abandonnerait la liberté politique au
profit de la sécurité privée est un marché de dupe car en perdant la liberté
politique le citoyen perd tout comme l’affirmera Rousseau. La position de
Hobbes, en prétendant fonder et garantir la liberté privée sur et par la
non-liberté politique est donc contradictoire en elle-même. Qu’en est-il
de celle de Rousseau qui semble s’y opposer radicalement.
La seconde
(Rousseau) tente de fonder la liberté politique sur la réduction, voire la
suppression des inégalités sociales et économiques. Ce faisant elle fait
du peuple absolument souverain la source d’une législation égalitaire,
voire égalitariste, seule capable de rendre possible un authentique intérêt
commun et une volonté générale qui s’impose aux intérêts particuliers. Mais
l’expression de cette volonté générale suppose trois conditions extrêmement
restrictives: D’abord que tous les citoyens unis par contrat au tout de la
société soient, sinon d’accord sur tout, au moins sur la nécessité de réduire
la liberté économique afin de rendre impossible le développement d’une
économique dynamique et progressive mettant en jeu les désirs et passions
illimités des individus. Cette économie frugale du besoin naturel par
opposition à celle des désirs artificiels implique à son tour une société
communautaire, voire communautariste peu nombreuse dans laquelle tous se
connaissent personnellement, fermée et indépendante des autres, réellement,
c’est à dire socialement et économiquement, égalitaire, dont le ciment
idéologique est une religion civile obligatoire qui « sacralise » la
communauté aux dépens des désirs individuels et des autres sociétés. Ensuite
elle suppose le pouvoir exécutif fort d’une élite de magistrats non directement
contrôlables par les individus-citoyens , indépendante du pouvoir législatif du
peuple, afin de faire respecter par chacun, y compris par la contrainte et la
menace de mort, cette égalité et l’expression de cette volonté générale
transcendant les désirs et intérêts particuliers qui en est la conséquence. Enfin elle exige des citoyens
vertueux dans leur plus grande majorité, dépourvus d’égoïsme et qui
accepteraient, plus volontairement que par la contrainte, de sacrifier ou de
mettre au service de la communauté leurs personnes, leurs biens et leur liberté
ou pouvoirs naturels. Autant dire que la position de Rousseau reste
inapplicable à la quasi-totalité des sociétés humaines existantes, sauf à
prétendre les révolutionner par la violence et la terreur extrêmes ; ce
qui de l’aveu même de Rousseau conduirait au pire désastre social qui
soit : la fin du contrat social et à la guerre civile qui elle même
fait cesser toute moralité.
Ainsi les positions de
Hobbes et de Rousseau se rejoignent malgré leurs oppositions apparentes de
principe pour dénier ou réduire le droit à liberté individuelle politique dans
un cas et/ou privée dans l’autre, au nom d’une conception idéaliste à la fois
incohérente et inapplicable d’un pouvoir absolu souverain plus ou moins
nécessairement terroriste et despotique dans les faits, que ce soit celui d’un
homme, du peuple incarnant une volonté générale égalitariste, ou des magistrats
chargés de la mettre œuvre, afin d’établir prétendument la paix et la concorde
civile. C’est pourquoi, non sans que le problème de l’inégalité sociale ne
reste posé au sein même de leur réflexion, les libéraux conséquents tels que
Locke et A. Smith ou chez nous Benjamin Constant, n’ont jamais voulu séparer
les libertés économiques et les libertés politiques ; l’économie
libérale et la démocratie, au moins représentative (que refusait du reste
Rousseau comme attentatoire à l’expression directe de la volonté générale par
les citoyens ). D’où la nécessité de nous interroger sur ce qui fait la nature
de ce lien nécessaire entre la liberté privée et économique et les
libertés politiques chez ceux qui se considèrent, à mon sens à juste
titre, comme les seuls vrais libéraux.
2-2 La théorie des sentiments moraux de Mandeville à A.Smith
2-2 La théorie des sentiments moraux de Mandeville à A.Smith
Idéalisme et réalisme
éthique.
Hobbes, nous venons de
la voir, fonde la sociabilité humaine sur la peur, au point disait-il
qu’il faut toujours supposer l’homme naturellement méchant (possessif et
vaniteux) et qu’ il convient qu’il se soumette et soit soumis à un
souverain au pouvoir absolu afin de sortir de l’état de guerre spontané de tous
contre tous, alors que Rousseau fonde cette sociabilité sur la vertu
cultivée par une société civile égalitaire répressive de la liberté égoïste
d’entreprendre et de la perversion sociale de l’amour de soi transformée par
l’inégalité sociale en amour propre ; laquelle vertu sociale
communautaire est censée retrouver l’innocence naturelle perdue, constituée par
l’amour de soi indissociable de la pitié naturelle. Mais par delà leur
opposition de principe les deux conceptions reviennent au même, à savoir
refuser l’humaine condition telle qu’elle est , à la fois spontanément et
indissociablement sociale et égoïste. Ce refus repose sur l’idée que la
sociabilité est toujours forcée. Or la condition humaine est au contraire dira
plus tard Kant, en employant l’expression d’ « insociable
sociabilité », irréductiblement marquée par l’alliance conflictuelle entre
l’égoïsme et la sociabilité qui traverse et anime le désir spontané, à la fois
individuel et universel, du bonheur et de la reconnaissance,. Refuser l’un au
nom de la vertu égalitaire et communautaire ou l’autre au nom de la méchanceté
violente naturelle de l’homme, c’est donc refuser l’humain dans l’homme au
profit, soit d’un infra-humain politiquement liberticide, soit d’un surhumain
moral inaccessible et qui l’est tout autant, bien qu’individuellement. Par
contre ce qui permet de lier, chez les philosophes libéraux cohérents de
Mandeville à Hayek, la liberté politique et la liberté économique, c’est l’idée
et le fait que la liberté individuelle n’est pas nécessairement associable,
voire qu’elle peut être, dans son égoïsme même et à certaines conditions,
la condition d’une sociabilité pacifique et coopérante. Pour penser le
fondement indissociablement rationnel et factuel de ce lien, les penseurs
libéraux vont s’efforcer de développer non une morale idéale de ce que
devraient être les comportements humains pour devenir sociaux mais une théorie
des sentiments moraux tels qu’ils rendent spontanément possible cette
sociabilité, sans répression excessive de l’initiative individuelle.
Ainsi pour Mandeville,
une société humaine moralement vertueuse ou purement altruiste serait
invivable, ce sont au contraire les vices : à savoir le désir égoïste de
posséder, de consommer le maximum de plaisirs, le goût du luxe et du
pouvoir, autant d’expressions de la passion vaniteuse, qui motivent les
hommes à jouer un rôle social et qui font marcher la société toute entière dans
le sens d’un progrès dans lequel chacun peut croire y trouver son compte ;
sans cette frénésie du désir, tous s’appauvriraient puisque les pauvres ne
pourraient pas être employés par les plus riches et dans l’égalité vertueuse
nul n’aurait l’espoir de s’enrichir et de voir sa condition s’améliorer. Une
société vertueuse serait frugale, c’est à dire ne satisferait que les besoins
vitaux (naturels et nécessaires), chacun pour soi et ses proches, et non les
désirs artificiels et superflus indéfiniment croissants qui seuls
obligent les hommes à travailler, à créer et à produire les uns pour les
autres, connus ou inconnus, proches ou lointains, à échanger sans limites ni
frontières (qu’on songe à la route de la soie autrefois et à la mondialisation
aujourd’hui), et se rendre des services mutuels en une compétition stimulante
et bénéfique à tous. L’appât du gain et du prestige indissociables est ainsi le
moteur de la vie collective. De plus sans le vice de l’hypocrisie la
société ne connaîtrait ni la politesse, ni donc la civilité indispensable
pour que les individus se supportent les uns les autres. L’égoïsme et la seule
motivation socialisante pour qui n’est pas un saint et nous savons que les
saints sont nécessairement des individus hors du commun, les moines, quant à
eux , soit s’abîment dans la contemplation et la prière mais vivent de la
charité intéressée du commun des mortels en vue de leur salut post-mortem, soit
font travailler des sous-moines comme des esclaves. . Les vices privés font
donc, pour reprendre la formule de Mandeville, le bien public.. Par contre,
outre de conduire à la misère générale et à l’apathie ou démotivation des
individus, une société morale serait répressive des passions qui font la
nature humaine et serait donc nécessairement liberticide. Ainsi aucune société
ne peut être morale et heureuse et c’est l’amoralisme, voire l’immoralisme qui
font l’histoire, c’est à dire le développement économique, la prospérité
générale et le bonheur ou l’espoir de bonheur de chacun.
Mais ce que Mandeville
ne nous explique pas c’est comment à partir de cette vision cynique,
amorale, voire immorale de la cité prospère et heureuse, on peut
combattre le déferlement passionnel qui conduit à la violence et de la
domination ; bref comment cette société, qu’on peut dire réaliste, se
donne des règles du jeu collectives, des lois afin d’éviter de s’autodétruire
et sombrer dans l’anomie suicidaire. Il faut, en effet, pour comprendre cette
régulation sociale nécessaire des passions soit invoquer un bridage ou
corsetage instinctif et faire de la société humaine une société biologiquement
prédéterminé à la sociabilité pacifique (par sélection naturelle ou par
constitution divine), soit en revenir à la position de Hobbes, à savoir celle d’une
soumission à la fois volontaire et contrainte par la force à la volonté
d’un seul : le souverain absolu. Le libéralisme économique a alors pour
condition le non libéralisme politique et religieux. Ce qui , nous l’avons vu,
est contradictoire : nul ne peut être libre dans ses actions, et garanti
quant à la sécurité de son corps et ses biens s’il est totalement soumis à le
volonté particulière (et pour Hobbes il n’y a pas de volonté générale, sinon
par agrégation arithmétique des volontés particulières) d’un autre et le fait
que cette soumission soit volontaire ne peut faire que le souverain soit
raisonnable et/ou moins passionné dans l’usage qu’il fait de sa puissance
illimitée.
Or faire du seul jeu
spontané d'autorégulation par sélection naturelle la source unique de la
régulation pacifiante des relations entre les individus, comme semble le penser
Mandeville, c'est refuser de voir l'importance décisive de la vie
politique et son implication permanente délibérée dans le jeu économique; mais
cela est démenti par l'histoire des hommes qui montre à l'évidence que le
droit, par exemple commercial, est l'objet privilégié des décisions politiques;
ainsi la déclaration des droits égaux des hommes et par exemple du droit de
propriété qu'elle affirme comme sacré est une décision politique délibérée
prise dans de cadre de luttes politiques explicites contre l'arbitraire du
droit féodal inégalitaire. Le droit n'est pas instinctuel (inscrit dans nos
gènes), mais toujours culturel et politiquement ouvert à la contestation et à
la décision transformatrice délibérée des relations, y compris passionnelles,
entre les hommes.
Nous savons d'expérience que l’instinct biologique chez l’homme et le seul instinct de survie, au contraire de chez les abeilles, ne sont pas suffisants pour éviter la violence intra-sociale collective et interindividuelle autodestructrice ; il nous faut donc aller chercher dans l’égocentrisme passionnel humain, c’est à dire dans le désir proprement humain d'être et de paraître (de valorisation de soi), dans son rapport aux autres, aux institutions et aux échanges économiques, ce qui rend possible une autorégulation pacifique des relations mutuelles dans des conditions sociales favorables qu’il s’agit d’instituer (de construire) politiquement, sans avoir nécessairement recours à un menace liberticide extérieure permanente généralisée, qu’elle soit politique ou religieuse.
C’est A.Smith qui, dans son ouvrage « La théorie des sentiments moraux », va tenter de trouver ce fondement spontané de la sociabilité dans ce qu’il appelle les sentiments d'estime de soi et de sympathie , en tant qu'ils rendent possibles, voire nécessaires, une économie, une politique et un droit libéraux.
Nous savons d'expérience que l’instinct biologique chez l’homme et le seul instinct de survie, au contraire de chez les abeilles, ne sont pas suffisants pour éviter la violence intra-sociale collective et interindividuelle autodestructrice ; il nous faut donc aller chercher dans l’égocentrisme passionnel humain, c’est à dire dans le désir proprement humain d'être et de paraître (de valorisation de soi), dans son rapport aux autres, aux institutions et aux échanges économiques, ce qui rend possible une autorégulation pacifique des relations mutuelles dans des conditions sociales favorables qu’il s’agit d’instituer (de construire) politiquement, sans avoir nécessairement recours à un menace liberticide extérieure permanente généralisée, qu’elle soit politique ou religieuse.
C’est A.Smith qui, dans son ouvrage « La théorie des sentiments moraux », va tenter de trouver ce fondement spontané de la sociabilité dans ce qu’il appelle les sentiments d'estime de soi et de sympathie , en tant qu'ils rendent possibles, voire nécessaires, une économie, une politique et un droit libéraux.
La sympathie, pour lui,
est le sentiment d’identification spontané qui permet d’interpréter les actions
des autres et ce qui les affecte et les meut (émotions) en fonction de son
propre désir ou amour de soi. Or en cela la position de Smith n’est pas celle
de Rousseau, car la sympathie n’implique pas forcément la bienveillance et la
générosité vis-à-vis des autres, mais la conscience de cet universel humain
donc réciproque qu’est l’amour de soi ; C’est pourquoi selon lui
(contrairement à Rousseau) la sympathie est toujours plus grande au vue de la
joie affichée des autres que de leur souffrance qu’au fond nous refusons
pour nous même. Cette sympathie n’empêche nullement le conflit voire la haine,
lorsque ce sentiment de l’amour de soi n’est pas reconnu, voire est contredit,
par celui d’autrui. Mais cela veut dire qu’il faut s’aimer soi-même pour
comprendre les autres et entretenir avec eux des relations éventuellement
positives (heureuses) de réciprocité. Du fait de cette sympathie, chaque
individu en société cherche la reconnaissance ou l’estime des autres pour
s’aimer lui-même et peut ainsi comprendre qu’il en est de même pour les autres.
Il convient donc pour chacun de chercher cette estime des autres, dans le cadre
de relations réglées par la coutume et l’habitude, de telle sorte que cette
réciprocité positive devienne quasi-automatique.
Or cette bienveillance automatique en vue du bonheur mutuel se manifeste dans les relations commerciales ou, pour reprendre une célèbre formule de Montesquieu, dans le « doux commerce ». Pour acheter et vendre il faut renoncer à la violence ou au vol et s’engager à satisfaire les désirs d’autrui sans abandonner ou sacrifier sa propre satisfaction ou intérêt personnel. Le commerce implique l’idée d’un échange bénéfique aux deux partenaires (vendeur et acheteur) car exige, dans les conditions de la libre-concurrence supposée parfaite (nous y reviendrons), que chacun reste libre de consentir ou non à la transaction tout en étant contraint de tenir compte de la satisfaction d’autrui., par son propre désir, et non par une quelconque morale ou puissance politico-religeuse extérieure ou encore par une générosité inconditionnelle (et donc sacrificielle de soi) bénéfique à autrui, De plus le relations commerciales exigent un contrat de confiance des partenaires les uns vis-à-vis des autres, or celle-ci suppose ce désir d’être estimé qui est au cœur de toutes les relations, voire passions, humaines. Donc pour A.Smith les échanges économiques et commerciaux de biens et de services sont toujours aussi des échanges moraux au sens où est mis en jeu le désir de reconnaissance de soi dans le désir de reconnaissance de l’autre. C’est en cela qu’une réciprocité positive des relations est toujours associée et non contraire à l’égoïsme de l’amour de soi que Smith ne différencie pas nettement, contrairement à Rousseau, de l’amour propre. Par contre Smith distingue, contrairement à Mandeville, pour les opposer, la vanité qui prétend affirmer l’amour de soi sans réciprocité dans le mépris des autres, mais qui échoue car il ne trouve que le mépris, voire la haine des autres, et l’amour de soi authentique de soi car réciproque toujours récompensé dans l’estime des autres, ainsi par leur fidélité commerciale, gage de prospérité mutuelle. C’est pourquoi les hommes s’efforcent constamment d’accroître leur fortune pour se faire estimer positivement par les autres ; or cette estime exige que le fortune soit acquise par l’épargne dans des conditions honnêtes qui fasse droit à la satisfaction des autres. Pour A. Smith donc, le désir de s’enrichir par l’épargne est la conséquence de celui d’obtenir la sympathie des autres et une image sociale positive de soi dans le cadres de relations commerciales mutuellement bénéfiques. Il est indissociable du fait que l’on sympathise plus avec le bonheur qu’avec le malheur car nous désirons tous être heureux, a savoir s’aimer soi-même ; or la richesse bien acquise (ou l’intérêt bien compris) est un facteur essentiel de cet amour de soi.
Ainsi « le désir de devenir l’objet propre [adéquat] de l’estime et de la considération peut provenir soit de l’ amour même de la vertu », soit de celui de la vraie gloire méritée, soit de celui de la vaine gloire vaniteuse imméritée. Seul le second est motivant et efficace pour le plus grand nombre , donc seul il peut fonctionner comme un facteur central bénéfique aux échanges sociaux.
Pour lui, la relation commerciale, bien qu’amorale au sens chrétien du terme car intéressée, n’est pas immorale dès lors qu’elle ne peut pas ne pas tenir compte de l’intérêt bien compris du partenaire de l’échange qui ne peut pas être traité comme un adversaire et encore moins comme un ennemi. De là provient la théorie reprise de Montesquieu du « doux commerce » qui peut permettre de réduire le risque de violence entre les hommes.
Mais encore faut-il que cet échange soit égalitaire et libéral et pour cela réglé par cette main invisible qu’est pour Smith le marché concurrentiel.
2-3 Du principe libéral de la concurrence comme principe idéal de justice
Or cette bienveillance automatique en vue du bonheur mutuel se manifeste dans les relations commerciales ou, pour reprendre une célèbre formule de Montesquieu, dans le « doux commerce ». Pour acheter et vendre il faut renoncer à la violence ou au vol et s’engager à satisfaire les désirs d’autrui sans abandonner ou sacrifier sa propre satisfaction ou intérêt personnel. Le commerce implique l’idée d’un échange bénéfique aux deux partenaires (vendeur et acheteur) car exige, dans les conditions de la libre-concurrence supposée parfaite (nous y reviendrons), que chacun reste libre de consentir ou non à la transaction tout en étant contraint de tenir compte de la satisfaction d’autrui., par son propre désir, et non par une quelconque morale ou puissance politico-religeuse extérieure ou encore par une générosité inconditionnelle (et donc sacrificielle de soi) bénéfique à autrui, De plus le relations commerciales exigent un contrat de confiance des partenaires les uns vis-à-vis des autres, or celle-ci suppose ce désir d’être estimé qui est au cœur de toutes les relations, voire passions, humaines. Donc pour A.Smith les échanges économiques et commerciaux de biens et de services sont toujours aussi des échanges moraux au sens où est mis en jeu le désir de reconnaissance de soi dans le désir de reconnaissance de l’autre. C’est en cela qu’une réciprocité positive des relations est toujours associée et non contraire à l’égoïsme de l’amour de soi que Smith ne différencie pas nettement, contrairement à Rousseau, de l’amour propre. Par contre Smith distingue, contrairement à Mandeville, pour les opposer, la vanité qui prétend affirmer l’amour de soi sans réciprocité dans le mépris des autres, mais qui échoue car il ne trouve que le mépris, voire la haine des autres, et l’amour de soi authentique de soi car réciproque toujours récompensé dans l’estime des autres, ainsi par leur fidélité commerciale, gage de prospérité mutuelle. C’est pourquoi les hommes s’efforcent constamment d’accroître leur fortune pour se faire estimer positivement par les autres ; or cette estime exige que le fortune soit acquise par l’épargne dans des conditions honnêtes qui fasse droit à la satisfaction des autres. Pour A. Smith donc, le désir de s’enrichir par l’épargne est la conséquence de celui d’obtenir la sympathie des autres et une image sociale positive de soi dans le cadres de relations commerciales mutuellement bénéfiques. Il est indissociable du fait que l’on sympathise plus avec le bonheur qu’avec le malheur car nous désirons tous être heureux, a savoir s’aimer soi-même ; or la richesse bien acquise (ou l’intérêt bien compris) est un facteur essentiel de cet amour de soi.
Ainsi « le désir de devenir l’objet propre [adéquat] de l’estime et de la considération peut provenir soit de l’ amour même de la vertu », soit de celui de la vraie gloire méritée, soit de celui de la vaine gloire vaniteuse imméritée. Seul le second est motivant et efficace pour le plus grand nombre , donc seul il peut fonctionner comme un facteur central bénéfique aux échanges sociaux.
Pour lui, la relation commerciale, bien qu’amorale au sens chrétien du terme car intéressée, n’est pas immorale dès lors qu’elle ne peut pas ne pas tenir compte de l’intérêt bien compris du partenaire de l’échange qui ne peut pas être traité comme un adversaire et encore moins comme un ennemi. De là provient la théorie reprise de Montesquieu du « doux commerce » qui peut permettre de réduire le risque de violence entre les hommes.
Mais encore faut-il que cet échange soit égalitaire et libéral et pour cela réglé par cette main invisible qu’est pour Smith le marché concurrentiel.
2-3 Du principe libéral de la concurrence comme principe idéal de justice
Pour A. Smith, le marché
et la libre concurrence sont des facteurs contraignant d’égalisation. En effet
ils détruisent nécessairement les hiérarchies et les statuts
traditionnels figées. En faisant de chacun un consommateur capable de
choisir son fournisseur selon son intérêt mesuré en terme de coût/qualité, le
marché concurrentiel détruit le rapport monopolistique qui assure la suprématie
des producteurs aux dépens du plus grand nombre : les consommateurs. Au
contraire, le marché concurrentiel assure le primat de la demande sur l’offre,
mais comme tous sont autant des vendeurs qu’ acheteurs, les positions
s’égalisent dans le circuit économique de l’offre et de la demande, du fait que
celui-ci doit nécessairement par le jeu de la concurrence atteindre l’équilibre
à terme. De plus la libre concurrence interdit à un producteur de prétendre
rendre captive une clientèle à son profit car aussitôt il serait alors victime
de la défection de ses clients au profit d’un concurrent ; Du coté de la
production, la force de travail étant elle aussi une marchandise (et là
c’est l’employé qui est vendeur et le capitaliste l’acheteur) s’échangeant
librement contre salaire sur le marché de l’emploi concurrentiel, chaque
employé, est a priori capable de s’adapter à ce marché de telle sorte qu’il ne
peut en être exclu et encore moins être tenu à travailler pour tel ou tel
employeur à des conditions qu’il refuserait. S’il est soumis à la concurrence
des autres et en cela ne peut prétendre avoir un place privilégiée ou protégée
aux dépens des autres, il ne peut non plus être victime d’un quelconque
ostracisme extérieur ou d’une situation imposée de dépendance qui lui
interdirait toute liberté de manœuvre et la possibilité de la défection. S’il ne réussit pas dans ce conditions il ne peut alors que
s’en prendre qu’à lui-même. Ainsi le marché concurrentiel agit comme un
automatisme autorégulé (main invisible) qui produit nécessairement
l’ajustement entre l’offre et la demande au profit de la satisfaction
optimale des producteurs, des consommateurs, des employeurs et des employés,
c’est à dire de tous. Il est anti-corporatiste et anti-protectionniste et par
là permet à chacun de faire valoir dans les rapports de production comme dans
les échanges (les rapports de distribution) son autonomie et ses intérêts
propres, en l’obligeant à se soucier des intérêts d’autrui ; il réalise
sur le plan économique et par le simple jeu de l’intérêt, l’impératif non plus
idéalement catégorique mais hypothétique, et par là d’une manière encore plus
réellement contraignante, de ne jamais prendre autrui comme seul moyen de son action
mais de toujours le considérer comme fin. Ce que la morale idéaliste du devoir
est incapable de garantir, l’intérêt bien compris le fait et cela sans effort
sur soi-même, ni sacrifice.
Mais dira-t-on qu’est-ce
qui empêche l’escroquerie, la manipulation, les fausses promesses pour profiter
d’une situation immédiate favorable d’inégalité au profit du vendeur dès lors
que seul l’intérêt à court terme pourrait compter pour tel ou tel? Deux
choses : la poursuite du jeu pour qui veut continuer son activité et pour
cela il lui faut éviter la menace de la sanction par la perte de confiance des
clients et, si cela ne suffit pas, la menace d’exclusion du jeu par la force
publique, mais surtout le sentiment de sympathie et d’estime réciproque réglé
par les habitudes selon la théorie des sentiments moraux de Smith :
l’intérêt est ordonné par la sympathie à la réciprocité donc oblige à rester
honnête dans les transactions et les échanges ; chacun sait que son
intérêt et la recherche de l’estime des autres exige qu’il considère ce même
intérêt chez son semblable. Ce qui veut dire que chez Smith l’intérêt est
toujours accompagné, chez la plupart, du désir d’obtenir l’estime des
autres ; au travers des échanges et les habitudes sociales, les mœurs
fixent par un codage symbolique fort les comportements valorisés et valorisants
de telle sorte qu’il faudrait être fou ou totalement inconscient vis-à-vis de
son propre intérêt pour oser s’attirer le mépris et la défiance de ceux
dont on a besoin pour vivre. Là encore la confiance se mérite et chacun,
d’expérience, le sait. Dans la plupart des cas il n’est nul besoin d’une
autorité extérieure pour l’imposer, du reste elle ne s’impose pas vraiment par
la contrainte ou alors c’est que la défiance l’emporte déjà et celle-ci menace
en permanence la possibilité même de l’échange réciproque libre et mutuellement
fructueux. On ne fait pas affaire avec un escroc avéré ou soupçonné tel.
L’économie libérale est donc une économie contractuelle généralisée sans relations de dépendance hiérarchique statutaire : tous les individus sont en droit maîtres de leur décision et de leur engagement vis-à-vis des autres et ont, sous conditions fixées par contrat, le droit d’y mettre fin. Dans un tel contexte de fluidité libérale des relations de production et d’échange, celles-ci ne peuvent sous l’effet de la concurrence pure et parfaite maintenir dans le durée les inégalités existantes, nous y reviendrons ; chacun peut décider de (re) jouer sa partie dans des conditions plus favorables pour lui, soit en proposant des produits et services mieux à même de satisfaire la demande que ceux de ses concurrents, soit en offrant un travail plus demandé et donc mieux rétribué. C’est en effet la loi de l’offre et de la demande qui décide du prix ponctuel des marchandises, y compris le travail (salaire) et le capital (intérêt), et si le travail est la source de toute valeur d’échange, celle-ci ne peut se réaliser sur le marché, c’est à dire s’exprimer en prix ou valeur monétaire, que par le jeu de l’offre et de la demande. Or en moyenne ce jeu dans le cadre de la concurrence tend à l’équilibre, c’est à dire que les prix tendent vers une valeur moyenne proche de la valeur du travail et de la rémunération minimale de capital, proche du taux moyens d’intérêt (5%). Le concurrence des investissements et des producteurs fait que des taux durablement supérieurs sont à terme impossibles. Les revenus du capital sont donc justifiés dès lors qu’ils ne sont que la rétribution du risque prix et de l’épargne qui a permis l’investissement productif aux dépens de la dépense destructrice de pure consommation. L’investisseur est en effet récompensé du fait d’avoir renoncé à la satisfaction égoïste exclusive immédiate au profit des autres consommateurs, en faisant travailler son capital dans des activités productrices de moyens de satisfaire les désirs d’autrui (les consommateurs ou clients). En moyenne donc, dans le cadre d’une concurrence pure et parfaite , c’est à dire sans entrave , ni position dominante durable, les rémunérations du travail et du capital ne peuvent être que la juste récompense des mérites égo/altruistes des différents acteurs du jeu économique. Ainsi, le jeu du marché concurrentiel idéal réalise donc par lui-même sans contrainte étatique extérieure et sans hiérarchie sociale qualitative prédéterminée, l’idéal de justice distributive cher à Aristote.
En s’efforçant de satisfaire son propre intérêt chacun participe nécessairement au bien être de tous sans y être forcé par l’intervention, au moins sous la forme de menace permanente, d’un pouvoir transcendant supérieur coercitif (le souverain absolu) , ni être contraint par des exigences morales désintéressées exigeant un sacrifice de soi aux autres. La liberté s’auto-régularise par le jeu immanent d’une mutualisation réciproque automatique des égoïsmes transformés en facteurs de coopération.; Dans le cadre du marché concurrentiel, la société, comme les jeux sportifs, institue d’une manière immanente des règles de fonctionnement qui rendent possible la confrontation sans violence des intérêts et oblige à une coopération immédiatement consentie fondée sur une confiance sympathisante dans l’honnêteté intéressée, donc spontanée, des autres. La liberté d’entreprendre laissée aux individus, loin de générée la violence et la domination, devient un facteur de pacification égalitaire et de réelle justice distributive qui s’exprime par le principe « à chacun selon son mérite »; l’état n’a pas à inventer les règles de la libre concurrence ou à instaurer un hiérarchie contraignante pour imposer un ordre social, mais doit se contenter de les fixer (formaliser) ces règles librement instituées et d’en garantir le respect par la sanction en tant que règles d’une liberté spontanément coopérante. Le société peut devenir donc à la fois libérale sur le plan économique et sur le plan politique, dès lors que nul n’a intérêt de détruire ou d’exploiter à son profit exclusif ce jeu de la libre concurrence sans se mettre lui-même socialement en danger et perdre la sympathie confiante des autres, ce qui le conduirait nécessairement à l’exclusion du jeu économique et, en cas d’escroquerie manifeste, de sanction pénale par l’état. Celui-ci n’est plus alors que l’arbitre d’un jeu économique et social dont il ne définit plus le contenu, ni même les règles, laissant aux joueurs (acteurs sociaux) le soin de les instituer librement par contrat mutuel. La position de A. Smith, contrairement au modèles de Hobbes et de Rousseau, est libérale sur tous les plans : politique, sociétal et économique. Le risque le plus important est que les gouvernants tentent de profiter de leur rôle d’arbitre pour profiter du jeu en le détournant à leur profit ; c’est pourquoi il convient de les soumettre à des règles de droit qui garantissent les libertés individuelles (droits de l’homme et du citoyen) contre les abus de pouvoirs des gouvernants et la corruption ont il pourrait être l’objet, voire le sujet, lesquels mettraient en cause leur rôle neutre d’arbitre libéral. Pour se garantir contre ce risque et protéger les citoyens contre les forfaitures éventuelles des dirigeants de l’état, il convient d’instituer ce que l’on appelle la séparation entre les pouvoirs législatif, exécutif et surtout juridique, fondement de l’état républicain anti-despotique de droit moderne. Bien que fort en tant qu’arbitre disposant du monopole du pouvoir de sanction pénale et de l’usage légitime de la force (force publique), l’état libéral n’est donc pas un état de domination, mais de direction au service des citoyens disposant de la liberté d’entreprendre contractuelle et coopérative, auto-régulée par la libre concurrence . Il se doit pour cela de lever les obstacles à la libre concurrence (ex : les obstacles protectionnistes préconisés par les mercantilistes), dite pure et parfaire afin d’assurer l’équilibre général de l’offre et de la demande dans tous les domaines, c’est à dire les lois naturelles de l’économie spontanément justes, selon Smith, de l’économie. Quelles sont-elles ?
L’économie libérale est donc une économie contractuelle généralisée sans relations de dépendance hiérarchique statutaire : tous les individus sont en droit maîtres de leur décision et de leur engagement vis-à-vis des autres et ont, sous conditions fixées par contrat, le droit d’y mettre fin. Dans un tel contexte de fluidité libérale des relations de production et d’échange, celles-ci ne peuvent sous l’effet de la concurrence pure et parfaite maintenir dans le durée les inégalités existantes, nous y reviendrons ; chacun peut décider de (re) jouer sa partie dans des conditions plus favorables pour lui, soit en proposant des produits et services mieux à même de satisfaire la demande que ceux de ses concurrents, soit en offrant un travail plus demandé et donc mieux rétribué. C’est en effet la loi de l’offre et de la demande qui décide du prix ponctuel des marchandises, y compris le travail (salaire) et le capital (intérêt), et si le travail est la source de toute valeur d’échange, celle-ci ne peut se réaliser sur le marché, c’est à dire s’exprimer en prix ou valeur monétaire, que par le jeu de l’offre et de la demande. Or en moyenne ce jeu dans le cadre de la concurrence tend à l’équilibre, c’est à dire que les prix tendent vers une valeur moyenne proche de la valeur du travail et de la rémunération minimale de capital, proche du taux moyens d’intérêt (5%). Le concurrence des investissements et des producteurs fait que des taux durablement supérieurs sont à terme impossibles. Les revenus du capital sont donc justifiés dès lors qu’ils ne sont que la rétribution du risque prix et de l’épargne qui a permis l’investissement productif aux dépens de la dépense destructrice de pure consommation. L’investisseur est en effet récompensé du fait d’avoir renoncé à la satisfaction égoïste exclusive immédiate au profit des autres consommateurs, en faisant travailler son capital dans des activités productrices de moyens de satisfaire les désirs d’autrui (les consommateurs ou clients). En moyenne donc, dans le cadre d’une concurrence pure et parfaite , c’est à dire sans entrave , ni position dominante durable, les rémunérations du travail et du capital ne peuvent être que la juste récompense des mérites égo/altruistes des différents acteurs du jeu économique. Ainsi, le jeu du marché concurrentiel idéal réalise donc par lui-même sans contrainte étatique extérieure et sans hiérarchie sociale qualitative prédéterminée, l’idéal de justice distributive cher à Aristote.
En s’efforçant de satisfaire son propre intérêt chacun participe nécessairement au bien être de tous sans y être forcé par l’intervention, au moins sous la forme de menace permanente, d’un pouvoir transcendant supérieur coercitif (le souverain absolu) , ni être contraint par des exigences morales désintéressées exigeant un sacrifice de soi aux autres. La liberté s’auto-régularise par le jeu immanent d’une mutualisation réciproque automatique des égoïsmes transformés en facteurs de coopération.; Dans le cadre du marché concurrentiel, la société, comme les jeux sportifs, institue d’une manière immanente des règles de fonctionnement qui rendent possible la confrontation sans violence des intérêts et oblige à une coopération immédiatement consentie fondée sur une confiance sympathisante dans l’honnêteté intéressée, donc spontanée, des autres. La liberté d’entreprendre laissée aux individus, loin de générée la violence et la domination, devient un facteur de pacification égalitaire et de réelle justice distributive qui s’exprime par le principe « à chacun selon son mérite »; l’état n’a pas à inventer les règles de la libre concurrence ou à instaurer un hiérarchie contraignante pour imposer un ordre social, mais doit se contenter de les fixer (formaliser) ces règles librement instituées et d’en garantir le respect par la sanction en tant que règles d’une liberté spontanément coopérante. Le société peut devenir donc à la fois libérale sur le plan économique et sur le plan politique, dès lors que nul n’a intérêt de détruire ou d’exploiter à son profit exclusif ce jeu de la libre concurrence sans se mettre lui-même socialement en danger et perdre la sympathie confiante des autres, ce qui le conduirait nécessairement à l’exclusion du jeu économique et, en cas d’escroquerie manifeste, de sanction pénale par l’état. Celui-ci n’est plus alors que l’arbitre d’un jeu économique et social dont il ne définit plus le contenu, ni même les règles, laissant aux joueurs (acteurs sociaux) le soin de les instituer librement par contrat mutuel. La position de A. Smith, contrairement au modèles de Hobbes et de Rousseau, est libérale sur tous les plans : politique, sociétal et économique. Le risque le plus important est que les gouvernants tentent de profiter de leur rôle d’arbitre pour profiter du jeu en le détournant à leur profit ; c’est pourquoi il convient de les soumettre à des règles de droit qui garantissent les libertés individuelles (droits de l’homme et du citoyen) contre les abus de pouvoirs des gouvernants et la corruption ont il pourrait être l’objet, voire le sujet, lesquels mettraient en cause leur rôle neutre d’arbitre libéral. Pour se garantir contre ce risque et protéger les citoyens contre les forfaitures éventuelles des dirigeants de l’état, il convient d’instituer ce que l’on appelle la séparation entre les pouvoirs législatif, exécutif et surtout juridique, fondement de l’état républicain anti-despotique de droit moderne. Bien que fort en tant qu’arbitre disposant du monopole du pouvoir de sanction pénale et de l’usage légitime de la force (force publique), l’état libéral n’est donc pas un état de domination, mais de direction au service des citoyens disposant de la liberté d’entreprendre contractuelle et coopérative, auto-régulée par la libre concurrence . Il se doit pour cela de lever les obstacles à la libre concurrence (ex : les obstacles protectionnistes préconisés par les mercantilistes), dite pure et parfaire afin d’assurer l’équilibre général de l’offre et de la demande dans tous les domaines, c’est à dire les lois naturelles de l’économie spontanément justes, selon Smith, de l’économie. Quelles sont-elles ?
2-4 Les conditions de la
libre concurrence
On peut en distinguer
cinq, qui sont, selon Arrow, prix Nobel d’économie en 1972.
1) La transparence immédiate et gratuite de l’information pour tous les acteurs ;
2) un grand nombre d’acteurs pour qu’aucun ne puisse utiliser sa puissance propre pour peser sur le marché à son avantage exclusif ; d’où l’absence nécessaire de tout monopole, voire de toute position dominante d’un ou de plusieurs des acteurs ;
3) l’homogénéisation des produits de telle sorte qu’ils soient véritablement concurrents ;
4) La totale moblité des acteurs, surtout des travailleurs et des capitaux et le libre mrché pour tous
5) Mais la condition la plus importante, celle qui conditionne le bon usage des autres est la rationalité des acteurs de l’économie qui sont (doivent être) animés du désir dominant de s’enrichir à long terme dans un cadre éthique intériorisé qui privilégie l’estime honnête de soi par la médiation de rapports valorisés et valorisants avec les autres, comme le souligne A. Smith dans sa théorie des sentiments moraux. Ce qui signifie que sans homme raisonnable, capable de raisonner et de dépassionner son désir d’être et d’avoir, il n’y a pas d’homme économique possible susceptible de faire que le libre marché soit juste et équilibré.
1) La transparence immédiate et gratuite de l’information pour tous les acteurs ;
2) un grand nombre d’acteurs pour qu’aucun ne puisse utiliser sa puissance propre pour peser sur le marché à son avantage exclusif ; d’où l’absence nécessaire de tout monopole, voire de toute position dominante d’un ou de plusieurs des acteurs ;
3) l’homogénéisation des produits de telle sorte qu’ils soient véritablement concurrents ;
4) La totale moblité des acteurs, surtout des travailleurs et des capitaux et le libre mrché pour tous
5) Mais la condition la plus importante, celle qui conditionne le bon usage des autres est la rationalité des acteurs de l’économie qui sont (doivent être) animés du désir dominant de s’enrichir à long terme dans un cadre éthique intériorisé qui privilégie l’estime honnête de soi par la médiation de rapports valorisés et valorisants avec les autres, comme le souligne A. Smith dans sa théorie des sentiments moraux. Ce qui signifie que sans homme raisonnable, capable de raisonner et de dépassionner son désir d’être et d’avoir, il n’y a pas d’homme économique possible susceptible de faire que le libre marché soit juste et équilibré.
<!--[endif]-->Autant
dire que le libre concurrence ne peut être dite « juste » que si
l’état ou les institutions politiques nationales ou internationales
garantissent, donc imposent le respect de ces conditions ; or
celles-ci sont contraire à la stratégie des entreprises qui vise toujours
à fausser la marché à leur profit exclusif et donc à mettre tout en oeuvre pour
réduire la contrainte de ces conditions : Elles s’efforcent toujours de
- conquérir une position de monopole ou dominante par l’élimination du marché des concurrents réels et potentiels (rachat, dumping ou capture juridique ou technologique de la clientèle) ;
- faire croire faussement à l’hétérogénéité qualitative des produits ;
Ainsi la libre concurrence n’est juste que si est respectée l’égalité sur le marché au moins potentielle des situations, que si la compétition économique reste ouverte, que si les consommateurs ont également accès au marché ainsi qu’à l’information qui leur donne un réle pouvoir de décision et surtout que si les consommateurs sont rationnels dans l’expression de leur désir. Le libéralisme économique est donc un idéal normatif qui implique, nécessairement l’intervention de la politique et l’éducation des consommateurs pour qu’il soit mis en œuvre, sous peine de générer les inégalités qui transformeraient cet idéal en son contraire : le dictature sur le marché de l’offre sur la demande et du capital sur le travail comme l’avait compris déjà A. Smith (voir textes).
Mais il est curieux de constater, et significatif de sa naïveté optimiste sur l’autorégulation du marché, que malgré sa lucidité il n’aborde pas l’économie mafieuse et l’esclavage comme des tendances tout aussi spontanées du marché sans règles ni loi, c’est à dire sans l’intervention d’une régulation politique. On ne peut donc rendre le libéralisme économique , en tant qu’idéal , responsable des inégalités et de ces dérives possibles, mais au contraire il convient de bien comprendre que c’est son détournement idéologique par un capitalisme à prétention monopolistique sous la forme d’un pseudo ultra-libéralisme qui récuserait toute intervention de l’état dans la régulation de l’économie qui est responsable du développement d’un marché de moins en moins concurrentiel, de plus en plus mafieux, et donc de plus en plus anti-libéral et injuste.
Ainsi c’est cette naïveté originaire qui voit dans la main invisible de la concurrence le seul régulateur de l’économie qui fait que le libéralisme classique réel est pour partie responsable de ce détournement dès lors qu’il n’a pas su évaluer précisément les conditions légales et politiques nécessaires au fonctionnement d’un libre-marché au service de chacun et de l’intérêt général ou mutuel. La liberté en général et économique en particulier suppose toujours des lois pour en faire un droit et une réalité pour tous et en cela éviter qu’elle ne devienne la liberté mafieuse et/ou dominatrice « du renard libre dans le poulailler libre »…
Or comment peut-on régulariser l’économie en faisant en sorte que la position libérale soit politiquement développée dans un sens social plus juste c’est à dite plus égalitaire et plus universaliste conformément à son idéal originaire?
- conquérir une position de monopole ou dominante par l’élimination du marché des concurrents réels et potentiels (rachat, dumping ou capture juridique ou technologique de la clientèle) ;
- faire croire faussement à l’hétérogénéité qualitative des produits ;
Ainsi la libre concurrence n’est juste que si est respectée l’égalité sur le marché au moins potentielle des situations, que si la compétition économique reste ouverte, que si les consommateurs ont également accès au marché ainsi qu’à l’information qui leur donne un réle pouvoir de décision et surtout que si les consommateurs sont rationnels dans l’expression de leur désir. Le libéralisme économique est donc un idéal normatif qui implique, nécessairement l’intervention de la politique et l’éducation des consommateurs pour qu’il soit mis en œuvre, sous peine de générer les inégalités qui transformeraient cet idéal en son contraire : le dictature sur le marché de l’offre sur la demande et du capital sur le travail comme l’avait compris déjà A. Smith (voir textes).
Mais il est curieux de constater, et significatif de sa naïveté optimiste sur l’autorégulation du marché, que malgré sa lucidité il n’aborde pas l’économie mafieuse et l’esclavage comme des tendances tout aussi spontanées du marché sans règles ni loi, c’est à dire sans l’intervention d’une régulation politique. On ne peut donc rendre le libéralisme économique , en tant qu’idéal , responsable des inégalités et de ces dérives possibles, mais au contraire il convient de bien comprendre que c’est son détournement idéologique par un capitalisme à prétention monopolistique sous la forme d’un pseudo ultra-libéralisme qui récuserait toute intervention de l’état dans la régulation de l’économie qui est responsable du développement d’un marché de moins en moins concurrentiel, de plus en plus mafieux, et donc de plus en plus anti-libéral et injuste.
Ainsi c’est cette naïveté originaire qui voit dans la main invisible de la concurrence le seul régulateur de l’économie qui fait que le libéralisme classique réel est pour partie responsable de ce détournement dès lors qu’il n’a pas su évaluer précisément les conditions légales et politiques nécessaires au fonctionnement d’un libre-marché au service de chacun et de l’intérêt général ou mutuel. La liberté en général et économique en particulier suppose toujours des lois pour en faire un droit et une réalité pour tous et en cela éviter qu’elle ne devienne la liberté mafieuse et/ou dominatrice « du renard libre dans le poulailler libre »…
Or comment peut-on régulariser l’économie en faisant en sorte que la position libérale soit politiquement développée dans un sens social plus juste c’est à dite plus égalitaire et plus universaliste conformément à son idéal originaire?
Nous rencontrons là la
limite de a position d’A.Smith qui reste pour le moins ambiguë, voire
contradictoire. En effet s’il refuse de reconnaître à l’état un rôle de
régulateur de l’économie dès lors que pour lui celle-ci doit spontanément
s’autoréguler et qu’il considère que le fonctionnement nécessairement
bureaucratique de l’état le rend incapable à maîtriser le jeu complexe des
égoïsmes en vue de la satisfaction de l’intérêt général, il admet que les
riches et les puissants peuvent très bien utiliser leur position pour exploiter
les pauvres et utiliser leur pouvoir économique pour contraindre l’état, sous
prétexte de faire respecter la liberté d’entreprendre indissociable du droit de
propriété des moyens de production et d’échange, à soumettre les employés par
la force à leur intérêt particulier exclusif mais aussi, et cela est pour lui
encore plus grave, à fausser les règles du jeu à leur avantage en multipliant
les obstacles à le libre concurrence (ex : le maintien voire l’élévation
des droits de douanes, préconisés par les mercantilistes, pour avantager
les nationaux sur le marché intérieur en les protégeant de la concurrence
étrangère, et les ententes validées par l’état pour augmenter les prix et les
profits). Donc A. Smith est partagé entre la réalité des comportements sociaux
des capitalistes, des dérives anti-libérales, voire criminelles et des conflits
qu’ils génèrent, et l’idéal de la libre concurrence qu’il prend, non seulement
pour un idéal, mais comme une description et explication de la réalité (et en
cela il est dans l’illusion idéologique la plus classique) sans être capable de
réduire la contradiction entre sa position qui affirme le principe universel de
la non-intervention de l’état dans l’économie et ses conséquences
sociales et le fait qu’il constate que cette non-intervention revient, dans les
faits, à favoriser les investisseurs aux dépens des salariés et de l’intérêt
général, ne serait-ce qu’en vue du maintien de la paix civile (voir textes). Il
admet que l’état doit jouer un rôle d’investisseur quant au services et aux
biens d’équipement qui concernent l’intérêt général et qui ne peuvent être
rentables à court terme pour des particuliers (infrastructures, équipement du
territoire, éducation de masse) et aux moyens de protection répressif en vue du
maintien de la paix civile, mais il refuse toute politique systématique de
redistribution en faveur des plus démunis et accepte le risque politique de
l’inégalité des chances tout en soulignant le danger de violence sociale
qu’elle génère ; en comptant sur la tradition plus ou moins religieuse de
servilité des pauvres par rapport aux riches, il pense que la hiérarchie entre
eux est nécessaire et qu’il suffira à la police de faire son métier pour
maintenir l’ordre, alors même que l’Angleterre à connu un mouvement populaire
extrêmement violent appelé « les niveleurs » revendiquant l’égalité
sociale radicale comme une valeur chrétienne. ( L'appellation de niveleurs
(en anglais levellers) a été réservée, à partir de 1645, à ceux des
révolutionnaires anglais qui, non contents de vouloir éliminer la monarchie
encore incarnée par Charles Ier, souhaitaient lui substituer une république où
le peuple composé de tous les citoyens adultes serait souverain. Plus que des
combattants de la liberté, ils sont des démocrates. Leurs adversaires, qui les
baptisèrent, les considéraient comme des « partageux » et pensaient
que des hommes sans propriété, s'ils étaient dotés du droit de vote,
imposeraient une redistribution des richesses. Accusation alors mortelle, mais
qui, au mieux, serait à réserver à un groupuscule qui, derrière Gerrard
Winstanley, et entre 1648 et 1652, a agité le drapeau des « vrais niveleurs » ou diggers
(« bêcheurs ») et réclamé effectivement une grande mutation de la
propriété foncière et des modes de production.
Les niveleurs authentiques ont souvent eu une origine baptiste : soucieux de rapprocher le règne de Dieu ici-bas, ils se muent en activistes révolutionnaires, transposent dans le politique le message religieux de leur secte, leur foi dans l'égalité de tous les hommes, leur tolérance, leur rejet de toute autorité spirituelle. Beaucoup sont imprégnés de l'idée de prédestination et, « saints en marche », tirent de leur foi la conviction qu'ils portent un message divin. Les plus représentatifs sont Richard Overton, un imprimeur, l'un des plus « radicaux », peut-être tenté de déborder du politique et du religieux vers le social ; William Walwyn, marchand londonien aisé et qu'on a pu comparer à Lamennais, dont il précède largement l'espoir d'un christianisme appliqué ; et surtout John Lilburne, un temps colonel de l'armée de Cromwell, une des grandes victimes de l'intolérance prérévolutionnaire, auteur de vigoureux pamphlets en même temps que redoutable organisateur. Leurs disciples sont surtout recrutés dans les villes, dans un petit peuple dont la Révolution française fera les sans-culottes. Ils auraient représenté vers 1649 un bon quart des Anglais et un cinquième des Londoniens. Et, plus important sans doute, le message a été abondamment propagé dans l'armée du Nouveau Modèle, il est l'évangile de nombre de conseils d'officiers et de soldats et très particulièrement des porte-parole (ou agitators) sortis du rang pour siéger dans de véritables soviets militaires hiérarchisés. Tous lisent ou commentent tracts et brochures répandus par milliers (de titres) et qu'un libraire de l'époque a su rassembler (ils constituent aujourd'hui la collection Thomason de la British Library).
© Encyclopædia Universalis 2004, tous droits réservés)
Les niveleurs authentiques ont souvent eu une origine baptiste : soucieux de rapprocher le règne de Dieu ici-bas, ils se muent en activistes révolutionnaires, transposent dans le politique le message religieux de leur secte, leur foi dans l'égalité de tous les hommes, leur tolérance, leur rejet de toute autorité spirituelle. Beaucoup sont imprégnés de l'idée de prédestination et, « saints en marche », tirent de leur foi la conviction qu'ils portent un message divin. Les plus représentatifs sont Richard Overton, un imprimeur, l'un des plus « radicaux », peut-être tenté de déborder du politique et du religieux vers le social ; William Walwyn, marchand londonien aisé et qu'on a pu comparer à Lamennais, dont il précède largement l'espoir d'un christianisme appliqué ; et surtout John Lilburne, un temps colonel de l'armée de Cromwell, une des grandes victimes de l'intolérance prérévolutionnaire, auteur de vigoureux pamphlets en même temps que redoutable organisateur. Leurs disciples sont surtout recrutés dans les villes, dans un petit peuple dont la Révolution française fera les sans-culottes. Ils auraient représenté vers 1649 un bon quart des Anglais et un cinquième des Londoniens. Et, plus important sans doute, le message a été abondamment propagé dans l'armée du Nouveau Modèle, il est l'évangile de nombre de conseils d'officiers et de soldats et très particulièrement des porte-parole (ou agitators) sortis du rang pour siéger dans de véritables soviets militaires hiérarchisés. Tous lisent ou commentent tracts et brochures répandus par milliers (de titres) et qu'un libraire de l'époque a su rassembler (ils constituent aujourd'hui la collection Thomason de la British Library).
© Encyclopædia Universalis 2004, tous droits réservés)
C’est cette difficulté
centrale de sa théorie quant aux rapports entre la politique et l’économie
libérale qui a probablement amené A. Smith a renoncer à publier sa théorie
politique et, selon certains témoignages, lui aurait fait détruire les
documents dans lesquels il en aurait écrit les prémisses.
3) Démocratie politique
et libéralisme économique
Spinoza disait déjà que
si les individus étaient spontanément toujours raisonnables dans toutes leurs
actions, il n’y aurait besoin ni d’état, ni de politique, ni, ajouterais-je,
d’éducation. L’expérience le démontre tous les jours dans la vie
économique , contrairement à la position confiance naïve voire aveugle, et
il n’ y a pas de pire aveugle que celui qui ne veut pas voir, dans le
puissance autorégulatrice automatique du marché (main invisible) : sans
droit commercial pas de commerce honnête; sans loi contre les monopoles,
pas de libre concurrence ; sans droit sociaux, pas de réduction des
inégalités et de l’exploitation de l’homme par l’homme, voire pas de salariat ,
car l’esclavage s’imposerait comme la forme la plus sûre et la plus
immédiatement rentable de faire du profit à court terme. Après tout disait
Keynes à long terme nous serons tous morts ; autant alors en profiter ici
et maintenant…Pourquoi alors choisir une problématiquement rentable à long
terme, alors que la concurrence joue dans l’instant même de l’échange marchand?
3-1 De l'utilitarisme
éthique
C’est justement
cette difficulté que John Stuart Mill saisit pour tenter de la dépasser :
comment construire une société libérale, dans laquelle chacun poursuit son
bonheur et qui soit en même temps telle pour tous sans contradiction, ni
conflit irréductibles. Ce qui est en effet utile aux uns ne l’est pas pour les
autres et nous savons bien que le bonheur des uns ne fait pas nécessairement
celui des autres.
3-1-1 Les difficultés de l'utilitarisme de Bentham
Les utilitaristes comme Bentham , lequel a été un des maîtres avec Auguste Comte de notre auteur, pensaient qu’il suffisaient alors de soumettre le bonheur de chacun à celui du plus grand nombre et aux devoirs qu’il impose pour résoudre cette difficulté, mais cela supposait une double condition :
- Que les plaisirs qui font le bonheur de chacun soient homogènes (comparables et mesurables) et donc arithmétiquement calculables, ce qui permettrait, par simple sommation des plaisirs et bonheurs des uns et des autres, après enquête de satisfaction comme on dit aujourd’hui, de passer du bonheur de chacun au bien être majoritaire ou général.
- Que chacun soit dans le camps majoritaire, au point que, si ce n’était pas le cas, son sacrifice éventuel devienne justifié par la poursuite du bonheur de la majorité ; mais alors cela exigeait de mettre en cause la liberté individuelle comme telle au profit d’un conformisme obligatoire, c’est à dire de la soumission inconditionnelle à la majorité et aux habitudes et aux mœurs que celle-ci impose.
Mais ces deux conditions sont contestables: les plaisirs individuels ne sont pas nécessairement composables ; on ne peut, en effet, en faire la sommation, car ils ne sont pas compossibles entre eux chez un même individu et encore moins entre les individus. Rien ne permet plus alors de justifier le sacrifice de la liberté individuelle au bien être majoritaire qui n’est qu’une fiction confuse mêlant des formes de bonheurs et de plaisirs hétérogènes et souvent contradictoires entre eux et on ne peut décider d’une satisfaction globale plus ou moins importante hormis le seul critère de la survie et/ou de l’enrichissement financier comme seule types de finalités comptables et rationnelles. Or le rapport de ces finalités au bonheur général lequel suppose une certaine égalité des conditions et comme vécu qualitatif est pour le moins problématique. De plus cette position repose sur le paradoxe qu’il y aurait un bonheur général, mais non pas unanime, possible, qui transcenderait les bonheurs individuels minoritaires et pourrait éventuellement s’imposer contre eux, aux dépens par conséquent de la liberté individuelle. Chacun serait en effet appelé, pour le bonheur de la communauté dont il fait partie, soit à s’engager à suivre la voie des autres, soit à renoncer au droit au bonheur personnel dès lors qu’il ne conviendrait pas à la majorité (position du père de notre auteur). Ce qui supposerait que chacun devrait accepter d’être surveillé en permanence dans sa vie personnelle par les autres pour que sa soumission soit validée, reconnue et récompensée. On trouve dans la société américaine, animée de valeurs égalitaires et démocratiques, observait déjà Tocqueville, cette tentation absurde de faire de la liberté individuelle et de son usage l’enjeu d’une surveillance religieuse ou morale, qui dénie non seulement l’autonomie personnelle dans la recherche du bonheur, mais même la liberté de conscience et celle d’exprimer des idées différentes des lieux communs et préjugés dominants. Ce que cet auteur appelait la « douce » tyrannie de la majorité , laquelle est contraire au droit à la recherche de son bonheur propre, inscrit pourtant dans la constitution américaine comme l’expression fondatrice du droit libéral et démocratique. C’est pour tenter de surmonter ces difficultés et ces paradoxes d’un utilitarisme purement quantifiable et au bout du compte liberticide que John Stuart-Mill va développer une nouvelle conception de l’éthique du bonheur, c’est à dire une vision du bonheur qui prennent en compte tout à la fois l’ exigence d’une relation éthique (bien général) aux autres et la liberté individuelle (bien individuel) ; conception elle même susceptible de fonder une économie politique libérale soucieuse de solidarité.
3-1-1 Les difficultés de l'utilitarisme de Bentham
Les utilitaristes comme Bentham , lequel a été un des maîtres avec Auguste Comte de notre auteur, pensaient qu’il suffisaient alors de soumettre le bonheur de chacun à celui du plus grand nombre et aux devoirs qu’il impose pour résoudre cette difficulté, mais cela supposait une double condition :
- Que les plaisirs qui font le bonheur de chacun soient homogènes (comparables et mesurables) et donc arithmétiquement calculables, ce qui permettrait, par simple sommation des plaisirs et bonheurs des uns et des autres, après enquête de satisfaction comme on dit aujourd’hui, de passer du bonheur de chacun au bien être majoritaire ou général.
- Que chacun soit dans le camps majoritaire, au point que, si ce n’était pas le cas, son sacrifice éventuel devienne justifié par la poursuite du bonheur de la majorité ; mais alors cela exigeait de mettre en cause la liberté individuelle comme telle au profit d’un conformisme obligatoire, c’est à dire de la soumission inconditionnelle à la majorité et aux habitudes et aux mœurs que celle-ci impose.
Mais ces deux conditions sont contestables: les plaisirs individuels ne sont pas nécessairement composables ; on ne peut, en effet, en faire la sommation, car ils ne sont pas compossibles entre eux chez un même individu et encore moins entre les individus. Rien ne permet plus alors de justifier le sacrifice de la liberté individuelle au bien être majoritaire qui n’est qu’une fiction confuse mêlant des formes de bonheurs et de plaisirs hétérogènes et souvent contradictoires entre eux et on ne peut décider d’une satisfaction globale plus ou moins importante hormis le seul critère de la survie et/ou de l’enrichissement financier comme seule types de finalités comptables et rationnelles. Or le rapport de ces finalités au bonheur général lequel suppose une certaine égalité des conditions et comme vécu qualitatif est pour le moins problématique. De plus cette position repose sur le paradoxe qu’il y aurait un bonheur général, mais non pas unanime, possible, qui transcenderait les bonheurs individuels minoritaires et pourrait éventuellement s’imposer contre eux, aux dépens par conséquent de la liberté individuelle. Chacun serait en effet appelé, pour le bonheur de la communauté dont il fait partie, soit à s’engager à suivre la voie des autres, soit à renoncer au droit au bonheur personnel dès lors qu’il ne conviendrait pas à la majorité (position du père de notre auteur). Ce qui supposerait que chacun devrait accepter d’être surveillé en permanence dans sa vie personnelle par les autres pour que sa soumission soit validée, reconnue et récompensée. On trouve dans la société américaine, animée de valeurs égalitaires et démocratiques, observait déjà Tocqueville, cette tentation absurde de faire de la liberté individuelle et de son usage l’enjeu d’une surveillance religieuse ou morale, qui dénie non seulement l’autonomie personnelle dans la recherche du bonheur, mais même la liberté de conscience et celle d’exprimer des idées différentes des lieux communs et préjugés dominants. Ce que cet auteur appelait la « douce » tyrannie de la majorité , laquelle est contraire au droit à la recherche de son bonheur propre, inscrit pourtant dans la constitution américaine comme l’expression fondatrice du droit libéral et démocratique. C’est pour tenter de surmonter ces difficultés et ces paradoxes d’un utilitarisme purement quantifiable et au bout du compte liberticide que John Stuart-Mill va développer une nouvelle conception de l’éthique du bonheur, c’est à dire une vision du bonheur qui prennent en compte tout à la fois l’ exigence d’une relation éthique (bien général) aux autres et la liberté individuelle (bien individuel) ; conception elle même susceptible de fonder une économie politique libérale soucieuse de solidarité.
3-1-2 L'utilitarisme de
John Stuart-Mill
"La seule liberté
digne de ce nom, affirme J.Stuart-Mill, est celle de travailler à notre propre
bien de la manière qui nous est propre, pour autant que nous ne cherchions pas
à en priver les autres ou à leur faire obstacle dans leurs efforts pour
l'obtenir." Après avoir précisé auparavant :
"Celui qui laisse le monde ou une partie de celui-ci, choisir le cours et le sens de sa vie à sa place, n'a pas besoin d'autre faculté que celle d'imitation des grands singes."
Telle est la conception libérale radicale, à l’encontre de celle, à ses yeux incohérente de Bentham, de son ex-disciple qu’est J. Stuart-Mill ; mais cette position implique aussi, si l’on veut éviter les difficultés de la position de Bentham qu’il convient de montrer que la finalité éthique fondamentale de chacun est le bonheur général (c’est à dire de tous) ; si le bonheur de chacun réside dans l’expérience personnelle de plaisir et de la cessation de la douleur, les devoirs ne sont, et ne doivent et ne peuvent être, que des moyens subordonnés en vue du maximum de bonheur universel possible, comme partie prenante de son propre bonheur. Bonheur personnel et bonheur général sont selon lui indissociables.
"Celui qui laisse le monde ou une partie de celui-ci, choisir le cours et le sens de sa vie à sa place, n'a pas besoin d'autre faculté que celle d'imitation des grands singes."
Telle est la conception libérale radicale, à l’encontre de celle, à ses yeux incohérente de Bentham, de son ex-disciple qu’est J. Stuart-Mill ; mais cette position implique aussi, si l’on veut éviter les difficultés de la position de Bentham qu’il convient de montrer que la finalité éthique fondamentale de chacun est le bonheur général (c’est à dire de tous) ; si le bonheur de chacun réside dans l’expérience personnelle de plaisir et de la cessation de la douleur, les devoirs ne sont, et ne doivent et ne peuvent être, que des moyens subordonnés en vue du maximum de bonheur universel possible, comme partie prenante de son propre bonheur. Bonheur personnel et bonheur général sont selon lui indissociables.
3-1-3 La question du bonheur chez John Stuart-Mill
Le bonheur général
(universel) est bien comme le pensait Bentham la source ultime de la moralité
et les règles de la recherche du bonheur pour tous celle du droit . Les devoirs
ou impératifs ne valent que comme moyens dérivés nécessaires mais non
suffisants. Une morale du sacrifice de soi est en effet absurde et invivable si
elle prend le sacrifice de son bonheur en vue du bonheur général comme
fin en soi inconditionnelle et salvatrice; elle ne peut valoir comme
moralité concrète et agissante que si elle se donne comme fin le bonheur des
autres, en tant qu’il est une composante et une condition du bonheur personnel.
Il n’y a pas de morale du devoir en soi comme le croyait Kant, car toute action
ne peut être motivée que par le recherche d’une satisfaction ou l’évitement
d’une souffrance, y compris une action morale ; il n’y a qu’une morale du
bonheur qui inclut et subordonne le devoir tout en la fois comme instrument et
comme partie prenante du bonheur personnel.
La politique et l’économie sont des moyens de parvenir aux bonheur général ; il faut en effet distinguer sans les opposer le bonheur individuel et le bonheur général car si celui-ci n’est pas la seule sommation des bonheurs individuels, spontanément apparemment incompatibles, il convient de les rendre compossibles par des lois et règles qui autorise chacun à faire un égal usage de sa liberté sans nuire à celle des autres ; il n’y a du reste pas d’autre limite à la liberté individuelle que celle des autres et c’est pourquoi, dans le cadre des échanges marchands visant la mutualisation des intérêts individuels, il faut du droit économique politiquement discuté et décidé. Ainsi l’obligation de participer au bonheur des autres est seconde par rapport à celle qui nous ordonne d’éviter la violence et de porter atteinte aux droits des autres de rechercher leur propre bonheur, car elle ne constitue qu’un devoir indirect subordonné à la seconde ; une trop grande sollicitude peut, en conduire à la domination des autres, c’est à dire, sur un mode faussement positif, à mettre en cause leur propre initiative en les condamnant à la passivité, en en faisant du pure et simple victimes d’un sort injuste. La maxime libérale ne peut être que « Aide toi et les autres t’aideront à agir plus librement encore ». Mais une difficulté apparente de la position de Mill surgit : Comment, dans sa perspective individualiste passer de la satisfaction personnelle égoïste au désir altruiste en chacun du bonheur général dès lors que celui-ci implique la soumission au devoir de respecter la liberté d’autrui qui peut, semble-t-il, nuire à celle-la ?
La politique et l’économie sont des moyens de parvenir aux bonheur général ; il faut en effet distinguer sans les opposer le bonheur individuel et le bonheur général car si celui-ci n’est pas la seule sommation des bonheurs individuels, spontanément apparemment incompatibles, il convient de les rendre compossibles par des lois et règles qui autorise chacun à faire un égal usage de sa liberté sans nuire à celle des autres ; il n’y a du reste pas d’autre limite à la liberté individuelle que celle des autres et c’est pourquoi, dans le cadre des échanges marchands visant la mutualisation des intérêts individuels, il faut du droit économique politiquement discuté et décidé. Ainsi l’obligation de participer au bonheur des autres est seconde par rapport à celle qui nous ordonne d’éviter la violence et de porter atteinte aux droits des autres de rechercher leur propre bonheur, car elle ne constitue qu’un devoir indirect subordonné à la seconde ; une trop grande sollicitude peut, en conduire à la domination des autres, c’est à dire, sur un mode faussement positif, à mettre en cause leur propre initiative en les condamnant à la passivité, en en faisant du pure et simple victimes d’un sort injuste. La maxime libérale ne peut être que « Aide toi et les autres t’aideront à agir plus librement encore ». Mais une difficulté apparente de la position de Mill surgit : Comment, dans sa perspective individualiste passer de la satisfaction personnelle égoïste au désir altruiste en chacun du bonheur général dès lors que celui-ci implique la soumission au devoir de respecter la liberté d’autrui qui peut, semble-t-il, nuire à celle-la ?
C’est pour répondre à
cette question que Mill fait intervenir une distinction fondamentale entre les
plaisirs immédiats matériels et égoïstes et les plaisirs spirituels qui leur
sont qualitativement supérieurs, à savoir les plaisirs qui sont le fruit
des activités intellectuelles esthétiques et éthiques (altruistes) dans
lesquels chacun même matériellement insatisfait peut être heureux en tant
qu’ils permettent à chacun de se reconnaître dans sa dignité humaine. En quoi
ces derniers sont-ils supérieurs ? en cela qu’ils sont spécifiquement
l’expression de la supériorité spirituelle et sociale des hommes et que chacun
peut éprouver par là qu’il incarne cette valeur et que cette valeur ne dépend
principalement que de lui, par delà les circonstances extérieures. Ainsi nous
dit Mill mieux vaut être Socrate insatisfait (matériellement) qu’un porc
satisfait, car si Socrate est matériellement insatisfait, il est heureux
d’être l’homme valeureux car moral et donc pleinement humain qu’il a été. Donc
pour Mill le bonheur ne recouvre pas tout les plaisirs d’une manière
indistincte et le bonheur ne se mesure pas à la « quantité » de
plaisir mais à sa « qualité » et si les plaisirs matériels et
narcissiques sont souvent nécessaires, ils ne sont pas suffisants car ils
ne valent au mieux que comme moyens du bonheur spirituel; seuls les
plaisirs qui portent une dimension éthique peuvent nous procurer le bonheur
authentique, c’est à dire le sentiment positif de notre pleine humanité.
Mais cela veut-il dire que cette accession au bonheur éthique soit
spontanée ou immédiate?
Certes non, car l’expérience de ce bonheur est une conquête de l’histoire de l’humanité et de l’évolution des sociétés. Le sens du devoir en tant qu’il organise le bonheur altruiste de chacun, mais aussi et surtout en tant qu’il fait partie et devient intégrante du bonheur personnel doit être forgé au feu de l’habitude acquise par l’éducation cognitive et affective dans une société juste et libérale ; qui n’a pas reçu d’éducation libérale ( non religieuse et non-sacrificielle), altruiste et donc heureuse ne peut savoir clairement qu’il existe un bonheur qualitativement supérieur à la seule satisfaction matérielle ou égoïste . D’où la nécessité de penser sur fond de l’analyse des relations sociales existantes et de leur contradictions, les conditions politiques et économiques d’une société à la fois juste et libérale ; libérale parce que juste et juste parce que libérale ; en tant que cette société serait la fin du progrès en vue du plus grand bonheur pour tous, sans distinction entre les sexes et les positions .
Certes non, car l’expérience de ce bonheur est une conquête de l’histoire de l’humanité et de l’évolution des sociétés. Le sens du devoir en tant qu’il organise le bonheur altruiste de chacun, mais aussi et surtout en tant qu’il fait partie et devient intégrante du bonheur personnel doit être forgé au feu de l’habitude acquise par l’éducation cognitive et affective dans une société juste et libérale ; qui n’a pas reçu d’éducation libérale ( non religieuse et non-sacrificielle), altruiste et donc heureuse ne peut savoir clairement qu’il existe un bonheur qualitativement supérieur à la seule satisfaction matérielle ou égoïste . D’où la nécessité de penser sur fond de l’analyse des relations sociales existantes et de leur contradictions, les conditions politiques et économiques d’une société à la fois juste et libérale ; libérale parce que juste et juste parce que libérale ; en tant que cette société serait la fin du progrès en vue du plus grand bonheur pour tous, sans distinction entre les sexes et les positions .
3-2 Libéralisme
économique et justice sociale chez Stuart-Mill
La liberté économique
individuelle comme liberté d’entreprendre dans le domaine de la satisfaction de
désirs et des besoins est pour Mill le fondement de toute relation de
réciprocité positive entre les individus qui ne sont pas liés entre eux
par des relations de dépendances particulières permanentes (type allégeances
communautaires, amicales, amoureuses ou familiales). L’économie libérale est
bien l’ensemble des échanges de biens et de services produits en vue de
l’échange marchand qui égalise dans un sens contractuel universel,
voire anonyme, c’est à dire volontaire et non contraint, les relations vitales
entre les humains : chacun sait mieux que quiconque ce dont il a besoin ou
ce qu’il désire et doit seul prendre la décision d’acheter ou non et s’il
achète c’est à lui seul de décider qui lui offre les conditions les plus
favorables. La liberté d’entreprendre au mieux de ce qui est utile à chacun
exige donc bien un choix individuel et qui dit choix dans le domaine économique
dit concurrence libre et non faussée; tout corporatisme, en effet, fausse
la concurrence et provoque toujours une réduction et/ou captation de
l’initiative de chacun en vue de sa satisfaction, laquelle initiative
définit sa liberté individuelle, au profit exclusif et/ou dominant de celui qui
cherche à vendre. L’échange marchand libéral soumis à la concurrence est
donc pour Mill comme pour A.Smith garant de la liberté individuelle universelle
car avant que d’être des producteurs spécialisés nous sommes tous des
consommateurs. De plus l’échange marchand obéit à la règle
donnant /donnant et ce faisant égalise les conditions de l’échange selon
un règle simple : À chacun selon ses revenus et, par delà ses revenus, son
travail, si l’on admet que les revenus du travail, directs ou sous une forme différée
ceux du capital, sont l’expression du travail en tant que seule source de
création des richesses . Cette règle de justice distributive automatisée fait
que chacun consomme selon son travail et donc que chacun reçoit selon son
mérite dans le processus de production et d’échange.
Mais à la différence de
Smith, Mill ne pense pas que le développement à l’infini des échanges marchands
puissent se faire sans déséquilibre entre les ressources et les besoins ou
désirs, dès lors que ceux-ci croissent plus que les premiers et cela pour deux
motifs : l’excès illimité des désirs au delà des besoins chez les plus
riches et l’accroissement de la population mondiale de plus en plus intégrée
aux échanges marchands et à l’économie du désir sans limite. Le progrès ne peut
que déplacer, en le masquant, le moment où les ressources seront épuisées. La
rareté s’imposera alors comme un facteur croissant d’inégalité entre les riches
et les pauvres, d’autant plus que ceux-là bénéficieront d’un avantage
décisif du fait de l’héritage et de la propriété du sol et cela dès la naissance. L’équilibre entre l’offre et la demande se fera au profit de
la demande solvable et aux dépens des besoins des plus pauvres de plus en
plus insolvables; les inégalités seront telles qu’aucun progrès économique
envisageable ne pourra les réduire sauf à envisager l’arrêt autoritaire
de la croissance démographique et le réduction des inégalités dans l’accès aux
ressources par la loi et la redistribution par l’impôt. Les riches sauront
profiter de la pauvreté croissante des pauvres pour leur imposer une réduction
des salaires en vue de continuer à satisfaire leurs désirs sans limite aux
dépens de la satisfaction des besoins de ces derniers , c’est à dire de leur
espérance de survie. Ainsi le progrès infini du capital et des richesses en
terme de bénéfices pour ceux qui en disposent déjà n’est pas un critère de
réussite pour les pays les plus avancés dès lors que s’aggravent les
inégalités ; de plus selon Mill l’état stationnaire des richesses et de la
population ne serait pas une catastrophe pour un pays très
développé mais au contraire la condition d’un véritable progrès de civilisation
dans le sens d’une spiritualisation de la vie sociale qui passerait par
l’utilisation des techniques dans le but de réduire le temps de travail
contraint au profit du temps de la relation libre et désintéressé aux autres et
de la contemplation de la nature qui ne serait alors plus seulement considérée
comme réservoir de matière première exploitables en vue de la production et du
profit, mais comme une source illimitée d’émotions esthétiques, ce qui suppose
que cette liberté passe aussi et peut-être surtout par la solitude, c’est à
dire le retrait par rapport aux obligations sociales et économiques. Le
bonheur, pour Mill, n ‘est pas, nous l’avons vu en effet, dans la quantité
de biens matériels accumulés ou consommés ou des richesses acquises mais dans
la qualité de la vie, des relations aux autres, à la nature et à soi.
Ainsi limiter les
naissances en vue du seul renouvellement de la population, limiter l’héritage à
ce qui peut rendre chacun indépendant, redistribuer les richesses, limiter le
temps de travail et la production, développer les moyens de formation
personnelle et l’éducation des citoyens, sont pour Mill les conditions d’un
progrès de la société lequel implique à terme l’arrêt de la progression
illimitée dans production des richesses matérielles en vue d’atteindre ce
qu’il appelle l’état stationnaire et équilibré qu’il souhaite pour assurer les
conditions de l’existence harmonieuse de l’espèce humaine. La justice sociale
implique donc pour lui non pas moins de liberté personnelle mais plus, c’est à
dire plus de temps libre pour soi, tant il est vrai que l’économie reste le
domaine de la nécessité et que le développement infini des richesses
produit des inégalités que la croissance économique, loin de
réduire, accroît; d’où la nécessité de mettre au service de la liberté de
tous, par la loi, l’économie libérale et qui ne peut être telle que par cette
subordination au but final de l’état stationnaire et de l’égalité sociale. Le
justice n’est pas pour lui le résultat d’un processus mécanique mais
l’expression d’un programme politique qui doit orienter la société et
l’économie libérale vers cet état final. La justice présuppose le libéralisme
économique mis au service d’une société régulée par le droit en vue du bonheur
universel des individus. Le libéralisme économique doit être subordonné au
libéralisme éthique, c’est à dire à la recherche du bonheur général, qui est un
devoir politique dans le mesure où il est un droit universel. C’est dire que
les droits individuels et les droits sociaux, pour Mill sont indissociables,
dès lors qu’il s’agit de réduire, voire d’abolir, les inégalités que
génèrent en permanence le libéralisme économique lequel, s’il n’est pas
politiquement régulé, se transforme nécessairement en dictature
anti-libérale du capital sur le travail et des entrepreneurs (ou mieux des
investisseurs) sur les consommateurs. Il est indispensable de limiter la
liberté des riches et des puissants afin que tous aient non seulement en
théorie mais en réalité les même droits.
« Ce qui vaut,
écrit-il, pour un pays arriéré ne vaut pas pour un pays avancé. Ce qui
est économiquement nécessaire en ce cas est une meilleure distribution, dont le
moyen nécessaire est une contrainte plus stricte sur la population. La mise à niveau plus ou
moins juste des positions sociales, ne peut pas s’accomplir par les seuls
moyens de l’accroissement de la production et de l’accumulation ; ils
peuvent abaisser les hauteurs de la société, mais ils ne peuvent pas,
d’eux-mêmes, de manière permanente faire progresser le sort du plus grand
nombre qui se trouvent plus bas. D’autre part, nous pouvons supposer que cette
meilleure distribution de propriété peut être atteinte par l’effet commun de la
prudence, de la frugalité des individus et par un système de législation
favorisant l’égalité des fortunes, dans la mesure où est juste la revendication
permanente de chaque individu de participer aux fruit, grand ou petit, de
sa propre industrie. Nous pouvons supposer, par exemple (selon la suggestion
jetée dans un chapitre précédent) que les cadeaux transmis par héritage
aient la quantité suffisante pour constituer une indépendance modérée.
Sous cette influence double, la société exhiberait ces principaux dispositifs :
un corps bien-payé et riche des travailleurs ; aucunes énormes fortunes,
excepté ce qui ont été gagnés et accumulés pendant une vie simple ; mais un
corps beaucoup plus grand des personnes qu’exemptent actuellement, non
seulement des travaux durs et brutaux, mais avec des loisirs suffisants, physiques
et mentaux, des moyens pour cultiver librement les grâces de la vie, et que les
classes moins favorisées se permettent de suivre l’exemple des plus
favorisés pour leur croissance. Cet état de la société, tellement préférable au
présent, est non seulement parfaitement compatible avec l’état stationnaire,
mais, il semblerait, plus naturellement lui être lié que tout
autre.
Il y aurait autant de place que jamais pour toutes sortes de culture de l’esprit, et de progrès moral et social et autant de moyens d’améliorer l’art de la vie, et beaucoup plus de probabilité d’y parvenir, quand des esprits aurons cessé d’être dirigés par l’art d’obtenir toujours plus. Même les arts industriels pourraient être sincèrement et avec succès cultivés, avec cette différence unique, qu’au lieu de n’atteindre aucun autre objectif que l’augmentation de la richesse, les améliorations industrielles produirait leur effet légitime qui est d’abréger le travail » (voir texte en annexe)
Il y aurait autant de place que jamais pour toutes sortes de culture de l’esprit, et de progrès moral et social et autant de moyens d’améliorer l’art de la vie, et beaucoup plus de probabilité d’y parvenir, quand des esprits aurons cessé d’être dirigés par l’art d’obtenir toujours plus. Même les arts industriels pourraient être sincèrement et avec succès cultivés, avec cette différence unique, qu’au lieu de n’atteindre aucun autre objectif que l’augmentation de la richesse, les améliorations industrielles produirait leur effet légitime qui est d’abréger le travail » (voir texte en annexe)
Ainsi, pour cet auteur,
dans une société libérale, les droits individuels, sont indissociables des
droits sociaux, et le fonctionnement de l’économie libérale, qui n’est pas
automatiquement équilibré et juste doit être politiquement orienté dans le sens
d’une plus raisonnable production des richesse et une meilleure d’utilisation
des ressources afin que les richesses profitent à tous et que chacun puisse
développer ses capacités spirituelles en autonomisant le plus possible sa vie
par rapport aux contraintes du processus de production. Cette Autonomie, elle
même, est rendue possible par le développement des sciences et des
techniques et rendu nécessaire par le risque de l’épuisement des ressources. Il
ouvre en cela le grand débat entre ce que l’on appelle l’ultra-libéralisme et
le social libéralisme écologique qui reste pour le moins d’actualité .
Réponse à une objection
contre A. Smith
"La fameuse
"main invisible du marché" d’Adam Smith est une escroquerie
intellectuelle, qui servait à l’époque de Smith, non pas à l’avancée de la
science économique et de la science, mais à la domination de l’empire
britanique sur toutes les autres nations."
Cette affirmation est
erronée: ceux qui préconisaient la domination des intérêts britaniques étaient
les plus grands adversaires théoriques de Smith, à savoir les mercantilistes
qui voulaient à la fois l’impérialisme à l’extérieur et le protectionisme à
l’intérieur, dans un but d’enrichissement exclusif des commerçants impériaux et
colonialistes britaniques. Smith pensait qu’un autre usage du colonialisme plus
équitable, grace au libre échange, était théoriquement possible, dès lors que
ce dernier permettrait le développement des pays les plus pauvres en prenant en
compte leur avantages compétitifs (ex: coût de la force de travail, des
matières premieres et des produits agricoles etc..). Ce qui en réalité est tout
à fait problématique, voire utopique, car les rapports de forces étaient tels
que cet équilibrage automatique était pratiquement impossible par le fait même
de la domination coloniale. Il y a là une limite majeure de la position de
Smith: il ne fait pas la théorie politique de sa théorie éthique et économique;
il semble qu’il y ait renoncé face à la mise en cause (et à la contradiction
entre) de l’idéal du marché auto-régulateur par la réalité politique. Il ne
voit pas comment on peut réduire le poids de la politique impérialiste et
mercantiliste (et du capitaliste sauvage soutenue par l’état dont il voit très
bien les conséquences en terme d’exploitation, analyses avortées qui seront
reprise par Marx dans le sens que l’on sait).
C’est là qu’il convient
de mesurer l’écart entre un modèle théorique et la réalité économique et
introduire dans l’examen réel du fonctionnement de l’économie des
considérations politiques et humaines non-économiques. Lire à ce sujet A. SEN
(voir plus loin
Les médias, la politique et l'argent c'est depuis longtemps
Il faut couper court à
certaines idées. Je commence un peu à en avoir marre d'entendre dire dans les
médias que les médias - eux-même donc - ont moins de liberté qu'avant à cause
des rapprochements entre les actionnaires / milieu de la finance et des grands
groupes et la politique. Comme quoi Sarkozy serait oligarque des médias (Source : Le monde diplomatique), qu'il ferait peur aux médias (Source : Le monde) et même à une partie
de la France. Oui, c'est
vrai, des articles ont été mis à l'écart pour différentes raisons. Mais
cela existe depuis très longtemps dans les médias, que ce soit en presse écrite
qu'en télé ou en radio.
Sarkozy a certes des amitiés entretenues avec des hommes d'affaires présents dans les médias comme Arnaud Lagardère, dirigeant du groupe du même nom (Elle, Paris Match, Journal du dimanche, Europe 1...), Serge Dassault, propriétaire du Figaro, Alain Minc, ex-président du conseil de surveillance du Monde, Martin Bouygues, propriétaire de TF1, Vincent Bolloré (Matin plus, Direct 8...), ou Bernard Arnault, propriétaire de La Tribune (bientôt les échos ?). Sarkozy a certes fait censuré un livre sur Cécilia ou des informations qui auraient dû paraître dans différents journaux. Mais cela existe depuis longtemps...
Pour exemple, il ne faut pas oublier qu’en 1946, de Gaulle, appuyé par les Communistes, fut l’homme des nationalisations, outils indispensables à sa volonté de puissance (censure de l’information, main mise sur tous les ressorts de l’État et de l’économie).
Et Coluche ?
Sarkozy a certes des amitiés entretenues avec des hommes d'affaires présents dans les médias comme Arnaud Lagardère, dirigeant du groupe du même nom (Elle, Paris Match, Journal du dimanche, Europe 1...), Serge Dassault, propriétaire du Figaro, Alain Minc, ex-président du conseil de surveillance du Monde, Martin Bouygues, propriétaire de TF1, Vincent Bolloré (Matin plus, Direct 8...), ou Bernard Arnault, propriétaire de La Tribune (bientôt les échos ?). Sarkozy a certes fait censuré un livre sur Cécilia ou des informations qui auraient dû paraître dans différents journaux. Mais cela existe depuis longtemps...
Pour exemple, il ne faut pas oublier qu’en 1946, de Gaulle, appuyé par les Communistes, fut l’homme des nationalisations, outils indispensables à sa volonté de puissance (censure de l’information, main mise sur tous les ressorts de l’État et de l’économie).
Et Coluche ?
· Novembre 1980. A quelques jours d'une
intervention de Coluche sur Radio7, le directeur de Radio-France demande au
directeur d'antenne de cette station d'annuler purement et simplement la
diffusion de l'émission concernée. Scandalisé, le directeur de Radio7
démissionne.
· 14 Décembre 1980. Le JDD
publie le sondage où Coluche est crédité de 16 % d'intentions de votes. C'est
l'événement du jour. Ce soir là, au journal de 20 heures, et sur les trois
chaînes de télévision, c'est la visite du Premier Ministre québécois qui fait
l'ouverture. Pas un mot sur Coluche.
· Décembre 1980. Le
Collaro-Show est l'émission comique la plus populaire en France. Stéphane
Collaro invite Coluche pour lui offrir "un espace de liberté".
Celui-ci en profite pour concocter un sketch sur un conseil des Ministres (avec
à sa tête un Président porté sur la bouteille) où il n'hésite pas à régler ses
comptes avec Valéry Giscard D'Estaing. En haut lieu, on ne supporte pas.
Quelques heures avant la diffusion de l'émission, la direction d'Antenne 2
appelle Stéphane Collaro pour lui dire que l'émission ne doit pas comporter le
sketch de Coluche. Fou de rage, Collaro déclare à son supérieur : "Si
vous ne passez pas le sketch de Coluche, il n'y a pas d'émission..." La
réponse de la direction ne se fait pas attendre : "Mais Monsieur il
n'y a pas de problème, il n'y a pas d'émission !"
Autre exemple sous
Chirac : Face au "non" au traité constitutionnel européen,
l'Elysée a diffusé cette information "Rien sur la Turquie avant le 29 mai."
France 2 a dû renoncer à un magazine sur la Turquie programmé pour l'émission "un
oeil sur la planète"...
Et ce n'est qu'un tout petit aperçu de ce monde des médias qui se dit prêt à tout dénoncer mais qui reste en quête d'audimat et de ventes !
Et ce n'est qu'un tout petit aperçu de ce monde des médias qui se dit prêt à tout dénoncer mais qui reste en quête d'audimat et de ventes !
Pour avancer un peu sur
la question, j'ai lu durant mes 10 jours à Ramatuelle le livre Comprendre les médias de Mireille Thibault qui
nous explique à qui appartiennent les médias, qui contrôle de manière
officielle leur contenu et comment tout cela est financé. Un livre vraiment
très intéressant qui permet de faire un tour d'horizon très rapide des médias.
Peut-être à mettre à jour malgré tout ! Comprendre les médias date tout de même de
2005.
Pour aller un peu plus loin dans la réflexion, je vous conseille aussi la lecture de l'ouvrage Les nouveaux chiens de garde de Serge Halimi - à ne pas confondre avec cette horde féministe qu'est les chiennes de garde. Vous apprendrez que déjà en 1997 Michel Field, Claire Chazal, Alain Duhamel, Jean-Marie Cavada ou PPDA avaient la même révérence devant leur patron, les grands groupes tels Bouygues, Havas ou Matra-Hachette, la même révérence devant l'argent et le pouvoir politico-industriel, les mêmes pratiques...
Maintenir à distance certains sujets pour mieux en matraquer d'autres, désinformer, moins par volonté de manipuler que par paresse et par reddition devant l'idéologie néolibérale dominante. La collusion entre les intérêts des propriétaires de la presse française, d'info-marchandise, de renvois d'ascenseurs et flagorneries de courtisans. "Des médias de plus en plus présents, des journalistes de plus en plus dociles, une information de plus en plus médiocre", belle sentence de Serge Halimi.
Il reste cependant vrai que la concentration de tous les médias dans quelques grands groupes et l'accumulation des censures doivent alerter les autorités de régulation afin que la parole médiatique ne soit pas une "mono-pensée"...
Pour aller un peu plus loin dans la réflexion, je vous conseille aussi la lecture de l'ouvrage Les nouveaux chiens de garde de Serge Halimi - à ne pas confondre avec cette horde féministe qu'est les chiennes de garde. Vous apprendrez que déjà en 1997 Michel Field, Claire Chazal, Alain Duhamel, Jean-Marie Cavada ou PPDA avaient la même révérence devant leur patron, les grands groupes tels Bouygues, Havas ou Matra-Hachette, la même révérence devant l'argent et le pouvoir politico-industriel, les mêmes pratiques...
Maintenir à distance certains sujets pour mieux en matraquer d'autres, désinformer, moins par volonté de manipuler que par paresse et par reddition devant l'idéologie néolibérale dominante. La collusion entre les intérêts des propriétaires de la presse française, d'info-marchandise, de renvois d'ascenseurs et flagorneries de courtisans. "Des médias de plus en plus présents, des journalistes de plus en plus dociles, une information de plus en plus médiocre", belle sentence de Serge Halimi.
Il reste cependant vrai que la concentration de tous les médias dans quelques grands groupes et l'accumulation des censures doivent alerter les autorités de régulation afin que la parole médiatique ne soit pas une "mono-pensée"...
J’ignore à quels
désastres alimentaires et élémentaires vont nous mener ceux qui nous dirigent.
Je recommande à ce propos le livre de Daniel Nahon sur l’épuisement des sols,
et qui annonce froidement de grandes famines pour le XXIe siècle, dans
l’indifférence générale de la classe politique planétaire. Mais je voudrais au
moins souligner les faits suivants.
On s’est étonné il y a un an du comportement de notre nouveau président : croisières et vacances de luxe, nouvelle femme héritière et top-model (mais le second mariage avait déjà eu pour témoins Martin Bouygues et Bernard Arnaud), en attendant un mariage à prix Darty de l’héritier, triplement du salaire présidentiel, décuplement du nombre de conseillers de l’Élysée.
Mais tout cela n’est rien à côté de nos voisins : l’ancien chancelier allemand Schroeder, social-démocrate qui plus est, est devenu du jour au lendemain conseiller de l’entreprise la plus florissante d’Eurasie, Gasprom ; et il est chargé, contre une rémunération de deux millions d’euros, de conseiller les travaux de construction de l’oléoduc baltique. Dans le même temps la fille de Vladimir Poutine vient d’acheter pour la modique somme de 18 millions d’euros l’appartement du plus célèbre oligarque de la télévision française. Pourquoi se gêner ? On m´a parlé dans le cas de Poutine d’un patrimoine de trente milliards d’euros. Poutine s’est assis de la table du KGB à celle des oligarques, et ceux-ci lui ont prudemment laissé de la place, alors que le peuple russe a connu un déficit démographique post-soviétique de 20 millions d’hommes, de femmes et d’enfants.
Traversons la Manche : les Blair viennent de s’acheter une sixième maison à six millions d’euros aux environs de Londres. On se souvient qu’ils s’étaient acheté un appartement de luxe dans Kensington, pour 4 millions de livres, il y a trois ans. Et qu’ils s’étaient fendus de 500 000 livres pour acheter un pied-à-terre pour les études de leurs enfants. La presse anglaise toujours prompte à s’enflammer sur des sujets aussi importants que le sexe était restée bien discrète sur le sujet. Cherie Blair se fait payer 50 000 dollars la conférence, sans doute plus maintenant. Tony Blair a touché un million de dollars en Chine pour une conférence sur le management gouvernemental, alors qu’il a laissé son pays au bord de la faillite et Gordon Brown se confronter à l’impopularité de son gouvernement néo-travailliste (mais c’est à cela que servent les Écossais, non ?). Gageons qu’il touchera d’autres millions.
Traversons l’Atlantique : les chiffres sont encore plus sérieux, en dépit d’un dollar en baisse et d’un pays en grave crise. Rudy Giuliani, ancien maire de New York, ancien candidat républicain à la présidence, a gagné cent millions de dollars en exploitant son image de la ville martyre du 11 septembre. Et le New York Times nous a récemment appris que les Clinton ont gagné 107 millions de dollars (pas un de moins) au cours des années 2000, à coups de conférences et de prestigieux dîners. Ils sont en voie d’être rattrapés par un autre démocrate, Barack Obama, qui n’a plus même besoin du financement politique public pour financer sa campagne.
J’ai bien sûr oublié de citer Silvio Berlusconi, qui avait au moins le mérite d’être déjà l’homme le plus riche d’Italie avant d’arriver au pouvoir… pour la troisième fois.
On comprend en tout cas une chose : la fusion totale du politique et du people, du politique et de l’argent. On se doute que les choses ne doivent pas aussi traîner en Chine, où le Parti communiste encadre sagement la progression du pays. Et on rappellera l’expression du sociologue Zygmunt Bauman : cette société est liquide… Et la classe politique aime ça. Et ne s’en cache plus.
On s’est étonné il y a un an du comportement de notre nouveau président : croisières et vacances de luxe, nouvelle femme héritière et top-model (mais le second mariage avait déjà eu pour témoins Martin Bouygues et Bernard Arnaud), en attendant un mariage à prix Darty de l’héritier, triplement du salaire présidentiel, décuplement du nombre de conseillers de l’Élysée.
Mais tout cela n’est rien à côté de nos voisins : l’ancien chancelier allemand Schroeder, social-démocrate qui plus est, est devenu du jour au lendemain conseiller de l’entreprise la plus florissante d’Eurasie, Gasprom ; et il est chargé, contre une rémunération de deux millions d’euros, de conseiller les travaux de construction de l’oléoduc baltique. Dans le même temps la fille de Vladimir Poutine vient d’acheter pour la modique somme de 18 millions d’euros l’appartement du plus célèbre oligarque de la télévision française. Pourquoi se gêner ? On m´a parlé dans le cas de Poutine d’un patrimoine de trente milliards d’euros. Poutine s’est assis de la table du KGB à celle des oligarques, et ceux-ci lui ont prudemment laissé de la place, alors que le peuple russe a connu un déficit démographique post-soviétique de 20 millions d’hommes, de femmes et d’enfants.
Traversons la Manche : les Blair viennent de s’acheter une sixième maison à six millions d’euros aux environs de Londres. On se souvient qu’ils s’étaient acheté un appartement de luxe dans Kensington, pour 4 millions de livres, il y a trois ans. Et qu’ils s’étaient fendus de 500 000 livres pour acheter un pied-à-terre pour les études de leurs enfants. La presse anglaise toujours prompte à s’enflammer sur des sujets aussi importants que le sexe était restée bien discrète sur le sujet. Cherie Blair se fait payer 50 000 dollars la conférence, sans doute plus maintenant. Tony Blair a touché un million de dollars en Chine pour une conférence sur le management gouvernemental, alors qu’il a laissé son pays au bord de la faillite et Gordon Brown se confronter à l’impopularité de son gouvernement néo-travailliste (mais c’est à cela que servent les Écossais, non ?). Gageons qu’il touchera d’autres millions.
Traversons l’Atlantique : les chiffres sont encore plus sérieux, en dépit d’un dollar en baisse et d’un pays en grave crise. Rudy Giuliani, ancien maire de New York, ancien candidat républicain à la présidence, a gagné cent millions de dollars en exploitant son image de la ville martyre du 11 septembre. Et le New York Times nous a récemment appris que les Clinton ont gagné 107 millions de dollars (pas un de moins) au cours des années 2000, à coups de conférences et de prestigieux dîners. Ils sont en voie d’être rattrapés par un autre démocrate, Barack Obama, qui n’a plus même besoin du financement politique public pour financer sa campagne.
J’ai bien sûr oublié de citer Silvio Berlusconi, qui avait au moins le mérite d’être déjà l’homme le plus riche d’Italie avant d’arriver au pouvoir… pour la troisième fois.
On comprend en tout cas une chose : la fusion totale du politique et du people, du politique et de l’argent. On se doute que les choses ne doivent pas aussi traîner en Chine, où le Parti communiste encadre sagement la progression du pays. Et on rappellera l’expression du sociologue Zygmunt Bauman : cette société est liquide… Et la classe politique aime ça. Et ne s’en cache plus.
Bob Denard, né Robert
Denard le 7 avril 1929 à Grayan-et-l'Hôpital et mort à Paris le 13 octobre 2007[1], était un mercenaire français.
Ce mercenaire est sûrement le plus influent et le plus connu de tous ceux ayant opéré en Afrique depuis les indépendances des pays de ce continent. Il a affirmé avoir
effectué plusieurs de ses opérations avec l'aval de l'État français.
Biographie [modifier]
Il est fils d'un
militaire des troupes
coloniales[2]. A 16 ans, en 1945, il s'engage
dans la marine et rejoint l'école des apprentis mécaniciens de Saint-Mandrier[3]. Breveté matelot mécanicien, il
part ensuite comme volontaire pour l'Indochine en tant que matelot seconde classe. Les modalités de son passage de la
spécialité de mécanicien à celle de fusilier marin restent inconnues. Devenu
quartier-maître dans les fusiliers marins en Indochine, il quitte l'armée en 1952 après une bagarre dans un bar[4] et accepte une place de conducteur d'engins et de mécanicien au Maroc. Il entre ensuite dans la police de
ce pays toujours sous protectorat français. En 1954, il a été reconnu
coupable de complot pour assassiner le premier ministre Pierre Mendès
France et condamné à 14 mois de
prison[5].
À partir des années 1960, anti-communiste convaincu, il œuvre dans les tumultueux conflits post-coloniaux. Il participe à des opérations
militaires impliquant des mercenaires en Rhodésie (actuel Zimbabwe) en 1977, au Yémen, en Iran, au Nigeria, au Bénin, au Gabon (où il est instructeur de la garde présidentielle), en Angola en 1975, au Cabinda en 1976, au Zaïre et aux Comores, l'un des pays les plus instables
de la planète.
De 1960 à 1963, il sera l'un des chefs des « affreux » du Katanga, une province du Congo belge, en soutenant Moïse Tshombé qui vient de déclarer l'indépendance du Katanga le 11 juillet 1960. Il s'est notamment distingué en faisant défiler tous
ses officiers qu'ils soient noirs ou blancs dans une stricte égalité (jusque
là, les blancs passaient en premier). Le 21 janvier 1963 c'est la chute de Kolwezi et la défaite des mercenaires, qui se réfugient en Angola avec l'accord du régime portugais. Ils seront rapatriés en France
où ils seront accueillis par les gendarmes.
Puis, il part d’août 1963 à la fin 1964 pour le Yémen pour le compte du MI6[6] avec 17 mercenaires, dont le célèbre Roger Faulques, ancien officier
parachutiste de la Légion étrangère, dans la 1re armée royaliste, financée par l'Arabie saoudite, contre les républicains
soutenus par les Égyptiens de Nasser.
L'ensemble des
mercenaires est placé sous le contrôle du colonel britannique David Smiley, ancien officier du Special
Operations Executive pendant la Deuxième
guerre mondiale. Dans son livre Arabian Assignment (page 156) il rapporte que les mercenaires français et belges alternent
entre les théâtres yéménites et congolais car au Congo ils ont femmes et alcool
à volonté mais sont rarement payés, tandis qu’au Yémen ils sont rémunérés mais
privés de femme et d’alcool.
Il revient fin 1964 en République
démocratique du Congo, à la tête du 1er choc qu'il a créé, plus précisément le 22 février 1965[8]. En prenant des mercenaires issus
des parachutistes et de la Légion étrangère,
il forme ce petit bataillon avec l'aide d'une poignée de Katangais. Il
contribue à la victoire sur les rebelles communiste de Gbenie, Soumialot et Mulele. En intervenant sur un territoire
grand comme la moitié de la France, tout en ayant de nombreux morts et blessés,
il permettra à la population de réintégrer leur villes et villages. En 1967, arriva la tragédie des mercenaires
pris au piège de Mobutu.
À la demande de la
France, le lieutenant-colonel Denard intervient une première fois dans la République fédérale
islamique des Comores qui venait,
unilatéralement, de proclamer son indépendance depuis le 6 juillet 1975. Il intervient en septembre 1975 pour
consolider le coup d'État d'Ali Soilih et arrête le président Ahmed Abdallah qui venait de proclamer l'indépendance, et le remplace par Ali Soilih.
Il rate un coup d'État au Bénin en 1977 et est pressenti[6] en 1977 pour déstabiliser le régime de James Mancham aux Seychelles. En 1978, il revient aux Comores avec 43 hommes
pour renverser le régime révolutionnaire de Soilih, et replace Ahmed Abdallah
au pouvoir. Ali Soilih meurt dans d'étranges circonstances le 29 mai 1978.
Bob Denard s'occupe dès
lors d'organiser une garde présidentielle forte de 600 Comoriens[9] encadrés par une poignée d'officiers européens[10] qui entrent en concurrence avec les forces armées comoriennes. Il se marie
sur place, se convertit à l'islam sous le nom de Saïd Mustapha Mahdjoub, s'occupe de développement
(construction de routes, ferme de 600 ha à Sangali, etc). Son autorité est alors incontestée. La RFI des Comores
devient le centre d'un trafic qui permet à l'Afrique du Sud, sous embargo international,
de se fournir en armes. Elle sert également de base logistique pour ses
opérations militaires contre les pays africains qui lui sont hostiles : le Mozambique et l'Angola.
En 1989, Ahmed Abdallah signe un décret donnant l'ordre à la Garde présidentielle, dirigée par Bob
Denard, de désarmer les forces armées pour cause de coup d'État probable,
toujours selon Denard. Quelques instants après la signature du décret un
officier des forces armées serait entré dans le bureau du président Abdallah et l'aurait alors abattu blessant également Bob Denard lorsqu'arriva un
officier « européen » de la garde présidentielle qui tua à son tour
l'assassin du président. Mohamed Taki
Abdulkarim, favorable à la France, devient président. Bob Denard est
évacué quelques jours plus tard par les parachutistes français vers l'Afrique du Sud.
Dans la nuit du 27 au 28 septembre 1995, Denard renverse Said Mohamed Djohar avec une trentaine d'hommes débarqués de Zodiacs sur les côtes comoriennes. Une fois la mission terminée, Denard et son
équipe sont rapatriés vers la métropole par les services secrets français.
Soutenu par Paris, Mohamed Taki Abdulkarim succède à Said Mohamed Djohar
à la présidence comorienne. Bob Denard vit alors dans le Médoc, où il rêve de
construire, sur le terrain familial de la commune de Grayan-et-l'Hôpital,
un musée de la Décolonisation. Il doit cependant faire
face à de nombreuses procédures judiciaires ainsi qu'à des ennuis d'argent et
de santé.
Il meurt le 13 octobre 2007, d'un arrêt cardiaque, il était atteint depuis
plusieurs années de la maladie d'Alzheimer.
Ennuis judiciaire [modifier]
Inculpé pour assassinat à l'encontre de Ahmed Abdallah avec son lieutenant, Dominique Malacrino, Bob Denard est acquitté faute de
preuve. Quelques jours avant le procès, la famille d'Abdallah s'était rétractée
et avait fait savoir qu'elle ne désirait plus ce procès qui aboutit à un non-lieu. Mohamed Taki fit toutefois savoir qu'il refusait que Bob Denard rentre au pays. Le 6 novembre 1998, il mourut dans d'étranges circonstances. La famille
cria à l'empoisonnement et demanda une autopsie. Rapidement, l'affaire fut
étouffée et l'autopsie oubliée. Mohamed Taki est officiellement décédé de mort
naturelle.
En 2001, Guido Papalia, procureur de la ville
de Vérone, au Nord-Est de l'Italie, poursuivit Bob Denard pour avoir tenté de recruter
des mercenaires dans les milieux de l'extrême droite italienne afin de renverser le colonel Azali Assoumani qui s'opposait aussi à son retour. Bob Denard a été jugé à partir du 21 février 2006. Un avocat, maître Elie Hatem, lui a été commis
d'office. Cette instruction, dure dix ans. De mauvaises affaires, comme l'achat
d'un garage Citroën à Lesparre dans les années 1980, et le coût des procédures, entraînent des difficultés.
Son nouvel avocat affirma même que les problèmes d'argent du vieux
« corsaire de la République », comme il s'était autoproclamé,
pouvaient compromettre sa stratégie de défense : « J'ai été commis d'office dans ce dossier, et M. Denard bénéficie de
l'aide juridictionnelle », confie Elie Hatem, qui ne cache pas une
réelle proximité avec l'ancien mercenaire. « J'aurais voulu faire citer plus de témoins à la barre, comme par
exemple Alain Juppé, qui était Premier ministre au
moment du coup d'État de 1995. Mais l'autorisation que j'ai sollicitée pour couvrir
des frais d'huissiers est intervenue trop tard »[11]. Bob Denard n'aurait
vécu "que sur 250 euros par mois" : retraite due à ses états de
service pendant la guerre d'Indochine.
Il pouvait ne pas assister à son procès, souffrant de la maladie d'Alzheimer.
MULTINATIONALES DE
MERCENAIRES
" Il [le Roi d’Angleterre] a déplacé de vastes armées de mercenaires
pour finir son laborieux travail de mort, de désolation et de tyrannie,
déjà entamé dans des circonstances perfides et cruelles
qui n’ont rien à envier aux âges les plus barbares et
qui ne sont pas digne d’une haute civilisation. "
" Il [le Roi d’Angleterre] a déplacé de vastes armées de mercenaires
pour finir son laborieux travail de mort, de désolation et de tyrannie,
déjà entamé dans des circonstances perfides et cruelles
qui n’ont rien à envier aux âges les plus barbares et
qui ne sont pas digne d’une haute civilisation. "
Déclaration d’Indépendance
des Etats-Unis,
adopté par le Congrès le 4 juillet 1776
adopté par le Congrès le 4 juillet 1776
" Pourquoi ne pas
envisager de créer des forces de mercenaires volontaires
organisées par des entreprises privées pour mener des guerres
sur une base contractuelle pour le compte des Nations unies ?
On pourrait envisager la création (…) de ‘sociétés de paix’ à charte internationale,
chacune étant assignée à quelque région du globe.
Au lieu d’être payée pour faire la guerre,
leur unique source de profit viendrait
de leur capacité de limiter la guerre dans leur région (…).
On pourrait même trouver des investisseurs privés
pour capitaliser ce genre d’entreprises si,
mettons la Communauté internationale ou des groupes régionaux
consentaient à les dédommager de leurs services ou
à leur verser des primes exceptionnelles les années où le nombre de leurs victimes décline. "
organisées par des entreprises privées pour mener des guerres
sur une base contractuelle pour le compte des Nations unies ?
On pourrait envisager la création (…) de ‘sociétés de paix’ à charte internationale,
chacune étant assignée à quelque région du globe.
Au lieu d’être payée pour faire la guerre,
leur unique source de profit viendrait
de leur capacité de limiter la guerre dans leur région (…).
On pourrait même trouver des investisseurs privés
pour capitaliser ce genre d’entreprises si,
mettons la Communauté internationale ou des groupes régionaux
consentaient à les dédommager de leurs services ou
à leur verser des primes exceptionnelles les années où le nombre de leurs victimes décline. "
Alvin et Heidi Toffler,
Guerre et contre-guerre, survivre à l’aube du XXIème siècle.
Guerre et contre-guerre, survivre à l’aube du XXIème siècle.
Guardian@isuisse.com
INTRODUCTION
Le
Péruvien Enrique Bernales Ballesteros, rapporteur spécial des Nations Unies
sur la question des mercenaires, ainsi que plusieurs Organisations Non
Gouvernementales (Human Rights Watch, Amnesty International et de nombreuses
organisations de soutien médical et humanitaire notamment) dénoncent
unanimement la recrudescence et la prolifération du mercenariat partout dans
le monde. S’il est clair que la présence de mercenaires dans les conflits
armés ne date pas de la fin de la guerre froide et que ce phénomène remonte à
l’Antiquité, il n’en reste pas moins que « l’autre plus vieux métier du
monde « connaît en effet actuellement une prospérité nouvelle sans
précédent à l’époque moderne.
L’histoire des mercenaires se
confond avec celle des guerres. Une analyse du mercenariat « moderne
« , que l’on peut faire débuter à partir de l’apparition des armées
nationales (XVIIIème et XIXème siècles),
permet de définir trois grandes familles de mercenaires, regroupés en
idéaux-types
Les
mercenaires traditionnels, dont les motivations principales sont le profit ou
l’aventure. Ils sont la forme historique du mercenariat et peuvent intervenir
pour un gouvernement, un homme, une faction ou des groupes illégaux
(trafiquants, terroristes, etc.) sous la forme d’individualités ou de petits
groupes de soldats.
2. Le
second type peut être identifié comme celui qui regroupe des militaires
travaillant pour des gouvernements hôtes et qui permettent la défense d’une
région spécifique et circonscrite. Ils sont attachés à une autorité précise
dans un contexte particulier relevant d’accords juridiques spéciaux. C’est le
cas des légionnaires français, du Tercio espagnol et du 32ème bataillon
sud-africain.
3.Enfin,
les mercenaires peuvent aussi être motivés par des raisons transnationales
idéologiques, politiques ou religieuses. Les combattants des brigades
internationales en Espagne ou les combattants islamiques d’Afghanistan sont
révélateurs de cet esprit de croisé qui ne connaît pas les frontières
administratives.
Ces trois
types de mercenariat possèdent certaines caractéristiques communes. En
premier lieu, ils louent leur savoir-faire moyennant finance d’où le nom
« mercenaire « , qui provient du latin mercis : la
marchandise. Ensuite, ces hommes ne peuvent avoir qu’un rôle d’appoint et une
efficacité réduite, dès lors que nous parlons de l’époque contemporaine. Les
conflits modernes font que l’utilisation de soldats de fortune ne peut
suffire à entraîner un renversement de situation durable. Même si certains
coups de force restent dans les annales, l’histoire du mercenariat est
surtout faite d’échecs cuisants et de déroutes. Qu’ils soient autonomes,
manipulés ou soutenus par leur patrie d’origine, les mercenaires sont des
marginaux dont les moyens d’action (en personnel et en matériel) sont
relativement limités. Le fiasco de la dernière intervention de Bob Denard aux
Comores en 1995 faisait écho à celui du Biafra et du Bénin qui ont
amené la Communauté Internationale à couvrir de honte, durant les
années 1960 et 1970, les activités de ces « chiens de guerre « .
Enfin, la dernière caractéristique commune est que ces hommes tombent sous le
coup de la loi, dans l’ordre interne du pays dans lequel ils opèrent ou bien
au regard du droit international, et peuvent ainsi être condamnés pour leurs
activités.
Bien entendu, les mercenaires
appartenant aux types traditionnels restent actifs dans la plupart des
conflits contemporains. Enrique Bernales Ballesteros alarme à cet
égard la Communauté Internationale sur leur présence au Zaïre rebaptisé
République Démocratique du Congo, en Angola, au Rwanda, au Tadjikistan, en
Arménie, en Azerbaïdjan, en Afghanistan, en ex-Yougoslavie et à la frontière
entre l’Inde et le Pakistan. Cependant, le rapporteur spécial de l’ONU sur la
question des mercenaires s’inquiète surtout de la « mutation
stratégique « inédite que connaissent actuellement les «
chiens de guerre « . En effet, « c’est bien moins le
mercenariat comme tel qui fut mis en échec qu’une certaine manière de
l’exercer « qui s’est considérablement marginalisée. La fin de
la guerre froide voit se développer à nouveau le mercenariat mais sous une
forme qui n’a connu son équivalent qu’aux temps des condottiere italiens
qui n’en représentaient à l’époque qu’une manifestation encore très embryonnaire.
Tentative de définition des
caractères communs du nouveau mercenariat
Ces « chiens de guerre
« du quatrième type sont diamétralement opposés aux trois premières
versions historiques qui continuent leurs activités encore aujourd’hui. Ce
nouveau modèle est défini par le rapporteur spécial des Nations unies dans un
rapport de février 1997 :
« Les activités des
mercenaires ne font pas seulement que continuer à exister, elles changent de
nature. L’établissement de compagnies qui vendent du conseil militaire, de
l’entraînement et des services de sécurité à des pays clients en échange
d’argent ou de concessions minières et énergétiques (…) devient très répandu.
(…) Selon ce nouveau concept, il apparaît que tout Etat possède la liberté
d’acheter des services de sécurité sur le marché international auprès d’organisations composées de
personnes de nationalités différentes, unies par leurs fonctions et leurs
capacités à contrôler, punir et imposer un ordre voulu par le gouvernement
qui les loue, sans considérer les coûts en vies humaines, en échange d’argent
et d’une portion de ses ressources naturelles. «
Le mot mercenaire ne définit pas
de façon suffisamment exhaustive et précise ce nouveau
phénomène. La Defense Intelligence Agency et certains
analystes américains parlent de transnational security
corporations, mais le concept de sécurité, nous le verrons, ne
permet pas d’appréhender toute l’étendue des activités couvertes : assistance
militaire, formation, etc. Le plus souvent, les commentaires sur le sujet
traitent des mercenaires avec le vocabulaire mythologique traditionnel
: Dogs of War, Soldiers of Fortune, etc.
Le peu de littérature qui existe
en langue française est aussi pauvre en définitions conceptuelles. Les
journalistes Misser et Chapleau ont choisi dans l’index de leur ouvrage la
périphrase suivante pour désigner les mercenaires du quatrième type :
« Les sociétés privées exportatrices de services sécuritaires
et/ou d’expertise militaire. «
Les firmes privées d’assistance
militaire et de sécurité sont composées d’anciens militaires et d’hommes de
renseignement regroupés au sein de firmes dotées de structures similaires à
celles des sociétés commerciales de droit privé. Opérant à partir d’une
nation hôte compréhensive, ou d’un paradis fiscal, elles peuvent comporter
des filiales disséminées sur l’ensemble du globe, comme n’importe quelle
multinationale de type capitaliste.
Elles sont engagées par des
gouvernements, des organisations non gouvernementales, des organisations
internationales ou des compagnies privées par le biais de contrats en bonne
et due forme de manière parfaitement légale. Ces compagnies affirment
généralement travailler uniquement au profit de gouvernements légaux mais
certaines consultations ayant échoué, du fait des firmes, à cause de la trop
grande instabilité de certains régimes montrent que ce n’est pas un principe
intangible. Le montant des honoraires est souvent très élevé mais il s’agit
d’Etats souverains ou d’organisations légales dépensant leurs propres
deniers, ce qui interdit toute critique de fond.
Comme toute autre entreprise, ces
firmes disposent de sites Internet, de services de communication et de
documentations à destination de la presse et des clients potentiels. Ce la
constitue une rupture en comparaison de la confidentialité et de la
discrétion qui prévalait par le passé chez les mercenaires traditionnels.
Leurs domaines d’activités et des
services contractuels sont très diversifiés : soutien logistique, maintien de
l’ordre, expertise et conseil militaire, formation militaire des personnels
(Terre, Air, Mer quel que soit l’arme et la spécialité), renseignement,
opérations spéciales et sécurité des personnes et des biens.
Pour se faire, elles disposent de
réserves d’hommes plus ou moins importantes (jusqu’à 5000 hommes), de
matériels performants et de cadres expérimentés provenant des unités d’élite
et des institutions militaires les plus prestigieuses au monde.
Les dirigeants de ces firmes se
targuent de pouvoir effectuer des opérations de maintien ou de rétablissement
de la paix plus efficaces et moins coûteuses que celles des Nations unies.
Ils refusent d’être comparés à des mercenaires et préfèrent le qualificatif
de « conseillers militaires « en arguant du fait
qu’ils ne participent pas directement aux combats et qu’ils n’agissent que
dans un cadre légal au profit de gouvernements, d’organisations publiques ou
privées parfaitement honnêtes.
On dénombre plus de 300 000
entreprises de sécurité et d’assistance militaire dans le monde, mais seules
quelques-unes possèdent un niveau d’activité d’envergure mondiale. En France,
le marché de la sécurité était récemment estimé par Paul Barril à «
10 milliards de francs de chiffre d’affaires et 90 000 emplois : autant que
la Gendarmerie ! « . Le syndicat national des entreprises de
sécurité dénombrait quand à lui 500 sociétés en 1984 et 1100 en 1994 ce qui
représentait alors 66 200 personnes. Les chiffres d’affaires, s’ils
représentent le poids financier total des firmes et non pas la part des
activités « mercenaires « , sont pourtant de bons indicateurs de
la santé du secteur.
En majorité d’origine
sud-africaine, américaine ou anglaise mais aussi françaises, israéliennes,
ces firmes agissent sur l’ensemble de la planète au gré des conflits et des
besoins, pour leur propre profit ou pour celui d’un pays. Le plus souvent
dans des pays en développement à instabilité chronique, elles travaillent
aussi pour les pays développés où elles y sont utilisées comme des
sous-traitants.
La plupart des contrats remplis
par ces firmes ont donné lieu à des réactions contradictoires de la part des
contractants comme des observateurs. Des interrogations sur la légitimité,
l’impartialité et l’action proprement dite de ces acteurs sur le terrain se
sont faites jour. Accusées d’être la forme la plus achevée et la plus
perverse du mercenariat version « profitkillers « ,
de se payer sur la dette ou sur les ressources naturelles de pays déjà en
grande détresse financière, de violer les droits humains ou bien encore de
servir les intérêts de compagnies ou de gouvernements sans scrupules au
détriment du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, elles ont fait l’objet
de critiques et de scandales peu relayés par les médias. Parallèlement, et
souvent pour un même contrat, ces sociétés transnationales de sécurité ont
été félicitées publiquement pour avoir mis fin à des guerres civiles qui
duraient depuis des décennies, pour avoir sauvé des enfants, des observateurs
internationaux ou des responsables d’ONG d’une mort certaine. De même, leur
action a été reconnue en faveur des réfugiés, du déminage et de l’assistance
civile aux populations.
Une large réflexion sur la
généralisation de leur emploi en Afrique a été entamée par le Pentagone
relayant en cela les hésitations des Nations unies et des ONG.
Le principe de non-ingérence dans
les affaires intérieures des Etats interdit de juger du bien fondé des moyens
employés par les gouvernements pour régler leurs problèmes intérieurs d’où
une question cruciale face au développement du mercenariat moderne : ces
acteurs d’un genre nouveau sont-ils le spectre du retour à un «
néocolonialisme « capitaliste ou une solution d’avenir pour le maintien
de la paix ? La réponse n’est pas évidente pour plusieurs raisons.
La première tient à la
Communauté Internationale et aux Etats. Les critiques de certains
détracteurs occultent la responsabilité des Etats dans le développement de ce
mercenariat « nouvelle génération. « Les conséquences militaires
de la fin de la guerre froide – baisse des budgets de défense, démobilisation
des effectifs, désengagement des principales puissances des opérations de
maintien ou de rétablissement de la paix, privatisation de fait des
politiques étrangères et de sécurité – ont crée un environnement favorable
pour ce nouveau type de mercenariat. Une même hypocrisie existe chez les
Nations unies et les ONG qui s’érigent en défenseurs du droit international
mais dont certaines ont parfois recours aux services de ces sociétés pour
soutenir leurs actions sur le terrain.
La résurgence du mercenariat est
en fait bel et bien le résultat de l’apparition d’un nouveau marché, issu de
conditions générales d’émergence complexes et multiples, et de la rencontre
d’une demande avec une offre : ce schéma suit en cela les phénomènes mondiaux
de libéralisation et d’internationalisation croissantes.
De plus, le « pilotage
« de ces firmes pour des objectifs nationaux de politique étrangère et
l’hypocrisie consistant à dénoncer les activités des compagnies de sécurité
et à faire appel à elles ou à laisser des entreprises nationales à l’étranger
recourir à leurs services doivent être levés. L’absence d’unité dans les
activités et le manque de transparence de ces firmes du point de vue
financier est un obstacle à toute légitimation ou condamnation globale
d’emblée. Chaque firme est différente et seule une étude détaillée de son
origine, de ses salariés (dirigeants et personnels « d’active « ),
de ses réseaux de soutien et d’action et enfin des contrats qu’elle a pu
mener permet d’apprécier des profils particuliers et les comportements qui
lui sont afférents. Une typologie précise de ces firmes fera l’objet de la
deuxième partie.
Enfin face aux poids des firmes
dans les pays contractants et aux suspicions qui planent sur leurs activités,
il faut s’interroger sur les limites politiques et économiques de l’action
des firmes multinationales de sécurité et d’assistance militaire ainsi que
sur les possibilités et la volonté des Etats de légiférer à leur propos.
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